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InfoLETTRE du 24.06.2022

 

Lettre de Veille Scientifique
 du 29/06/2022

n°90

L'Académie, une expertise scientifique au service de la santé publique


Santé publique - Médicaments - Produits de santé - Biologie - Santé et Environnemen

Toute l’activité de l’Académie nationale de Pharmacie est accessible sur   www.acadpharm.org

 

Vous pouvez télécharger cette lettre au format pdf avec le lien suivant :  

https://www.acadpharm.org/dos_public/LETTRE_90.PDF

Actualités

De nouvelles cibles pour les médicaments approuvés en 2021

Dans un récent article [1], paru dans la revue Nature Reviews Drug Discovery, les auteurs listent les nouvelles cibles visées par les médicaments approuvés par les autorités américaines, européennes ou japonaises en 2021. Sur 59 nouveaux produits identifiés, 17 nouveaux médicaments présentent des modes d’action totalement inédits. Les médicaments biologiques (anticorps, protéines de fusion et immunoconjugués) représentent la majorité de ces composés (11 sur 17). Six petites molécules et peptides complètent cette liste.

Parmi les médicaments biologiques, sans surprise, on trouve 4 anticorps monoclonaux qui visent le spicule (protéine Spike) du virus responsable de la COVID‑19 (regdanvimab, sotrovimab, casirivimab et imdévimab). Quatre autres anticorps monoclonaux ont pour cibles quatre cytokines différentes (évinacumab, tézépélumab, bimékizumab et tralokinumab) et deux médicaments biologiques visent des récepteurs de la transcytose (efgartigimod alfa et pabinafusp alfa). Un anticorps conjugué à un anticancéreux cible un antigène associé aux tumeurs (voir Tableau ci-dessous).

De leur côté, les petites molécules ou peptides sont soit des inhibiteurs (maribavir, sotorasib) ou substrat d’enzymes (fosdénoptérine), soit interagissent spécifiquement avec un récepteur (vosoritide), une macroglobuline (pegcétacoplan) ou un facteur de transcription (belzutifan) (voir Tableau).

Sur les 14 nouvelles cibles, 9 (soit 64 %) sont liées à un mode d’action visant de traiter des maladies rares.

On constate donc la confirmation de la tendance au développement de molécules biologiques dans des maladies rares. Plusieurs de ces médicaments ont d’ailleurs un statut de médicament orphelin.

Ces chiffres sont en ligne avec les valeurs constatées les années précédentes par les mêmes auteurs (Tableau ci-dessous). On peut noter une tendance à la prévalence des médicaments biologiques dans les médicaments visant des cibles innovantes.

Année

[référence]

Nouveaux médicaments enregistrés

Médicaments visant des cibles nouvelles (% par rapport au nombre total)

Petites molécules et peptides

Médicaments biologiques

2019 [2]

48

14 (29 %)

6

8

2020 [3]

61

13 (21 %)

7

6

2021 [1]

59

17 (29 %)

6

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En savoir plus ?

1] Avram S, Halip L, Curpan R, Oprea T I. Novel drug targets in 2021. Nature Reviews Drug Discovery Contents 2022; 21:328. doi: https://doi.org/10.1038/d41573-022-00057-7

[2] Avram S, Halip L, Curpan R, Oprea T I. Novel drug targets in 2019. Nature Reviews Drug Discovery Contents 2020; 19:300. doi: 10.1038/d41573-020-00052-w

[3] Avram S, Halip L, Curpan R, Oprea T I. Novel drug targets in 2020. Nature Reviews Drug Discovery Contents 2021; 20: 333. doi: 10.1038/d41573-021-00057-z

Rédacteur/Contact : Jean-Marc GROGNET (jean-marc.grognet@cea.fr)

 

Les petits ARN interférents, nouvelles sources thérapeutiques : état des lieux et perspectives (Mise au point)

La découverte des acides ribonucléiques (ARN) interférents date de 1998. Contrairement aux ARN messagers (ARNm), les petits ARN interférents ne servent pas de matrice pour la fabrication des protéines, mais jouent un rôle dans la régulation de leur production.

