Séance thématique

"Hypersensibilité médicamenteuse" - Salle des Actes - Faculté de Pharmacie de Paris - 4, avenue de l'Observatoire, Paris 6e, à 14h

https://youtu.be/XsvZlbqgQ3k
EXPOSÉS

"Les mécanismes physiopathologiques des hypersensibilités médicamenteuses", par Pascal DEMOLY et Marc PALLARDY"

"Prise en charge clinique, données épidémiologiques et pharmacovigilance de l'hypersensibilité aux médicaments", par Frédéric BÉRARD et Bénédicte LEBRUN-VIGNES

Table ronde :
Animateur : Frédéric de BLAY
Participants : Annick BARBAUD, Marie-Christine PÉRAULT-POCHAT, Pascale COURATIER, Martial FRAYSSE

 

« Hypersensibilités médicamenteuses »

Séance thématique
Salle des Actes

Faculté de Pharmacie de Paris

Mercredi 5 avril 2023 de 14 h 00 à 17 h 15

Programme

14 h 00   Ouverture de la séance par Bruno Bonnemain, Président de l’Académie nationale de Pharmacie

14 h 05  Introduction de la séance par Frédéric de Blay, Président de la Fédération Française d’Allergologie, membre de l’Académie nationale de Pharmacie

14 h 15  « Aspects physiopathologiques »

Pascal Demoly, Service de Pneumologie, Allergologie et Oncologie Thoracique, CHU de Montpellier, Institut Desbrest d’Épidémiologie et de Santé Publique, UMR UA11, Univ. Montpellier, INSERM, Membre de l’Académie nationale de Médecine

Diapositives présentées

Vidéo de la présentation

14 h 45  « Mécanismes cellulaires et moléculaires »

Marc Pallardy, Doyen de la Faculté de Pharmacie, INSERM UMR 996, Faculté de Pharmacie, Université Paris-Saclay, Orsay, France, Membre de l’Académie nationale de Pharmacie

Diapositives présentées

Vidéo de la présentation

Résumé commun

Trois point clés

  • Les hypersensibilités médicamenteuses regroupent une diversité importante de manifestations cliniques liées aux nombreux mécanismes physiopathologiques et immunologiques.
  • Les médicaments peuvent activer directement les cellules du système immunitaire innée avec pour conséquences des manifestations cliniques de type anaphylaxie
  • Le système immunitaire adaptatif est responsable de l’allergie avec présence de lymphocytes et d’anticorps reconnaissant les médicaments.

 

Les hypersensibilités médicamenteuses (HM) comprennent tous les effets indésirables médicamenteux ressemblant cliniquement à l’allergie. La plupart de ces HS ne concerne pas le site d'action pharmacologique du médicament (elles sont dites inattendues, de type B ou off-target). Notre compréhension de leurs bases cellulaires et moléculaires a considérablement évolué au cours des dix dernières années. Elles sont de mécanismes allergiques lorsque des anticorps et/ou des lymphocytes T activées dirigés contre tout ou une partie du médicament, de ses métabolites, de ses excipients en sont responsables ; ou non allergiques sinon. La classification de Gell-Coombs des HS allergiques reste pertinente, le type 1 (médié par les IgE) et le type IV (médié par les lymphocytes T) étant les plus couramment observés en pratique clinique. Poser un diagnostic de certitude, éliminer les diagnostics différentiels (notamment les éruptions infectieuses) et en approcher le mécanisme chez un patient donné permet l’instauration d’un traitement adéquat et la mise en place de mesures appropriées de prévention (individuelles et parfois collectives).

