Objets connectés en santé

3 questions à Pierre Poitou.


1. Objets connectés en santé : de quoi parle-t-on ?


L’internet des objets connectés représente les échanges d’informations et de données provenant de dispositifs présents dans le monde réel vers le réseau Internet ; il est considéré comme la troisième évolution de l’Internet (web 3.0). Cet Internet of Things (IoT) a un caractère universel, et on constate son développement rapide dans des applications qui vont influencer notre vie quotidienne (domotique, automobile, bien-être, etc.) et, bien sûr, dans le domaine de la santé. Selon certaines estimations, en dix ans, de 2015 à 2025, 150 milliards d’objets devraient se connecter via internet entre eux, et avec plusieurs milliards de personnes ! On trouve aujourd’hui dans le commerce des montres connectées, permettant de suivre notre activité, notre sommeil... mais aussi des tensiomètres, des balances ou des briquets connectés pour l’aide au sevrage. La plupart relèvent du « bien-être », mais certains objets ont une finalité clairement médicale, comme, par exemple, le stéthoscope connecté, qui permet d’enregistrer le rythme cardiaque et d’envoyer le résultat par bluetooth sur un smartphone ou un ordinateur, ou la semelle connectée pour la détection du pied diabétique.


2. Faut-il s’attendre à des problèmes nouveaux en santé ?


Comme le rappelle N. Postel-Vinay « les questions posées par ces pratiques émergentes sont nombreuses : fiabilité, confidentialité, déontologie, conflits d’intérêt... ». Dans la mesure où un objet connecté permet ou appuie un diagnostic ou le suivi d’un patient, il rentre dans la définition du dispositif médical, et doit donc faire l’objet d’un marquage CE, ce qui ne semble pas toujours être le cas... Ainsi, quand l’objet n’a qu’une finalité d’auto-mesure (« quantified self »), son statut n’est pas clairement défini, ce qui, en l’absence de normes, pose problème quant à sa fiabilité. Par ailleurs, le développement de cet internet des objets va générer des volumes de données colossaux (« Big Data »), et, comme ces informations devront être filtrées par des algorithmes complexes, on peut craindre une moindre protection des données personnelles avec le risque d’appropriation exclusive de filtres numériques par des entités (publiques ou privées), qui pourraient alors manipuler les décisions...


3. N’est-ce pas aussi une nouvelle opportunité ?


Si ce développement présente des risques, il promet aussi des changements importants dans le suivi des patients, avec des conséquences majeures à prévoir sur le fonctionnement de nos systèmes de santé. Selon Éric Sebban, président de Visiomed, «une étude française a démontré que le suivi à domicile de ces malades, grâce à la télésanté et à des dispositifs médicaux comme l’auto-tensiomètre connecté, permettait d’économiser plusieurs centaines de journées d’hospitalisation par patient, et par an, soit des centaines de milliers d’euros. Dépenser moins et faciliter l’accompagnement, le confort de vie et l’autonomie des malades chroniques, en particulier de ceux qui habitent loin de leurs professionnels de santé : autant d’actions sur lesquelles la santé connectée pourrait venir concrètement en renfort de notre système de santé publique.»

Références

1. La cardiologie connectée – 26° Journées Européennes de la Société Française de Cardiologie – Janvier 2016

2. Santé connectée – Livre blanc du Conseil National de l’Ordre des Médecins – Janvier 2015. https://www.conseil-national.medecin.fr/node/1558

3. Santé connectée, un marché en quête de crédibilité http://www.objetconnecte.com/sante-connectee-orientation-marche/- 21/12/2015

Source : L'Observatoire N°36, mars 2016.