En réalité, deux types d’ARN interférents coexistent : 1) les petits ARN interférents ou ARN interférents courts[1] ou siARN (en anglais short interfering RNA, siRNA) ; et 2) les micro-acides ribonucléiques ou micro-ARN[2] ou miARN (en anglais microRNA, miRNA). Ce sont deux familles de petits ARN qui se replient sur eux-mêmes et se fixent sur des régions spécifiques d’ARNm, bloquant ainsi la production de protéines et menant à la destruction de l’ARNm ciblé. Leur principale différence réside dans le fait que les siARN sont hautement spécifiques d’un seul ARNm, alors que les miARN ciblent plusieurs ARNm. De nombreux miARN ont été identifiés : ils jouent un rôle physiologique important et une dérégulation de leur expression est observée dans différentes pathologies, des maladies rares aux plus communes comme les maladies cardiovasculaires ou le cancer. (Source INSERM).

Ces ARN interférents — miARN et siARN — ont un potentiel thérapeutique majeur et plusieurs médicaments à base de siARN sont déjà disponibles, et des dizaines d’autres sont en développement.

Le patisiran, développé par Alnylam, le premier médicament de la classe des petits ARN interférents de synthèse, a été approuvé — en août 2018 — par l’Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux sous forme de liposomes, pour une meilleure délivrance hépatique où la transthyrétine est produite. Il est indiqué pour le traitement d’adultes atteints de polyneuropathie due à l’amylose héréditaire à la transthyrétine, maladie grave affectant en particulier le système nerveux et le cœur (voir Lettre scientifique no 66)[1]. Les événements indésirables les plus fréquemment rapportés chez les patients traités par patisiran ont généralement été légers ou modérés, et incluaient des œdèmes périphériques et des réactions à la perfusion. Il est administré par voie intraveineuse.

Le lumasiran, également développé par Alnylam, est un petit ARN interférent de synthèse dont la séquence nucléotidique de l’un des deux brins (antisens) a été choisie pour bloquer l’expression du gène HAO1 (hydroxyacid oxidase 1) qui code la glycolate oxydase, ou (S)-2-hydroxy-acide oxydase. Dans le foie, cette oxydoréductase transforme, avec une molécule de dioxygène, le glycolate en glyoxylate et peroxyde d’hydrogène. En dégradant l’ARNm d’HAO1 et en réduisant la synthèse de la glycolate oxydase, le lumasiran diminue la production d’oxalate, le métabolite toxique directement responsable des manifestations cliniques de l’hyperoxalurie primitive de type 1 (HP 1), maladie rare se traduisant par la formation de calculs d’oxalate de calcium dans les reins et les voies urinaires (lithiase). Il est administré par voie sous-cutanée. La dose recommandée de lumasiran consiste en des doses d’attaque, administrées une fois par mois pendant 3 mois et suivies de doses d’entretien.

Le givosiran est un petit ARN interférent, homoduplex d’acide ribonucléique court (siARN), dont la séquence nucléotidique d’un des deux brins (antisens) a été choisie pour bloquer, au niveau de l’ARNm, la formation de l’acide aminolévulinique synthase 1 (ALA synthase 1 ou ALAS1), enzyme qui catalyse la synthèse de l’acide δ-aminolévulinique, premier précurseur commun de la biosynthèse des porphyrines conduisant à l’hème.

Il est indiqué dans la porphyrie hépatique aiguë, une maladie grave du foie. En termes de posologie, la dose recommandée est de 2,5 mg/kg une fois par mois, administrés par voie sous-cutanée. 

L’inclisiran, de Novartis, est le dernier médicament approuvé par l’Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux (FDA), fin 2021. Il est destiné à lutter contre l’hypercholestérolémie, un facteur de risque d’accident cardiovasculaire fréquent en population générale. Comme les précédents, il s’agit d’un petit ARN interférent, homoduplex d’acide ribonucléique court (siRNA, short interfering RNA), dont la séquence nucléotidique d’un des deux brins (antisens) a été choisie pour bloquer l’expression du gène de la proprotéine convertase subtilisine/kexine de type 9 (PCSK9) par le mécanisme d’interférence par ARN (ou RNAi, RNA interference). Il vient compléter l’arsenal thérapeutique destiné à traiter l’hypercholestérolémie familiale avec les deux anticorps monoclonaux que sont l’alirocumab et l’évolocumab.