 

Les HM de chronologie immédiate, c’est-à-dire moins de 1-6 heures après la dernière administration (et souvent le premier jour), proviennent dans les cas allergiques de la production d’IgE par les lymphocytes B spécifiques de l’antigène chez des patients préalablement sensibilisés/immunisés contre le médicament impliquant une réponse immunitaire adaptative ou d’une activation directe des cellules effectrices de l’allergie (mastocytes, polynucléaires basophiles, monocytes), par le médicament et relargage de médiateurs tels que histamine, tryptase, métabolites de l’acide arachidonique et cytokines, dans les cas non allergiques. Pour ces dernières, la phase de sensibilisation n’est pas nécessaire et la réaction apparaît souvent dès la première administration ; elle est dose-dépendante et peut varier en intensité d’une fois à l’autre. Les exemples classiques sont l’histaminolibération non spécifique des mastocytes ou des basophiles induite par les opiacés, les produits de contraste iodés, le mannitol, certains curares ou la vancomycine. Une activation d’un récepteur du mastocyte (le mas-related G protein coupled receptor-X2) a récemment été mise en évidence pour expliquer certaines de ces HS non allergiques par activation mastocytaire. Le MRGPRX2 est non seulement un récepteur de défense innée liant les peptides cationiques antimicrobiens (de type défensines) mais aussi de nombreux médicaments tels que l'icatibant, les produits de contraste radiologiques non ioniques, la vancomycine, la morphine, le chlorure de péthidine, le dextrorphane, le rocuronium, l'atracurium et les fluoroquinolones ciprofloxacine et lévofloxacine. L’intensité de la libération des médiateurs mastocytaires et de la réponse clinique peuvent être identiques, quelle que soit la voie d’activation de ces cellules. D’autres mécanismes sont l’accumulation de bradykinine (ex., par les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine), l’activation directe et massive du complément (ex., par la protamine et certaines héparines hypersulfatées), l’interaction avec le métabolisme de l’acide arachidonique (ex., par l’aspirine et les AINS) avec réduction de la voie des prostaglandines inhibitrices (notamment PGE2) au profit de leucotriènes activateurs (notamment LTC4/D4/E4) et enfin, l’action pharmacologique de certaines substances induisant un bronchospasme (ex., par les bétabloquants, les anti-cholinestérasiques tels que la prostigmine ou le dioxyde de soufre libéré par certaines substances contenant des sulfites). Dans les cas allergiques, lors d’expositions ultérieures à ce même médicament, l’antigène (probablement un complexe protéique-haptène) va spécifiquement reconnaitre et se lier sur les IgE (spécifiques de l’haptène) présentes sur la surface des mastocytes et des basophiles. La fixation spécifique de l’haptène sur l’IgE stimule la dégranulation des mastocytes et basophiles via leurs récepteurs de forte affinité FcεRI, induisant la libération des mêmes médiateurs sus-cités préformés (par exemple, l’histamine, la tryptase, certaines cytokines comme le TNFα) et la production de nouveaux médiateurs (par exemple, les leucotriènes, les prostaglandines, les kinines, d’autres cytokines). Ces réactions sont peu dose-dépendantes et sont en général reproductibles d’une fois à l’autre. Certaines ont tendance à s'estomper avec le temps (ex., perte d’au moins 10% par an de la réactivité des tests cutanés aux pénicillines et céphalosporines).

Les HM de chronologie non-immédiate, c’est-à-dire plus de 3-6 heures après la dernière administration (et souvent 1-3 semaines après la première administration), sont en général de mécanisme allergique et principalement induites par l’action des lymphocytes T. Notre connaissance de ces réactions a été accélérée par les progrès de la compréhension du risque génétique et de l'interaction complexe des facteurs immunitaires, innés et adaptatifs qui déclenchent les toxidermies sévères de type syndromes de Lyell / Stevens Johnson (SJS) et DRESS (Drug Reaction with  Eosinophilia and Systemic Symptoms) et les hépatites immuno-allergiques. Des haplotypes HLA particuliers sont ainsi impliqués dans les allergies retardées cutanées sévères à l’abacavir (HLA-B*57:01), à la carbamazépine (HLA-B*15:02 dans la population Han chinoise et HLA-A*31:01 dans la population caucasienne), à l’allopurinol (HLA-B*58:01 dans les populations Han chinoise et caucasienne). A noter une première application pratique de ces découvertes dans le cas de l’abacavir (inscrite dans le Résumé des caractéristiques du médicament) : « avant de débuter un traitement contenant de l'abacavir, le dépistage de l'allèle HLA-B*57:01 doit être réalisé chez tout patient infecté par le VIH, quelle que soit son origine ethnique. L'abacavir ne doit pas être utilisé chez des patients porteurs de l'allèle HLA-B*57:01, à moins qu'aucune autre alternative thérapeutique ne soit disponible ».

