Maladies allergiques

3 questions à Frédéric de BLAY


Maladies allergiques


1. Est-ce que les allergies augmentent encore ?


La fréquence des maladies allergiques a considérablement augmenté au cours des dernières décennies. Selon l’Académie Européenne d’Allergologie, 150 millions d’Européens souffrent actuellement d’allergie chronique et plus de la moitié d’entre eux souffriront d’une forme au moins d’allergie d’ici 2025. Cette forte progression peut s’expliquer par des mutations génétiques, mais le risque de développer une maladie allergique est plus important lorsque coexistent une prédisposition génétique (atopie) et des facteurs de risques environnementaux et comportementaux. Ce développement résulterait d’interactions complexes entre des facteurs individuels et des expositions spécifiques à des étapes cruciales de la vie, telles que la période prénatale et la période post-natale précoce, faisant de l’allergie une maladie à la fois environnementale et individuelle. Parmi les facteurs environnementaux, les allergènes arrivent au premier rang, mais d’autres substances peuvent influencer la réponse vis-à-vis de ces allergènes : les contaminants chimiques (pollution de l’air intérieur, dont la fumée de tabac environnementale ; pollution atmosphérique d’origine automobile) et biologiques (micro-organismes, endotoxines). Certains états physiologiques (sexe, indice de masse corporelle, composition du microbiote intestinal) et des facteurs psycho-sociaux (niveau socio-économique) interviennent également.


2. Connait-on mieux les mécanismes physiopathologiques responsables de l’allergie ?


Les maladies allergiques sont caractérisées par une inflammation des voies aériennes ou des voies digestives consécutive à une réaction immunitaire sous la dépendance d’un anticorps particulier qu’on appelle l’IgE. La découverte de l’IgE a ouvert la voie aux premières avancées importantes en matière de physiopathologie des maladies allergiques, avant la découverte de réponses immunitaires orientées dites de type T2 ou de type non T2. L’existence d’un mécanisme de type T2 favorise la production d’anticorps de l’allergie, mais aussi l’activation de certaines cellules inflammatoires telles que les éosinophiles. Les mécanismes non T2, quant à eux, entrainent une production d’anticorps plutôt de type IgG, mais également une activation de cellules de type neutrophile. La découverte du rôle de l’immunité innée dans la genèse des maladies allergiques, la défense anti-infectieuse la plus archaïque chez l’Homme, a permis également de mieux comprendre les résultats épidémiologiques montrant le rôle des facteurs environnementaux et, particulièrement, des micro-organismes.


3. Comment prendre en charge ces maladies à l’échelle de notre pays ?


Il s’agit d’un véritable défi, puisque 30 % des Français sont cliniquement allergiques. Ces maladies peuvent être légères mais entrainer aussi de véritables handicaps. Nous observons de plus en plus d’enfants et d’adultes présentant des allergies multiples, respiratoires et alimentaires. C’est pourquoi, il est indispensable d’aborder les maladies allergiques sous un angle à la fois environnemental et individuel. Maladies environnementales, puisque les allergènes font partie de notre environnement, avec des facteurs associés qui interviennent dans l’aggravation des symptômes, voire dans la genèse même des maladies. Il s’agira alors d’améliorer la qualité de l’air intérieur en faisant appel à des méthodes telles que purificateurs d’air et aspirateurs, à condition de les valider cliniquement. Sans oublier, bien sûr, la pollution extérieure et son rôle dans l’aggravation des symptômes. Maladies individuelles, elles exigent qu’on s’intéresse à des traitements personnalisés, pour chaque patient en particulier, tels que les biothérapies anti IgE, anti IL5, anti IL4, anti IL13, et toujours la désensibilisation. L’allergologie est une jeune spécialité, reconnue seulement depuis 2017. Son organisation à l’échelle nationale exige une prise en charge de proximité où le pharmacien doit jouer un rôle essentiel aux côtés du généraliste, des spécialistes d’organes ou des pédiatres et de la médecine de recours, à savoir les allergologues spécialistes et les unités transversales d’allergologie. La Fédération Française d’Allergologie est en discussion avec la Direction Générale de la Santé et la Direction Générale de l’Organisation des Soins pour structurer au mieux les soins en matière de maladies allergiques dans notre pays. Dès à présent, les allergies doivent être prises en compte dans l’organisation même de notre société.