Séance thématique

Cette séance sur : https://youtu.be/bTRrc_Fdxa0
"Dispositifs médicaux et interactions contenant-contenu : quel impact sur le patient ?"

Séance animée par Valérie SAUTOU et Pierre-Yves CHAMBRIN

"Les interactions contenant-contenu : principaux mécanismes et facteurs d'influence", par Valérie SAUTOU

"Multi-expositions des nouveau-nés aux phtalates lors de l'utilisation de dispositifs médicaux en réanimation", par Lise BERNARD et Benoît BOEUF

"Exposition des patients au bisphénol A lors de séance de dialyse", par Antoine DUPUIS

"Mécanismes de migration de relargables à partir des implants ophtalmiques : quel impact clinique?", par Lionel TORTOLANO

"Interactions entre insuline et matériaux de perfusion lors d'une administration au pousse-seringue électrique", par Pascal ODOU

"Comment intégrer l'étude des interactions contenu-contenant dans une stratégie de développement d'un dispositif médical ?", par Patrick DELORME et Philippe JACQUIN

« Dispositifs médicaux et interactions contenant-contenu : quel impact sur le patient ? »

Séance thématique

Mercredi 3 mars 2021 de 14 h 00 à 17 h 00

 

De nombreux dispositifs médicaux (DM) sont en contact direct avec les fluides médicamenteux, nutritionnels ou biologiques lors d’actes de perfusion, nutrition artificielle, dialyse ou autre circulation extracorporelle par exemple. A l’interface entre ces fluides et ces DM, composés essentiellement de polymères, peuvent se produire des interactions susceptibles de générer des risques pour le patient, notamment chez les plus fragiles (pédiatrie, dialyse…). Ces risques peuvent être toxiques par relargage de composés issus du polymère (additifs ou produits néoformés), biologiques (réaction inflammatoire, immunogène, action sur la coagulation, effet perturbateur endocrinien) voire thérapeutique (inefficacité du principe actif lié à un phénomène de sorption, modification de son métabolisme, de sa configuration structurelle lors du contact avec le polymère). La connaissance des mécanismes impliqués dans les interactions ainsi que leurs facteurs contributifs permettent la recherche de solutions innovantes prenant en considération l’ensemble des phénomènes engendrés (relargage, adsorption, absorption...) et la fonctionnalité attendue du dispositif lui-même. Après une introduction générale, la séance permettra d’illustrer cette question par quelques exemples concrets, n’oubliant pas les questions qui se posent aux industriels lors du développement d’un dispositif médical.

14 h 00    Ouverture de la séance par Gilles Aulagner, Président de l’Académie nationale de Pharmacie

14 h 05    Introduction par Valérie Sautou et Pierre-Yves Chambrin, membres de l’Académie nationale de Pharmacie

14 h 10    « Les interactions contenant-contenu : principaux mécanismes et facteurs d’influence »

Valérie Sautou, PU-PH, membre de l’Académie nationale de Pharmacie

Les interactions contenant-contenu impliquant un dispositif médical sont de deux grands types :

  • Les phénomènes de sorption (adsorption, absorption) pouvant se produire entre principe actif ou excipient d’un médicament et le dispositif médical destiné à son conditionnement ou son administration. L’adsorption est un phénomène de surface, résultant d’une interaction entre une molécule et la surface du matériau. La cinétique de cette réaction est rapide et atteint un état d’équilibre par saturation des sites. Le mécanisme impliqué est celui de la physisorption mettant en jeu des liaisons faibles, réversibles. La présence de charges électriques au niveau de la surface du matériau ou la molécule constitue un facteur d’influence majeur d’adsorption. Le pH du contenu joue alors un rôle très important. L’absorption peut avoir lieu dans la continuité de l’adsorption. La molécule pénètre alors dans le matériau avec une cinétique beaucoup plus lente, mettant en jeu des interactions principalement hydrophobes. La loi de Fick peut décrire l’absorption, phénomène complexe influencé par de nombreux facteurs liés à la molécule absorbée ou bien au matériau. Parmi ces facteurs, la lipophilie joue un rôle majeur.
  • la migration d’additifs entrant dans la composition du matériau des dispositifs médicaux (stabilisants, plastifiants…) ou de substances non intentionnellement ajoutées, vers les fluides en contact (médicaments perfusés, mélanges nutritionnels, sang dans le cadre de circulations extracorporelles, oxygène lors d’assistance respiratoire). La migration d’une substance, régie par la Loi de Fick, est influencée par les caractéristiques de cette substance, du dispositif médical, du fluide en contact et des conditions environnementales.

