Séance thématique

Compte rendu et diapositives présentées
"la cybersanté : le rôle du pharmacien"

INTRODUCTION par Patricia RAFIDISON

"Le point de vue de la HAS", Isabelle ADENOT

"Cybersanté, un enjeu pour la pharmacie", William ROLLAND et Florence OLLÉ

"Quelle évaluation pour les objets connectés en santé ? Création de Digital Medical Hub", Marie-Pia D'ORTHO

"Télémédecine et pharmacien", Martial FRAYSSE

"Pharmacien connecté et la profession", Carine WOLF-THAL

TABLE RONDE "Opportunités pour le pharmacien dans l'e-santé : rôle, stratégie de formation - nouveaux enjeux"

 


« La Cybersanté : le rôle du pharmacien »

Séance thématique

 

Mercredi 22 mai 2019 de 14 h 00 à 17 h 00



Introduction

L’environnement et le marché : Le boom du numérique et des applications « e-santé » bouleversent les usages et référentiels « traditionnels » en santé. Au cœur de cette effervescence, la Cybersanté doit relever le défi d’associer les compétences du domaine informatique, médical et pharmaceutique, afin de développer des applications ou systèmes sécurisés, fiables, et utiles au service des patients. Ces regroupements de compétences commencent à se développer, comme e-Health, où professionnels du dispositif médical (DM), de l’industrie pharmaceutique et de l’édition de logiciels mettent en commun leurs ressources et leur expérience.

Les nouveaux risques : le partage des données personnelles, la cybersécurité, le hacking, la fiabilité des données, et systèmes, leur hébergement, l’absence de labellisation ou de certification, sont autant de sujets légitimes d’inquiétude. Plusieurs institutions en sont conscientes et s’emploient à trouver des réponses (i.e. CNIL, ANSM, HAS). Côté hébergeurs, certains sont déjà certifiés. De nouveaux entrants dans l’industrie de la santé, en particulier les startups via les applications ou équipements doivent développer de nouvelles expertises. L’avènement du numérique simplifie l’accès aux différents acteurs de santé et rend le patient acteur de sa santé.

Les opportunités pour le pharmacien 

À la lumière du développement des technologies et des applications au service du patient et de la profession, un nouveau rôle, essentiel, se profile pour les pharmaciens, dans le parcours santé du patient. Ceci à tous les points clés de la chaine de soins, depuis la qualification des applications jusqu’à leur délivrance et leur utilisation. Dans ce nouveau contexte, le pharmacien a un rôle à jouer de conseil et d’accompagnement des usagers/patients par sa pratique et sa formation. Une nouvelle vision pour la profession est envisageable…

 

L’objectif de la séance est de présenter l’actualité sur les nouveaux développements en relation avec l’exercice pharmaceutique.

 

14 h 00 Ouverture de la séance par Christiane Garbay, Présidente de l’Académie nationale de Pharmacie

14 h 05 Introduction par Patricia Rafidison, membre de l’Académie nationale de Pharmacie

14 h 15 « Le point de vue de la HAS »

Isabelle Adenot, Membre du Collège HAS, Présidente de la Commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé, membre de l’Académie nationale de Pharmacie

Diapositives présentées

14 h 45 « Cybersanté, un enjeu pour la pharmacie»

William Rolland, eHealth Manager et Florence Ollé, Docteur en Pharmacie, Responsible des Affaires réglementaires, SNITEM

Diapositives présentées

L'apport du numérique influence aujourd'hui très fortement les pratiques dans le monde de la santé. Le pharmacien n'échappe pas à cette transformation digitale qui doit être une opportunité de croissance et peut être lui permettre de repenser son métier.

Cette transformation digitale va donc exiger de nouvelles compétences que le professionnel de santé devra développer afin de répondre aux attentes des patients, compétences parfois techniques car liées au numérique.