Dans les constructions du lumasiran, du givosiran et de l’inclisiran[1], le brin « sens » (ou brin passager) complémentaire du brin « antisens » (ou brin guide) est lié en position 3’-OH à un bras espaceur sur lequel sont greffées trois molécules de N-acétyl-D-galactosamine (NAcGal). Ces résidus NAcGal facilitent leur pénétration dans les cellules hépatiques via les récepteurs des asialoglycoprotéines spécifiquement exprimés dans ces cellules. Ceci rend inutile l’utilisation de nanoparticule lipidique et permet de recourir à une administration par voie sous-cutanée moins invasive que la voie intra-veineuse. Ainsi, l’inclisiran est également indiqué par voie sous-cutanée, avec une injection tous les six mois.

à noter que le bévasiranib ciblant le facteur de croissance épithéliale vasculaire (FCEV), pour le traitement de la dégénérescence maculaire liée à l’âge, a été arrêté à l’issue d’une phase III randomisée en double aveugle [1].

L’olpasiran [2] est développé par Amgen dans le domaine cardiovasculaire avec la réduction du taux des lipoprotéines, en phase II, depuis juillet 2020.

Autres siARN en développement chez Alnylinam[2] :

Le fitusiran, en phase III, administrable par voie sous-cutanée, qui cible l’antithrombine, pour le traitement de l’hémophilie et les troubles hémorragiques rares, en collaboration avec Sanofi Genzyme.

Le vutrisiran, en phase III, également administrable par voie sous-cutanée, est programmé pour le traitement de l’amyloïdose à transthyrétine (autorisation de mise sur le marché décernée par la FDA, le 13 juin 2022).

En phase II, citons le cemdisiran (protéinurie et syndrome néphrotique de l’adulte), l’ALN-AAT02, l’ALN-HBV02 (hépatite chronique B), le zibélesiran (antihypertenseur) et l’ALN-HSD (stéatohépatite non alcoolique).

En complément, pour une vision globale, on peut consulter la référence [4].


[1]http://www.culture.fr/franceterme/result?francetermeSearchTerme=micro-ARN&francetermeSearchDomaine=0&francetermeSearchSubmit=rechercher&action=search

[2] http://www.culture.fr/franceterme/result?francetermeSearchTerme=micro-

[3] https://www.acadpharm.org/dos_public/Lettre_finale_66_mars_AG_13_03_2019_.pdf

[4] Note : ces médicaments sont décrits dans le Dictionnaire AcadPharm, avec leur formule chimique :

https://dictionnaire.acadpharm.org/w/Lumasiran

https://dictionnaire.acadpharm.org/w/Givosiran

https://dictionnaire.acadpharm.org/w/Inclisiran

En savoir plus ?

[1] https://amdbook.org/content/bevasiranib-cand5-wet-amd-discontinued

[2] Koren MJ, et al. Preclinical development and phase I trial of a novel siRNA targeting lipoprotein. Nature Medicine 2022; 28:96–103. doi: 10.1038/s41591-021-01634-w

[3] https://www.alnylam.com/alnylam-rnai-pipeline/

[4] Rossi JJ, Rossi DJ. siRNA drugs: here to stay. Molecular Therapy 2021; 29(2): 431
https://doi.org/10.1016/j.ymthe.2021.01.015

[5] Yu A-M, Choi YH, Tu M-J. RNA Drugs and RNA targets for small molecules: principles, progress, and challenges. Pharmacol Rev 2020 72:862–898. https://doi.org/10.1124/pr.120.019554

Rédacteur/Contact : Claude MONNERET (c_monneret@orange.fr)

Coups de coeur

Prévention du paludisme et promotion de l’assainissement du cadre de vie au Burkina Faso

Une thèse pour l’obtention du Diplôme d’État de Docteur en pharmacie récemment soutenue à l’Université de Limoges fait un point complet sur la gestion du paludisme, sa prévention et son traitement dans un pays d’Afrique (Zango, 2022). Outre le fait d’avoir été brillamment soutenue devant un jury où siégeaient quatre membres de notre académie, cette thèse présente dans une première partie le profil épidémiologique des différentes zones du pays, et décrit avec précision les derniers traitements préventifs et curatifs utilisés chez l’adulte et chez l’enfant. Dans une deuxième partie, l’auteur donne en détail les moyens de prévention recommandés et le plan national, 2016-2020, de lutte contre le paludisme (PNLP). Il insiste sur la chimioprévention, chez l’enfant, pendant la grossesse, les limites des moustiquaires imprégnées et des essais récents de moustiques génétiquement modifiés. Son analyse comparative évoque aussi les effets des insecticides sur l’environnement et les limites de leurs usages. La dernière partie concerne l’assainissement du cadre de vie et une étude de terrain souligne les difficultés de sa mise en œuvre. Il en ressort que la politique de communication sur le paludisme, ses dangers et sa prévention doivent passer par le système éducatif et des campagnes prenant en compte la variété des perceptions socioculturelles. Si le vaccin prophylactique Mosquirix (voir Lettre de Veille scientifique no 87)[1] de GSK (protéine recombinante), contre Plasmodium falciparum, recommandé depuis le 6 octobre 2021 par l’OMS, selon un schéma vaccinal en 4 doses à partir de l’âge de 5 mois, ne donne qu’une protection partielle, en combinaison avec une chimioprévention l’efficacité se rapproche de 70 %.

