Douleur

3 questions à Alain Eschalier


Douleur : un combat prioritaire de santé publique


1. L’innovation pharmacologique : quel constat ?


La pharmacopée actuelle des antalgiques est caractérisée par un paradoxe fort : d’une part, une ancienneté des produits de référence dont le ratio bénéfice/risque n’est pas optimal et, d’autre part, une absence de nouveaux concepts. Depuis la fin des années 1990, aucun nouvel antalgique à mécanisme d’action conceptuellement nouveau n’est apparu. Majoritairement issue de l’empirisme, cette pharmacopée a, par ailleurs, tendance à se restreindre : retraits de produits, restrictions d’emploi, mises sous surveillance. Parallèlement, on observe des syndromes douloureux pour lesquels l’efficacité des antalgiques est limitée (douleurs neuropathiques), voire insuffisante (syndrome de l’intestin irritable, fibromyalgie).


2. Quelle stratégie ?


Deuxième paradoxe : un déficit d’innovation pharmacothérapeutique dans un contexte où la recherche fondamentale comme la recherche clinique de nature physiopathologique sont très actives. Les causes en sont sans doute multiples, mais, pour progresser, il faudrait, selon nous, d’abord définir une stratégie qui repositionne le patient au centre de la recherche. Elle alimenterait la recherche fondamentale qui, en analysant par exemple le mécanisme des effets bénéfiques ou indésirables d’antalgiques efficaces, pourrait identifier de nouvelles cibles pharmacologiques cliniquement pertinentes. Elle permettrait aussi une évolution de l’évaluation clinique de la douleur afin, entre autres, d’identifier des critères de réponse à tel ou tel produit et améliorer ainsi la personnalisation des traitements. L’Institut Analgesia*, premier pôle européen dédié à la recherche translationnelle et à l’innovation contre la douleur, développe des recherches fondamentales et cliniques selon cette stratégie.


3. Quels espoirs ?


Cette stratégie est actuellement appliquée aux opioïdes sur lesquels plusieurs équipes travaillent pour tenter de dissocier effet antalgique et effets indésirables. C’est une véritable quête du graal qui suscite de grands espoirs. D’autres travaux consistent à repositionner des médicaments sur la base de constats issus de la recherche fondamentale. Cette voie est d’autant plus intéressante qu’elle autorise un développement plus rapide compte tenu de la présence sur le marché des médicaments en question, comme, par exemple, les antagonistes des inhibiteurs des récepteurs à l’angiotensine 2. Enfin, l’observation clinique doit toujours alimenter la recherche comme on l’a vu récemment en constatant que des enfants étaient insensibles à la douleur parce qu’ils étaient porteurs d’ulcères de Buruli.

*http://www.institut-analgesia.org

Source : L'Observatoire n°39, 20 décembre 2016.