Les nouvelles thérapies du cancer

3 questions à Daniel Louvard*


Les nouvelles thérapies du cancer


1. Qu’entend-t-on par médecine de précision ou thérapies ciblées ?


Les progrès de la biologie des tumeurs et de la génomique ont mis en évidence les nombreuses mutations des gènes-clé de l’oncogenèse (oncogènes et gènes suppresseurs de tumeur) qui sont des cibles pharmacologiques pertinentes. Les thérapies ciblées (ex : Glivec, Herceptine...) se proposent d’activer ou d’inhiber une chaine de réactions biochimiques à l’origine de la perte du contrôle de la prolifération cellulaire et de la migration anormale des cellules malignes (ex : kinases cellulaires, récepteurs de surface). En réalisant la séquence complète du génome des cellules tumorales pour chaque patient, on connait pour chacun d’eux les mutations acquises par les cellules de la tumeur avec pour conséquence la possibilité de prescrire un traitement à la carte. Si ce séquençage est devenu financièrement abordable, en revanche, les médicaments, dits ciblés, ont un coût prohibitif. Pour un choix pertinent, l’analyse bio-informatique des données permet de prédire l’efficacité de tel ou tel médicament ou combinaison de médicaments. Restent les résistances induites par les traitements (« sélection Darwinienne ») qui amplifient l’hétérogénéité cellulaire des tumeurs et le problème des métastases.


2. Qu’en est-il de l’immunothérapie des cancers ?


Cette approche consiste à lever l’inhibition de la réponse immune aux cellules tumorales par des anticorps dirigés contre des récepteurs de surface (ex : anti PD-L1), stratégie dite de « check point ». Du fait d’une efficacité remarquable sur des tumeurs réputées incurables comme les mélanomes, de nombreux développements sont prévisibles. Toutefois, il reste des interrogations : pourquoi certains patients ne répondent-ils pas aux traitements ; pourquoi certaines tumeurs, comme les cancers colorectaux, sont-elles majoritairement réfractaires à cette approche ? Le problème majeur à long terme est un risque de réactions auto-immunes car les récepteurs ciblés ne sont pas uniquement exprimés par les cellules tumorales mais également, en plus faible quantité, par les cellules normales.


3. Le ciblage thérapeutique des cellules souches tumorales : un concept prometteur ?


À l’origine d’une tumeur, il existe une cellule initiatrice ayant les propriétés des cellules souches de l’organisme mais ayant accumulé des mutations. Cette cellule maligne peut ainsi proliférer et les cellules filles vont se différencier dans la tumeur. Ces dernières peuvent être détruites par les traitements disponibles alors que les cellules souches tumorales et normales sont naturellement résistantes aux xénobiotiques. Il s’agit donc d’identifier des molécules capables de tuer ces cellules souches malignes (1 à 5 % des cellules) de la tumeur de façon à éviter les récidives, fréquemment observées. Restent à épargner les bonnes cellules souches et le risque dû à la plasticité du génome tumoral qui permet aux cellules différenciées de la tumeur de « reverser » leur phénotype reconstituant le réservoir des cellules souches. Ce constat implique un traitement à la fois sur les cellules souches et sur les cellules différenciées de la tumeur pour lutter contre la sélection des résistants et la plasticité cellulaire.

 

* Directeur honoraire de l’Institut Curie

Source : L'Observatoire n°40, 3 questions à Daniel Louvard, mars 2017