Lors de sa présentation, l’auteur évoque un faux sang attractif et toxique pour les moustiques à base de HMBPP (Plasmodium-métabolite, (E)-4-hydroxy-3-méthyl-but-2-enyl pyrophosphate) et de jus de betterave mis au point très récemment par des chercheurs suédois et prometteur (Figure). Une bibliographie originale de plus de 100 références complète ce travail.

Pourcentage de moustiques (a) se nourrissant dans les dix minutes avec une solution à base de jus de betterave contenant un phagostimulant, le HMBPP, ajusté à pH7, avec ou sans ajout de lipides/protéines (Alb). b, c : Moustiques An. gambiae s.l. après s’être nourris du mélange à base de plantes variant en contenu lipidique (sans, b ; avec, c) d’après Stromsky et al (2021).

En savoir plus ?

Zango Guillaume. Prévention du paludisme et promotion de l’assainissement du cadre de vie au Burkina Faso. Thèse pour le diplôme d’État de docteur en pharmacie, Université de Limoges, 10 mars 2022.

Stromsky VE, Hajkazemian M. Vaisbourd E et al. Plasmodium metabolite HMBPP stimulates feeding of main mosquito vectors on blood and artificial toxic sources. Commun Biol 2021; 4: 1161. https://doi.org/10.1038/s42003-021-02689-8

Rédacteur/Contact : Frédéric BONTé (fredbo45@yahoo.com)


Dépenses énergétiques humaines : nouvelles connaissances

Les récents travaux de Herman Pontzer (Gibbons, 2022 ; Pontzer et al., 2021) prouvent que les concepts acceptés jusque vers les années 2000 étaient faux : les dépenses énergétiques humaines ne sont pas équivalentes à celles des autres primates à poids équivalent, et ces dépenses supérieures sont dues à l’activité cérébrale de l’humain et non pas à son activité physique.

Le compteur de calories d’après Pontzer (Gibbons, 2022)

En comptabilisant la quantité de calories ingérées, on obtenait une approximation du métabolisme de base, ramenée au poids de l’individu ce métabolisme de base semblait équivalent à poids égal chez tous les primates. Mais, en utilisant la méthode de mesure des dépenses caloriques des physiologistes (expiration de CO2), Pontzer constate que l’activité physique n’augmente pas en moyenne les dépenses énergétiques d’un sujet.

Il confirme ce résultat en comparant les dépenses quotidiennes de chasseurs-cueilleurs africains face à celles d’employés de bureau sédentaires de l’Illinois, ces dépenses se révèlent équivalentes à poids égal.

Cette méthode d’évaluation des dépenses énergétiques par exhalation de CO2, si elle permet de mesurer des dépenses sur un temps déterminé, ne permet pas d’évaluer la dépense énergétique totale quotidienne. Pontzer va donc se tourner vers la méthode de l’eau doublement marquée (l’hydrogène et l’oxygène sont des isotopes remplaçant les atomes standards).

L’hydrogène est totalement excrété, mais l’oxygène est pour partie exhalée sous forme de CO2 du fait de la dépense en énergie, le rapport hydrogène sur oxygène mesuré périodiquement dans les urines au cours d’une semaine permet alors de mesurer exactement la dépense énergétique moyenne du sujet étudié.

Les résultats, ajustés en fonction du poids, sont inattendus : par jour l’homme dépense 2500 calories, la femme 2200 calories soit 20 % d’énergie de plus que le chimpanzé et le bonobo, 40 % de plus que le gorille, et 60 % de plus que l’orang-outang. Ces différences sont attribuées aux différences de développement cérébral de ces différents primates.