Dans le cas des allergies à chronologie immédiate ou retardée impliquant l’immunité adaptative, il existe des lymphocytes T et des anticorps reconnaissant le médicament. La question est donc de comprendre comment un patient s’immunise contre un médicament ou comment un médicament peut activer un lymphocyte T qui devient alors pathogénique. Le schéma traditionnel de la réponse immunitaire adaptative implique les étapes suivantes : captation et apprêtement de l’antigène par une cellule présentatrice d’antigène (cellules dendritiques, macrophages…), activation et migration de ces cellules par des signaux de danger (LPS, ARN viral, flagelline…), présentation des peptides provenant de l’antigène aux lymphocytes T CD4+ ou CD8+ via respectivement les molécules HLA de classe II ou I, activation des lymphocytes T CD8+ en effecteurs cytotoxiques et CD4+ en auxiliaires aidant les lymphocytes B à produire des anticorps. Traditionnellement, on pensait que l'activation des lymphocytes T se produisait soit par des peptides modifiés par un médicament-haptène résultant d'une liaison covalente entre les auto-protéines et les métabolites réactifs au médicament (théorie de l’haptène), soit par des interactions non covalentes directes entre l'antigène modifié par le médicament et le HLA et/ou le récepteur de l’antigène des lymphocytes T (TCR) (concept p-i). Selon l’hypothèse la plus ancienne de Karl Landsteiner, un médicament doit agir en tant qu’haptène et se lier de manière irréversible, covalente, à une protéine pour former un complexe antigénique, devenir un antigène et être reconnu par des lymphocytes T. Dans ce cas nous sommes dans le schéma classique de la réponse immunitaire adaptative décrite plus haut. Les molécules du système complexe majeur d'histocompatibilité (CMH) et certains répertoires (ex., Vß) des lymphocytes T (en général CD4+) jouent un rôle très important de par leur spécificité limitant ce type de réponse à certains patients. Le concept de Werner Pichler d’interaction pharmacologique avec les récepteurs immuns (concept p-i), suggère quant à lui que les médicaments peuvent interagir directement avec les récepteurs immuns (TCR et/ou HLA) et ainsi activer les lymphocytes T en modifiant la structure du sillon de liaison du CMH. Dans ce cas, il n’y a pas d’immunisation préalable et nous sommes dans le cas d’une réponse allogénique. Les pathologies observées sont médiées par des lymphocytes T CD8+ cytotoxiques (hépatite cytolytique, épidermolyse cutanée…). En 2012, deux équipes indépendantes mettent en avant le concept des peptides altérés dans le cas de l’abacavir. Par élution peptidique et cristallographie, ils ont pu montrer pour cette molécule que cette dernière se lie de façon non covalente dans la fente de liaison à l'antigène de HLA-B*57:01 et modifie le répertoire des auto-peptides qui lui sont d’ordinaire liés, conduisant à la réponse immunitaire vis-à-vis de ce nouvel antigène présenté. Cliniquement, le tableau ressemble à un DRESS (drug reaction with eosinophilia and systemic symptoms), mais il en diffère par un délai plus court entre l’administration de l’abacavir et le début de la réaction, par l’éosinophilie qui y est rare et par l’état de choc qui apparaît en cas de ré-administration de l’abacavir.