Ces interactions contenant-contenu sont susceptibles d’avoir des conséquences sur la prise en charge thérapeutique d’un patient par diminution du principe actif ou exposition à des substances non souhaitées. Il est important de les connaitre et d’intégrer tous les paramètres susceptibles de les influencer au cours du cycle de vie du dispositif médical

14 h 20    « Multi-expositions des nouveau-nés aux phtalates lors de l’utilisation de dispositifs médicaux en réanimation »

Lise Bernard, MCU-PH Pharmacien Équipe matériaux pour la santé, ICCF 6296 CNRS, Clermont-Ferrand

Benoît Bœuf, Pédiatre réanimateur, CHU Clermont-Ferrand

Diapositives présentées

La prise en charge des nouveaux nés et prématurés en réanimation néonatale requiert l’utilisation de nombreux dispositifs médicaux (DM) en PVC plastifié. Les plastifiants intégrés dans ces DM peuvent migrer à partir du PVC et exposer le patient par voie parentérale, digestive, pulmonaire selon le DM utilisé. Cette multiexposition est problématique au regard de la toxicité avérée de certains composés comme le DEHP (di-éthylhexylphtalate), connu notamment pour ses effets perturbateurs endocriniens. Par ailleurs, la capacité moindre des nouveau-nés à éliminer et détoxifier ces contaminants explique la susceptibilité importante de la population de réanimation néonatale. L’étude clinique menée dans le cadre du projet ARMED NEO* a pour but de mesurer l’exposition de ces nouveau-nés au DEHP et à 2 plastifiants alternatifs présentant un rapport bénéfice/risque intéressant (di-éthylhexylterephtalate, DEHT et tri-octyltrimellitate, TOTM). Les urines des 97 patients inclus, recueillies chaque jour pendant le séjour en réanimation, ont mis en évidence une surexposition des nouveau-nés au DEHP. 80% d’entre eux ont présenté des taux de métabolites supérieurs aux valeurs de référence (RV 95). Les DM d’assistance respiratoire ont contribué majoritairement à cette surexposition. Les taux de métabolites oxydés ont diminué d’un facteur 20 à 35 après sortie de réanimation. L’exposition au DEHT n’a pas été supérieure à celle de la population pédiatrique générale. L’utilisation de DM en PVC plastifié au DEHT ne semble pas avoir d’impact sur l’exposition des nouveau-nés. En dépit d’un nombre élevé de DM de réanimation néonatale en PVC plastifié au TOTM, celui-ci diffuse peu et contribue à la faible exposition des nouveau-nés.

La surexposition des nouveau-nés de réanimation au DEHP via les DM est réelle et donc problématique au regard des risques toxiques associés. Son entière substitution par des plastifiants alternatifs tels que le TOTM et le DEHT apparaît nécessaire et urgente.

*Projet Armed Neo « Evaluation et gestion des risques liés aux dispositifs médicaux en polychlorure de vinyle plastifié en néonatologie » est porté par le CHU de Clermont-Ferrand, coordonné par le Pr V. Sautou. Il a bénéficié du soutien financier de l’ANSM (AAP 2015-027)

14 h 40   « Exposition des patients au bisphénol A lors de séances de dialyse »

Antoine Dupuis, PU-PH Pharmacien, CIC INSERM 1402 – Axe HEDEX, Poitiers

Diapositives présentées 

Vidéo de la présentation

L’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) a classé le 16 juin 2017 le bisphénol A (BPA) comme substance « extrêmement préoccupante » pour ses propriétés de perturbation endocrinienne chez l’Homme.