Entre 9 et 15 mois, les bébés dépensent 50 % de plus d’énergie que les adultes, après ajustement du poids. Cette différence est attribuée au développement cérébral à cet âge.

Cette dépense énergétique élevée du jeune enfant décroit progressivement jusque vers 20 ans pour se stabiliser au niveau de la dépense des adultes. Vers 60 ans, elle commence à diminuer pour atteindre moins de 26 % à l’âge de 90 ans.

Chez les Hadza, population africaine de chasseurs-cueilleurs, les femmes font en moyenne 8 kilomètres par jour et les hommes 14 kilomètres, chiffres supérieurs à la distance parcourue par un américain moyen en une semaine cependant, la dépense énergétique moyenne, à poids équivalent, de ces deux populations est semblable. Il en est de même pour les populations en Europe, en Russie et au Japon

Ayant comme hypothèse la consommation énergétique importante du cerveau en particulier lorsque l’activité cérébrale est sollicitée, H. Pontzer met en place des études de la dépense énergétique au cours desquelles il soumet des sujets à des stress psychiques (calcul mathématique difficile et questions gênantes) ; il obtient une augmentation de 40 % des dépenses au cours du test de calcul et 30 % au cours du test des questions gênantes.

Au total, l’importante consommation énergétique du cerveau est prouvée, cette consommation est proportionnelle à son volume, elle s’accroit au cours des activités cérébrales.

En savoir plus ?

Gibbons A. The Calorie Counter: Evolutionary Anthropologist Herman Pontzer busts myths about how humans burn calories – and why. Science 2022; 375(6582): 711–713. doi: 10.1126/science.ada1368

Pontzer H et al. Daily energy expenditure through the human life course. Science, 2021, vol 373, issue 6556, 808-812. doi: 10.1126/science.abe5017

Rédacteur/Contact : Jean-Loup PARIER (jlpa.cuve@gmail.com)

Du nouveau dans le grisonnement du cheveu, en lien avec les stress radicalaires

Le grisonnement du cheveu survient avec l’âge et résulte d’une perte de pigment mélanique au niveau des mélanocytes du bulbe pileux, perte qui se propage avec le temps dans la fibre capillaire. Les mécanismes sont complexes avec des interactions multicellulaires au cours du cycle pilaire. Une étude réalisée à partir de follicule pileux du scalp de donneurs entre 22 et 70 ans montre, parmi 20 marqueurs étudiés, une forte expression nucléaire de la protéine kinase ATM (Ataxia Telangiectasia Mutated, voir Figure) au sein des mélanocytes de follicules en phase anagène. Cette protéine ATM est un marqueur de réponse au stress radicalaire sur l’ADN cellulaire. Son inhibition favorise la perte de viabilité des mélanocytes soumis à un stress oxydatif.

Modèle de recrutement et d’activation de la famille des phosphoinositide-3-kinases liées aux kinases agissant en réponse aux dommages DSB (cassures double brin de l’ADN) à l’ADN. Cette famille inclut ATM (ataxia telangiectasia-mutated), ATR (ATM and Rad3-related), DNA-PKcs (DNA-dependent protein kinase catalytic subunit).

D’après Blackford et Jackson (2017).


L’observation de patients atteints de vitiligo, déficients en ATM, confirme son importance dans la protection des mélanocytes. Il n’a pas été détecté d’expression spécifique des autres marqueurs représentatifs du stress oxydatif, de la sénescence, des dommages et réparation ADN dans les mélanocytes de cheveux grisonnants. On remarquera la qualité des marquages histologiques qui illustrent à merveille le propos. Des études ultérieures vont rechercher d’autres phénomènes coopératifs inter-cellulaires impliqués.

En savoir plus ?

Sikkink SK, Mine S, Freis O, Danoux L, Tobin DJ. Stress-sensing in the human greying hair follicle: Ataxia Telangiectasia Mutated (ATM) depletion in hair bulb melanocytes in canities-prone scalp.

Sci Rep., 2020, 10 :18711. doi: 10.1038/s41598-020-75334-9.