Dans le liquide des bulles de Lyell / SJS (syndrome de Stevens-Johnson), un clonotype TCRab dominant (public pour la carbamazépine et non partagé pour d’autres médicaments) est exprimé sur les lymphocytes T CD8+, dont le phénotype prédominant est de type résident (Tissue-Resident Memory T cells) ou effecteur. La mémoire immunologique de ces réactions est longue, probablement pour la vie entière mais on ne sait actuellement pas ce qui la maintient en l'absence du médicament. Les signatures cellulaires et moléculaires au site des lésions tissulaires induites par les médicaments devraient permettre de mieux comprendre l'immunopathogénie des réactions d’HS médiées par les lymphocytes T et proposer de nouvelles approches diagnostiques précoces et de prévention.

En conclusion, les réactions d’HM médicamenteuses peuvent être immédiates ou retardées et concernent des mécanismes très divers. Le médicament peut activer directement des cellules de l’immunité innée, nécessiter une immunisation préalable aux manifestations cliniques (concept haptène) ou recruter et activer des lymphocytes T spécifiques pour d’autres antigènes (concept p-i, soi altéré). À ce jour, de nombreuses questions restent à résoudre et en particulier le passage de la phase de sensibilisation (asymptomatique) aux manifestations cliniques chez un faible pourcentage de p«

15 h 15  « Prise en charge clinique de l’hypersensibilité aux médicaments  »

Pr Frédéric Bérard, Professeur d’Immunologie Clinique, Vice-Président de la Société Française d’Allergologie, Université de Lyon

Vidéo de la présentation

15 h 45  « Données épidémiologiques et pharmacovigilance  »

Dr Bénédicte Lebrun-Vignes, Service de médecine interne, Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris

Diapositives présentées

Vidéo de la présentation

Résumé commun

L’Hypersensibilité (HS) au médicament est un phénomène fréquent qui toucherait environ 2% de la population générale. Les manifestations cliniques concernent très majoritairement la peau et sont sous-tendues le plus souvent par des mécanismes immunitaires même si l’allergie elle-même n’est confirmée que dans moins de 10% des cas. Les deux tableaux cliniques les plus fréquents sont l’urticaire aiguë et l’exanthème maculo-papuleux.

L’urticaire aiguë superficielle ressemble à des piqûres d’orties, est fortement prurigineuse, et chaque lésion disparait en général en moins de 24h. L’urticaire profonde - aussi appelée « angioedème » - correspond à une localisation de l’œdème plus en profondeur dans le derme ou l’hypoderme, et se présente comme un œdème tendu peu ou non prurigineux concernant préférentiellement les muqueuses et les extrémités. En fonction du mécanisme impliqué, les lésions d’urticaire surviennent dans l’heure ou dans les jours qui suivent l’introduction du médicament. Lorsque ce délai est dans l’heure après la prise du médicament, l’urticaire est plus fréquemment d’origine allergique (HS de type I de la classification de Gel et Coombs, médiée par les IgE) et dans ce cas parfois accompagnée d’un ou plusieurs symptômes d’anaphylaxie (bronchospasme, douleurs abdominales, chute de la tension artérielle, …). Ces symptômes associés à l’urticaire sont en revanche exceptionnellement observés en cas d’HS non allergique. Ainsi plus il y a 1) de symptômes associés à l’urticaire, 2) de signes de gravité, plus le risque d’un mécanisme allergique est élevé. Le traitement repose sur l’arrêt du médicament, l’utilisation d’anti-histaminiques, et, le cas échéant, du traitement codifié de l’anaphylaxie.