Le BPA est largement utilisé depuis une cinquantaine d’années comme monomère dans la production de plastiques de type polycarbonate et de résines époxy. Interdit depuis quelques années dans les biberons, il reste cependant présent dans de nombreux produits de la vie courante ainsi que dans certains produits de santé comme par exemple les dispositifs médicaux. Dans son dernier rapport, le Scientific Committee on Emerging and Newly Identified Health Risks (SCENIHR) a conclu que les patients hémodialysés étaient particulièrement à risque vis-à-vis de l’exposition au BPA. En effet, cette population est particulièrement exposée du fait d’une accumulation du BPA résultant d’une incapacité à l’éliminer par voie urinaire et d’une exposition chronique par voie parentérale en raison d’un relargage par la coque et la membrane des dialyseurs.

Nos récents travaux ont confirmé la présence du BPA dans les dialyseurs et montré que l’ensemble des dispositifs médicaux utilisés en hémodialyse était une source de contamination à ce perturbateur endocrinien. De plus, nous avons démontré pour la 1ère fois que l’eau, utilisée en hémodialyse, était également une source importante de contamination en BPA, via la production du dialysat notamment. De plus, nous avons mis en évidence dans l’eau pour hémodialyse la présence de dérivés chlorés du BPA (ClxBPA), sous-produits de chloration de l’eau connus pour leur activité œstrogénique supérieure au BPA. Nous avons également montré que l’hémodiafiltration entrainait un risque d’exposition aux perturbateurs endocriniens plus important que l’hémodialyse, via la contamination du liquide de substitution perfusé chez le patient.

Si l’impact clinique d’une telle exposition chez le patient dialysé doit être précisé, ces résultats doivent inciter les industriels ainsi que les médecins et pharmaciens impliqués dans la prise en charge des patients dialysés à prendre en compte le risque de contamination à ces perturbateurs endocriniens.

15 h 00    « Mécanismes de migration de relargables à partir des implants ophtalmiques : quel impact clinique ? »

Lionel Tortolano, Pharmacien, EA 401 Matériaux pour la santé, Paris Saclay 

Vidéo de la présentation

L’implantation d’une lentille intraoculaire est le traitement de référence de la cataracte toutes origines confondues. Les implants souples, en acrylates hydrophobes, à bord carrés et « 1 pièce » sont recommandés pour prévenir la survenue de complications post-opératoires telle que l’opacification capsulaire postérieure. Cette complication multifactorielle est associée à un défaut de biocompatibilité. Elle est liée à la prolifération et à la migration sur la paroi capsulaire des cellules épithéliales résiduelles du cristallin. La fibronectine, protéine principale de la matrice extracellulaire, permet l’adhésion forte de l’implant à la capsule du cristallin bloquant mécaniquement la prolifération des cellules. Cet effet barrière réduit l’incidence de l’opacification capsulaire postérieure.  

Malgré plusieurs mesures préventives, l’incidence n’est pas nulle et la prévalence continue d’augmenter avec le temps. Des cas tardifs d’opacification surviennent jusqu’à 10 à 15 ans après la chirurgie. Le vieillissement du copolymère de l’implant peut expliquer la survenue de ces complications tardives.  

Implanté dans le sac capsulaire, l’implant subit conjointement l’hydrolyse de l’humeur aqueuse et la photo-oxydation liée aux ultra-violets. Ces conditions induisent un double phénomène de scission de chaîne du copolymère et de réticulation. Ces transformations sont corrélées au temps de vieillissement et génèrent l’apparition de composés de faible masse moléculaire. Ceux-ci migrent vers la surface du copolymère par effet osmotique de l’humeur aqueuse.  

En surface du copolymère le vieillissement induit un réarrangement des chaines qui modifie la rugosité et la chimie de surface. La biocompatibilité, notamment l’adhésion protéique, évolue simultanément à cette restructuration A mesure que la surface de l’implant vieillie elle devient plus hydrophile pour réduire les interactions avec le milieu environnant. Cela diminue l’affinité de la surface pour la fibronectine et potentiellement l’adhésion entre l’implant et la capsule. De facto le vieillissement de l’implant accroit le risque de survenue d’une opacification capsulaire postérieure.