Blackford AN, Jackson SP. ATM, ATR, and DNA-PK: The trinity at the heart of the DNA damage response. Molecular Cell, 2017; 66: 801–817. http://dx.doi.org/10.1016/j.molcel.2017.05.015

Rédacteur/Contact : Frédéric BONTÉ (fredbo45@yahoo.com)

Mise au point

Démarche qualité pour les préparations magistrales Le recours à des préparations magistrales est souvent la seule manière de répondre à des prescriptions de médicaments à visée pédiatrique, en gélules destinées à être ouvertes pour en administrer au patient le contenu mélangé à de la boisson ou de la nourriture.

Pour réaliser l’essai d’uniformité de teneur, une collaboration a été initiée entre des pharmacies sous-traitantes de préparations et un service pharmaceutique hospitalo-universitaire (AP-HM, PUI, hôpital de la Conception, Marseille).

Deux séries de travaux ont été entreprises :

-       dans la première, des essais par chromatographie liquide à haute performance (CLHP), réalisés au sein du laboratoire de contrôle de la pharmacie à usage intérieur (PUI), d’uniformité de teneur sur 20 lots de 40 gélules de 2 mg de captopril avec divers excipients ont montré des résultats conformes, en prenant pour référence la teneur théorique (2 mg), comme il est pratiqué à l’hôpital (1).

Au cours de la conservation, tous les lots restaient conformes dans leur date limite de leur utilisation (DLU), de 30 à 90 jours suivant les officines, mais des diminutions de teneur apparaissent au-delà, suivant la nature des excipients et du conditionnement (2) ;

-       Dans la deuxième série, les travaux ont porté sur 21 lots de gélules, dont 19 préparés à partir de poudre titrée en acétate de fludrocortisone, dosés à 40 mg et deux à partir de comprimés de fludrocortisone base broyés, dosés en fludrocortisone à 40 mg. 

Les résultats montrent la non-conformité de trois lots : deux sous-dosés et un surdosé. L’analyse de ces non-conformités a montré la nécessité d’une standardisation des procédures lors de la préparation des mélanges (3).

Les études de stabilité de poudres diluées et de gélules d’acétate de fludrocortisone, avec comme diluant de la cellulose microcristalline, du lactose et du saccharose soumises à des essais de conservation à 25 °C et 60 % d’humidité relative (HR), et 40 °C et 75 % HR, ont montré une libération de fludrocortisone base après une année de conservation à la température ambiante (≈ 1 % quel que soit l’excipient) et après 3 mois en conservation accélérée (≈ 0,30 %), mais toujours en dessous de la limite de 1,5 % de la monographie de l’USP (4).

En conclusion, à l’issue de ces travaux, il apparaît clairement qu’une démarche qualité pour les préparations magistrales réalisées à l’officine est indispensable et, que dans l’état actuel des équipements de la plupart des pharmacies, elle peut être réalisée en collaboration avec une PUI pour leur apporter un potentiel analytique indépendant et impartial.

En savoir plus ?

1Curti C, Gallice S, Lamy E, Rathelot P, Vanelle P. Interactions ville-hôpital et contrôles qualité des préparations magistrales réalisées à l’officine. Ann. Pharm. Fr. 2018 ; 76: 242–247. https://doi.org/10.1016/j.pharma.2017.09.003

2 Kabac T, Gallice S, Payan S, Pinzar I, Curti C, Lamy E, Rathelot P, Bertault-Peres P, Vanelle P.

Préparations magistrales en officine, hétérogénéité des stabilités à trois mois : exemple du captopril 2 mg. Poster, Convergences Santé Hôpital Congress, France, 2019. https://www.stabilis.org/InfostabPublicationPdf/301.pdf?1655213423

3 C. Curti, T. Brandin, T. Kabac, S. Gallice, D. Martin-Privat, E. Lamy, P. Vanelle. Contrôle qualité des préparations magistrales en officine : contraintes réglementaires et pistes d’amélioration. Le Pharmacien hospitalier et clinicien 2020 ; 55: 268–274. https://doi.org/10.1016/j.phclin.2020.04.009

4 Brandin T, Wasilewski M, Panuccio C, Bouguergour C, Primas N, Lamy E, Jean C, Bertault-Peres P, Rathelot P, Curti C, Vanelle P. Stability Studies of Fludrocortisone Acetate Capsules and Fludrocortisone Acetate Titrated Powders (Powder Triturates). Int J Pharm Compound, 2022; 26:150–154. https://ijpc.com/Abstracts/Abstract.cfm?ABS=5051

Rédacteur/Contact : Jean-Claude Chaumeil (jcchaumeil@gmail.com)