À distance de l’accident médicamenteux, l’exploration allergologique des patients repose sur les tests cutanés à lecture immédiate (solution du médicament testée sur la peau : pricks tests, intra dermoréactions à lecture immédiate), le dosage des IgE spécifiques du médicament (si ce dosage existe ce qui est en réalité très rare), voire la réalisation de tests immunologiques cellulaires (tests d’activation des basophiles). Tous les médicaments peuvent être impliqués dans les urticaires de mécanisme allergique, les plus souvent concernés étant les antibiotiques dont les bêta-lactamines (pénicillines et céphalosporines), les curares et les produits de contraste iodés. Un mécanisme non-allergique est très majoritairement impliqué dans les urticaires/angioedèmes médicamenteux. Dans ce cas, les médicaments les plus classiquement en cause sont les molécules histamino-libératrices (ex produits de contraste iodés, vancomycine, morphine, fluoroquinolones, certains anticancéreux), les antibiotiques et les anti-inflammatoires non stéroïdiens. Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion peuvent occasionner des angioedèmes isolés, sans urticaire superficielle par un mécanisme non allergique et non histaminique (par accumulation de bradykinine) qui peut être sévère.

La deuxième manifestation clinique de l’HS au médicament par fréquence est la survenue d’une éruption « fixe » (durée de chaque lésion > 24h), également souvent prurigineuse, survenant de façon retardée (entre quelques heures à quelques jours) après l’introduction du médicament, et qui persiste en fonction des tableaux cliniques de quelques jours à quelques semaines. Ces éruptions cutanées peuvent également être non allergiques (surtout lorsqu’elles ne durent que quelques jours et qu’il n’existe pas de signe de gravité associé). Lorsqu’elles sont allergiques, il s’agit d’une HS retardée (type IV de la classification de Gell et Coombs, médiée par des lymphocytes T spécifiques du médicament). Elles se présentent cliniquement le plus souvent comme un exanthème maculo-papuleux isolé. Des formes plus rares et pour certaines plus graves, mettant en jeu le pronostic vital, sont en revanche très fréquemment allergiques (érythème pigmenté fixe, nécrolyse épidermique comme les syndromes de Stevens Johnson et de Lyell, syndrome Drug Reaction with Eosinophilia and Systemic Symptoms ou DRESS, Pustulose Exanthématique Aiguë Généralisée ou PEAG). La sémiologie précise des manifestations cutanées et l’association de l’éruption à des signes extra-cutanés ou à des signes de gravité est à documenter systématiquement, notamment sur le plan clinique (fièvre élevée et mal tolérée, décollement bulleux spontané ou induit sur la peau ou les muqueuses, …) ou biologiques (en particulier cytolyse hépatique, insuffisance rénale, perturbations hématologiques – cytopénies / hyperéosinophilie, activation lymphocytaire). Ainsi, comme dans l’urticaire, plus les symptômes sont multiples et / ou sévères et plus la probabilité d’une allergie est élevée. La prise en charge repose le plus souvent sur l’arrêt du ou des médicaments suspects, et peut faire appel, selon le type et de la gravité de toxidermie, à l‘utilisation de dermocorticoïdes ou de corticoïdes systémiques associée à des traitements symptomatiques. Dans les formes les plus sévères, une prise en charge en unité spécialisée voire en soins intensifs est nécessaire, en lien avec les centres de référence ou les réseaux spécialisés dans ce domaine.

Tous les médicaments peuvent être impliqués dans la survenue d’une HS retardée, les plus souvent en cause, en particulier pour les toxidermies les plus graves, étant les antiépileptiques, les antibiotiques (notamment les bêtalactamines et les sulfamides) et l’allopurinol (premier pourvoyeur de Lyell et de DRESS).

À distance de l’accident médicamenteux, l’exploration des patients repose également sur des tests cutanés, cette fois à lecture retardée (48h). On réalisera soit des tests épicutanés (patchs tests) soit des intra dermo réactions à lecture retardée.