15 h 20    « Interactions entre insuline et matériaux de perfusion lors d’une administration au pousse-seringue électrique »

Pascal Odou, PU-PH, Pharmacien, ULR 7365 GRITA, Groupe de Recherche sur les formes Injectables et les Technologies Associées, Lille

Diapositives présentées

Vidéo de la présentation

L'insuline est un médicament fréquemment prescrit dans les hôpitaux et est généralement administré par un pousse seringue électrique relié à un prolongateur qui peut être composé de différents matériaux. Certaines études ont indiqué des interactions entre l'insuline, le chlorure de polyvinyle (PVC) et le polyéthylène (PE). L'objectif de cette présentation est d’exposer les interactions entre Novorapid® ou Umuline rapide® et les matériaux des tubulures de perfusion (PVC, PE et coextrudé (PE/PVC)). Les deux solutions d'insuline étudiées sont composées, pour la Novorapid®, d’insuline asparte (uanalogue rapide de l'insuline) associée à deux conservateurs phénoliques (le phénol et le métacrésol) et, pour l’Umuline rapide®, d'insuline humaine et de métacrésol comme unique conservateur. Une solution d'insuline à 1 U/mL a été perfusée à 2 mL /h sur 24 heures avec 16 tubulures différentes (8 en PVC, 3 en PE et 5 en PE/PVC). Une chromatographie liquide haute performance avec détection par barrettes de diodes a été réalisée pour quantifier les 2 principes actifs et les 2 conservateurs. Une sorption limitée de l'insuline humaine a été observée trente minutes après le début de la perfusion : 24,3±12,9%, 3,1±1,6% et 18,6±10,0% pour le PVC, le PE et le PE/PVC respectivement. Avec l'insuline asparte, une sorption d'environ 5 % a été observée au début de la perfusion pour tous les matériaux. Cependant, il y a eu des interactions entre le phénol et surtout le métacrésol avec le PVC, non retrouvées avec le PE et le PE/PVC. Cette étude montre que l'insuline interagit avec le PVC, le PE et le PE/PVC au début de la perfusion. Elle démontre également que les conservateurs de l'insuline interagissent avec le PVC, ce qui peut entraîner des problèmes de conservation et de conformation de l'insuline. Des études cliniques complémentaires sont nécessaires pour évaluer l’impact de ces résultats physicochimiques.

15 h 40    « Comment intégrer l’étude des interactions contenu-contenant dans une stratégie de développement d’un dispositif médical ? »

Patrick Delorme, Directeur Général Délégué, Cair LGL, Lissieu

Philippe Jacquin, Conseiller Scientifique, Cair LGL, Lissieu

Diapositives présentées

La prise en compte des interactions contenant/contenu par l’industrie du dispositif médical stérile (DMS) non invasif est multifactorielle.

La création ou l’évolution d’un DMS prend en compte son utilisation chez le patient, les besoins étant formalisés par les utilisateurs : définition technique, durée du contact médicament/dispositif, vitesse de perfusion et données déjà connues dans les études. Ceci nous amène à choisir différents matériaux rigides (Polycarbonate, Polychlorure de vinyle, Polypropylène, Polyéthylène Haute Densité...) ou souple (Polychlorure de vinyle avec plastifiant, Polyuréthane, Polyéthylène basse densité, thermoplastique élastomères ou coextrudés).

Dans le cadre des différentes réglementations (CE/MDR, REACH, Biocompatibilité, EOR) autorisant ou interdisant des composants (Phtalates, Bisphénol...) nous définissons les contraintes de fabrication : extrusion injection résistance aux pressions, collage… suivant les différentes normes à appliquer. Pour terminer, le facteur financier reste à analyser et à prendre en compte pour répondre aux contraintes des acheteurs

 

 

Clôture par Gilles Aulagner, Président de l’Académie nationale de Pharmacie

 

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