Également, le projet de loi Ma Santé 2022 introduit la notion de "Télésoin" pour le pharmacien, discipline dont le socle est « numérique » et qui exigera l'apprentissage de nouvelles pratiques dans le colloque singulier pharmacien/usager.

Les applications mobiles et autres objets connectés sont aussi de nouveaux éléments à prendre en compte tant les usagers en sont friands ! Cette catégorie, qui lorsqu'elle ne répond pas aux exigences du dispositif médical, reste encore non cadrée d'un point de vue qualité et fiabilité. Le rôle du pharmacien consistera donc aussi à conseiller les patients quant aux choix des outils les plus pertinents et l’utilisation de ces solutions numériques.

Enfin, le succès du DP étant indéniable, son intégration totale dans le parcours de soin, permettra de contribuer à une meilleure sécurité pour les patients, par exemple en assurant la traçabilité des dispositifs médicaux implantables.

Autant de sujets liés au numérique qui vont profondément modifier les métiers de la santé, dont celui du pharmacien !

15 h 15 « Quelle évaluation pour les objets connectés en santé ? Création du Digital Medical Hub »

Pr Marie-Pia d’Ortho, Digital Medical Hub, Service de Physiologie Explorations Fonctionnelles, Hôpital Bichat, Assistance Publique – Hôpitaux de Paris, UFR de Médecine Denis Diderot, Université de Paris.

Diapositives présentées

Plus de trois milliards d’humains aujourd’hui un smartphone, les projections 2020 portent ces chiffres à 70% de la population mondiale (1). La moitié dispose d’une appli santé spécifique. C’est peu dire que la poussée est forte pour l’utilisation de ces outils dans le domaine de la santé, tant de part des patients que des soignants et des aidants. Pour autant, encore peu de ces appli et objets connectés (appli/OC) font effectivement partie de nos pratiques de soins, à l’exception notable du glucomètre connecté FreeStyle™ et de l’appli Diabéo, pris en charge par la sécurité sociale depuis septembre 2016.

Freins au déploiement et nouveaux risques

Cette discordance témoigne de freins à leur déploiement, qui tiennent en quelques mots clefs : sécurité, pertinence, fiabilité, efficacité, efficience, usages, représentations et ce qui en découle en terme de cadre légal et modèle économique. Tous ces aspects doivent être interrogés et évalués avant une mise sur le marché, même si les enjeux ne sont pas les mêmes selon qu’il s’agisse d’usages grand public « bien-être » ou de « santé » à proprement parler. Difficulté supplémentaire, l’évaluation des appli/OC doit adresser l’ensemble de la chaîne de collecte et de transmission des données, et pas seulement l’objet en lui-même.

De nouveaux risques émergent, liés à la cybersécurité comme la prise de contrôle à distance d’objets connectés ou la modification des informations à des fins hostiles : l’exemple de WannaCry, le rançongiciel qui a mis à terre le NHS anglais en 2016 en est le pire exemple. La question de la confidentialité des données, de leur accès par des parties tierces, de leur anonymisation est encore plus aiguë pour les données relatives à la maladie.

La pertinence fait référence à la collecte de données uniquement utiles pour l’objectif visé, vœu pieux avec les attentes suscitées par l’intelligence artificielle sous tendues par les manipulations de millions de données, en matière de médecine personnalisée (l’IA comme promesse d’identifier des sous-groupes de patients meilleurs répondeurs à tel type ou tel autre type de prise en charge).

L’évaluation de la fiabilité n’est pas superflue, quelques articles témoignent de résultats préoccupants quand les mesures influencent les décisions thérapeutiques (2). De plus, dans le cas particulier de l’app/OC, la fiabilité ne concerne pas que le dispositif en lui-même mais aussi le transfert et le réseau support de ce transfert, ainsi que les algorithmes de traitement des données. Ainsi la donnée peut être altérée à chacune des étapes : envoi du dispositif vers le smartphone ou la tablette, puis du smartphone vers le(s) serveur(s) et bases de données. Nous avons plusieurs exemples de mesures fiables telles qu’affichées par le dispositif et altérée selon que le transfert est fait vers système OS ou un système Android. La donnée après son envoi sur un serveur (dont on espère qu’il est hébergeur agrée données de santé, HADS) est ensuite traitée par des algorithmes qui génèrent, ou non, une alerte. Ces algorithmes sont-ils sensibles et suffisamment spécifiques pour déclencher une alerte pertinente ? Et en aval, le système de soins s’est-il réorganisé pour recevoir cette information et la traiter de façon adaptée ?