Quels que soient le type et le mécanisme de l’HS médicamenteuse, l’analyse de l’imputabilité médicamenteuse repose sur des critères chronologiques (délai de survenue et de régression des manifestations par rapport aux prises médicamenteuses, incluant tous les médicaments prescrits, l’automédication et les éventuels produits non médicamenteux), sémiologiques (type de manifestations cliniques et paracliniques définissant un tableau précis, élimination des diagnostics étiologiques différentiels notamment infectieux) et bibliographiques (littérature, bases de pharmacovigilance).

Pour certains médicaments, il existe quelques facteurs de risque identifiés de développer une HS retardée, soit acquis/environnementaux comme au cours de l’infection VIH, soit génétiques.

À l’issue de l’exploration d’une urticaire ou d’une éruption de mécanisme retardé, en cas d’allergie ou de signes de gravité associé à cette éruption, la réintroduction ultérieure du médicament est contre indiquée et le patient se voit rédiger une carte d’allergie mentionnant la DCI des molécules contre indiquées.

Des protocoles d’induction de tolérance sont parfois utilisés chez certains malades allergiques, lorsque le rapport bénéfice / risque de la reintroduction est élevé (chimiothérapies anti néoplasiques, antibiotiques dans des indications particulières / tuberculose, déficit immunitaire du patient,...). En cas d’HS non allergique, et en l’absence de signe de gravité, on pourra represcrire le médicament, souvent sous couvert de la prise conjointe d’un anti histaminique de 2° génération.

Les HS de type II et III au médicament sont beaucoup plus rares et souvent difficiles à explorer (pas de tests disponibles) en dehors des thrombopénies à l’héparine (type II lorsqu’il s’agit d’un mécanisme allergique). L’HS de type II est médiée par des IgG spécifiques du médicament qui lisent les cellules auxquelles le médicament s’est lié. Elle se manifeste le plus souvent par une cytopénie hématologique, ou une cytolyse d’un autre tissu, le plus souvent hépatique. L’HS de type III est médiée par des complexes immuns circulants, en général des IgG, induisant une vasculite +/- thromboses capillaires et s’exprimant cliniquement par un purpura infiltré +/- nécrotique, non thrombopénique, souvent associé à des arthralgies, de la fièvre, et une éventuelle atteinte rénale. La reintroduction du médicament est toujours contre indiquée dans les HS de type II ou III, car il n’existe pas de protocole d’induction de tolérance pour ces HS.

Enfin, l’HS au médicament peut également s’intégrer dans un syndrome de relargage cytokinique, en particulier avec lors de la première administration de certains biomédicaments. La présentation clinique est souvent immédiate associant fièvre, frissons, arthro-myalgies et malaise général. Le mécanisme est rarement allergique, l’induction de tolérance au médicament est parfois efficace. 

La déclaration de ces effets indésirables médicamenteux à la pharmacovigilance via les Centres Régionaux de Pharmacovigilance (obligatoire pour les médecins, pharmaciens, sages-femmes et dentistes) est très importante, avec deux grands objectifs. Le premier est individuel, afin de préciser au mieux l’imputabilité du ou des médicaments pris et la conduite à tenir immédiate et à long terme pour un patient donné devant une suspicion d’HS médicamenteuse (arrêt, réintroduction, contre-indication, surveillance, orientation vers un avis allergologique…). Le deuxième est collectif, à l’échelon populationnel, les données de pharmacovigilance permettant au fil du temps d’actualiser les connaissances sur la sécurité du médicament et d’en réévaluer si nécessaire la balance bénéfice/risque en fonction des signaux générés.

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16 h 15  Table ronde

Animateur : Frédéric de Blay, membre de l’Académie nationale de Pharmacie

Participants : Pr Annick Barbaud (Hôpital Tenon) ; Pr Marie-Christine Pérault-Pochat (RFCRPG) ; Mme Pascale Couratier (Directrice Générale AFPRAL), Martial Fraysse (Pharmacien d’officine)

Vidéo de la Table ronde


Conclusion générale

Clôture par Bruno Bonnemain, Président de l’Académie nationale de Pharmacie