Pour quels bénéfices et quels usages ?

Ces volumes et nouvelles méthodes de collecte des données apportent-ils une amélioration dans la prise en charge des patients, sur des critères « durs », de morbi-mortalité et « moins durs » de qualité de vie et de confort ? Sont-ils efficients et coût –efficace ? Cette dernière question est essentielle pour les dispositifs qui prétendront à leur prise en charge par les assurances santé, publique et privées.

Enfin un aspect important touche aux usages, comportements et modifications de représentations induites par ces technologies, autant du point de vue des patients que des soignants, remettant en question, en reconstruction, la relation soignés-soignants-aidants. La santé traditionnellement lieu d’expression de la relativité et de la subjectivité, devient le produit de la mesure et de l’évaluation en fonction d’une norme supposée universelle. À la question: « Comment allez-vous ? » succède celle-ci : « Combien, aujourd’hui, maintenant ? ». L’objectivation et la scientificité sont les ressorts du « quantified self », avec un horizon supposé enchanteur fait de « modified self » et d’ « augmented self » (3).

Le chantier est vaste, c’est un euphémisme, et surtout nouveau. Il faut pourtant traiter toutes ces questions, en tout cas pour les app/OC qui prétendraient à une prise en charge par la solidarité nationale à travers un remboursement. La HAS a d’ores et déjà édité un référentiel visant à accompagner start-ups, développeurs et industriels à générer des produits de qualité et à aider leurs évaluateurs (4) et a publié fin 2018 les recommandations concernant les modalités de cette évaluation (5).

Création d’une plateforme pour le développement et la validation clinique des objets connectés de santé

Ces besoins sont tels que nous avons créé en 2017 à l'hôpital Bichat-Claude Bernard (Assistance Publique – Hôpitaux de Paris), en partenariat avec la Fondation de l'AP-HP pour la recherche, une plateforme qui entend se positionner comme un centre de référence pour le développement et la validation clinique des objets connectés de santé et de leurs applications mobiles, le Digital Medical Hub (DMH).

Ancré dans le service de Physiologie – Explorations Fonctionnelles du groupe hospitalier, le DMH réunit un consortium de scientifiques, parmi lesquels des représentants de la Direction de la Sécurité des Systèmes Informatiques de l’AP-HP, de l'Institut national de recherche en informatique et automatique (Inria), de laboratoire en Sciences Humaines et Sociales de Paris 13 et des UFR de Médecine Denis Diderot et d’Études psychanalytiques de l'université de Paris. Il s'adresse aux promoteurs académiques et industriels d'objets connectés et applications mobiles de santé. La validation des appareils connectés de santé est structurée par une approche multidisciplinaire, analyse de la sécurité, recherche clinique, médico-économique, analyse des comportements et des représentations, volet pédagogique de formation à la santé connectée.

Son financement repose sur des actions de mécénat, la réponse à des appels d’offre pour le financement de la recherche par des fondations (Fondation du Souffle par exemple) et des institutionnels (PHRC, RHU …) et la contractualisation avec des industries de toutes taille, de la start-up au groupe international quand il s’agit d’évaluer leur solution d’app/OC.

Quelle place pour une telle structure ?

Notre démarche répond à un besoin fort. Un rapport de 2016 du comité stratégique de filière « e-santé » (6) énumérait les structures susceptibles de contribuer à la certification des app/OC : réseau des « Living Lab » ; extension du périmètre des structures d’évaluation déjà̀ identifiées ; création d’une structure d’évaluation des OC/apps qui serait une structure de veille, en charge du repérage des solutions de m- Santé, et de leur promotion en cas de bénéfice avèré ; ou enfin un/des consortium d’acteurs aux compétences et légitimité́ complémentaires. C’est clairement dans ce dernier cadre que le DMH s’inscrit.

 

Références :

(1)    Green Paper on mobile Health/Livre vert sur le santé mobile. Commission Européenne. 2014. Disponible sur https://ec.europa.eu/digital-single-market/en/news/green-paper-mobile-health-mhealth

(2)    Validation of the Instant Blood Pressure Smartphone App. Plante TB, Urrea B, MacFarlane ZT, Blumenthal RS, Miller ER 3rd, Appel LJ, Martin SS. JAMA Intern Med. 2016 May 1;176(5):700-2

(3)    Le corps, nouvel objet connecté. Du quantified self à la m-santé : les nouveaux territoires de la mise en données du monde. Cahier Innovation et Prospective. N°2. Mai 2014. Edition de la CNIL. Disponible sur le site de la CNIL https://www.cnil.fr/sites/default/files/typo/document/CNIL_CAHIERS_IP2_WEB.pdf

(4)    Référentiel de bonnes pratiques sur les applications et les objets connectés en santé (mobile Health ou mHealth). Octobre 2016. Document disponible sur le site de la HAS https://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_2681915/fr/referentiel-de-bonnes-pratiques-sur-les-applications-et-les-objets-connectes-en-sante-mobile-health-ou-mhealth

(5)    HAS, Spécificités méthodologiques d’évaluation clinique des dispositifs médicaux connectés, https://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_2845863/fr/specificites-methodologiques-d-evaluation-clinique-des-dispositifs-medicaux-connectes

(6)    Créer les conditions d’un développement vertueux des objets connectés et des applications mobiles en santé. Rapport du Comité Stratégique de Filière 28. 2016. Rapport disponible sur le site du Ministères des solidarités. http://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/rapport-gt28-octobre-2016-vf-full.pdf

15 h 45 « Télémédecine et pharmacien »

Martial Fraysse, Resoconnext, membre de l’Académie nationale de Pharmacie

Composée de quelque 2000 milliards de cellule et d'une épaisseur de 4mm, la peau constitue une frontière mécanique, physique, chimique et immunologique d'une efficacité remarquable. Elle protège notre organisme des agressions du monde extérieur (soleil, bactéries, virus...) et prévient la perte d'eau nécessaire à son bon fonctionnement.

Comme toutes les parties du corps, la peau a « ses » maladies : acné, zona, psoriasis, herpès, lupus, vitiligo... qui touchent à des degrés divers près de 16 millions de français.

La baisse démographique des médecins et le dés-errance de 500 000 malades atteints de dermatoses inflammatoires chroniques ont poussé un groupe de dermatologues à créer cinq réseaux fédérés: Réso Pso, Réso Urticaire, Réso Verneuil, Réso Eczéma et Réso Recherche dotés d'un site internet et d'une application : Résoconnex.

Le pharmacien, professionnel de santé de proximité à l'accès optimal est un utilisateur évident de cette application pour réintroduire dans un parcours de santé des malades qui ont renoncé aux soins et dont la vie sociale est totalement dégradée par la nature de leur maladie.

16 h 15 « Pharmacien connecté et la profession »

Carine Wolf-Thal, Présidente du Conseil national de l’Ordre des Pharmaciens

Diapositives présentées

        Table ronde « Opportunité pour le pharmacien dans l’e-santé : rôle, stratégie de formation - nouveaux risques »

Modérateur : Pierre Poitou, membre de l’Académie nationale de Pharmacie

 

Participants : les conférenciers et Jacques Bernard, ex Président de l’Association Maladies Rares Info Services

 

 

17 h 00 Clôture par Christiane Garbay, Présidente de l’Académie nationale de Pharmacie