Séance académique

EXPOSÉS

"Épidémiologie environnementale et épigénétique appliquée au développement", par Johanna Lepeule

"Impact des pesticides sur l'agrégation des amyloïdes dans différents modèles de maladies neurodégénératives", par Pierre-André Lafon

"Les variants SARS-CoV-2 : origine, nature, conséquences en termes d'épidémiologie, pathogénicité et échappement à la réponse immunitaire", par Agnès Gautheret-Dejean

COMMUNICATIONS

"COVID-19 et antibiorésistance : quelle évaluation de l'impact en milieu hospitalier ?", par Catherine Dumartin

"Des radiopharmaceutiques pour revisiter la neuro-imagerie : l'exploration des récepteurs 5-HT1A fonctionnels", par Luc Zimmer

"Les thérapies innovantes, nouvelles approches thérapeutiques pour guérir plutôt que traiter les maladies rares. L’exemple de la thérapie génique non gène dépendant de la rétinite pigmentaire", par Florence Allouche

 

Séance académique

Mercredi 17 mars 2021 à 14 h 00

 

 

Activités administratives de l’Académie

Approbation du compte rendu de la séance du 10 février 2021

Informations du Président

Informations du Secrétaire Perpétuel

 

Travaux scientifiques & professionnels

Exposés (20 min + 5 min (Q/R))

« Épidémiologie environnementale et épigénétique appliquée au développement »

Johanna Lepeule, Chercheur INSERM U29, Grenoble, Lauréate 2020 du Prix MGEN Recherche et Innovation en Santé Environnementale

Diapositives présentées

Vidéo de la présentation

Il y a en France un peu plus de 700 000 naissances par an dont 6% sont prématurées (<37 semaines d’aménorrhée) et autant présentent un petit poids à la naissance (<2500 gr), avec une augmentation régulière de ces indicateurs depuis 20 ans. La prématurité et le petit poids de naissance sont des causes majeures de mortalité et morbidité néonatales et sont associées à long terme à des difficultés d’apprentissage ainsi qu’à l’apparition de maladies cardiovasculaires, métaboliques et respiratoires chez l’enfant et l’adulte. C’est à partir de ces observations faites dès les années 1980 qu’a émergé le champ de recherche de la DOHaD qui se concentre sur l’étude des effets à moyen et long terme des expositions environnementales subies durant la phase de développement (vie fœtale et premières années de la vie). De nombreuses études épidémiologiques indiquent une association entre l’exposition maternelle à la pollution de l’air, et plus généralement des expositions environnementales au sens large (i.e. exposome), et le déroulement de la grossesse, notamment une réduction de la durée de gestation et du poids de naissance, et le développement de l’enfant. Les mécanismes qui pourraient expliquer les effets de l’exposition fœtale aux polluants environnementaux sur la santé ultérieure sont peu étayés, mais plusieurs pistes sont explorées. Une hypothèse est que les polluants environnementaux pourraient influencer la programmation épigénétique et l’expression de certains gènes (via des altérations épigénétiques), qui modifieraient ensuite le risque de survenue de maladies à court ou long terme. Les phénomènes épigénétiques représentent l’ensemble des modifications qui régulent l’expression des gènes sans altération de la séquence ADN. En plus de constituer des potentiels biomarqueurs d’exposition et d’effet, les marques épigénétiques, et plus généralement l’épidémiologie épigénétique représentent une opportunité pour identifier les mécanismes d’action d’expositions environnementales sur la santé. En dépit d’avancées majeures dans les connaissances en épidémiologie de la pollution l’air et en épigénétique environnementale depuis 20 ans, de nombreuses questions et problématiques subsistent. J’aborderai au cours de cette présentation, la question des impacts de l’exposition maternelle aux polluants de l’air et au tabagisme pendant la grossesse sur la méthylation de l’ADN placentaire.


« Impact des pesticides sur l’agrégation des amyloïdes dans différents modèles de maladies neurodégénératives »

Pierre-André Lafon, INSERM, Lauréat 2020 du Prix de thèse Sciences de la Santé Publique et environnement

Vidéo de la présentation 

L'utilisation massive de pesticides a conduit à des problèmes environnementaux et sanitaires majeurs. Des études épidémiologiques ont clairement établi un lien entre l'exposition à la roténone et au paraquat et l'incidence de la maladie de Parkinson (MP). Cependant, très peu d'études sont disponibles sur l'impact des pesticides dans d'autres maladies neurodégénératives. Il est établi que la plupart de ces maladies ont un mécanisme commun d'agrégation et de propagation de leurs protéines pathologiques respectives. Notre hypothèse est que si les pesticides peuvent influencer l’agrégation de l’α-synucléine dans la MP, ils pourraient également perturber les mécanismes d’agrégation de protéines amyloïdes impliquées dans d’autres maladies neurodégénératives. Cette présentation exposera de nouvelles données concernant l’impact des pesticides sur les maladies à prions et la maladie d’Alzheimer.  Nous avons pu déterminer l’impact de différentes doses (5, 10 et 20 mg/kg) d’un composé naturel possédant des propriétés herbicides (A6) dans un modèle murin de maladie de Creutzfeldt-Jakob et d’un mélange d’antifongiques de la classe des anilinopyrimidines, dont les résidus sont fréquemment rencontrés dans l’alimentation française (étude TDS2 de l’ANSES) sur un modèle murin de la maladie d’Alzheimer, à la dose réglementaire autorisée dans l’eau potable (0.1 μg/L). Ces deux études nous ont permis d’évaluer le rôle potentiel des pesticides dans l’aggravation des maladies neurodégénératives.

« Les variants SARS-CoV-2 : origine, nature, conséquences en termes d’épidémiologie, pathogénicité et échappement à la réponse immunitaire »

Agnès Gautheret-Dejean, membre de l’Académie nationale de Pharmacie

Diapositives présentées

Vidéo de la présentation 

Comme tout virus à ARN, la multiplication intracellulaire du SARS-CoV-2 s’accompagne de variations génétiques. Grâce à l’existence d’une activité de relecture et de correction, son taux de substitution/nucléotide/génome/an est inférieur à celui d’autres virus à ARN comme le VIH. Cependant, depuis son émergence fin 2019, des variations lui ont permis de gagner en capacité réplicative, d’améliorer son adaptation à l’Homme en augmentant son affinité pour son récepteur, l’ACE2. On estime à plus de 4000 le nombre de variants circulant dans la population mondiale à ce jour. L’une des premières mutations a été la mutation D614G qui permet un changement de conformation majeur du domaine S1 de la protéine spike d’enveloppe, et induit une augmentation considérable de l’infectiosité virale. La quasi-totalité des souches circulant à ce jour sont porteuses de cette mutation. Trois variants du SARS-CoV-2 concentrent actuellement l’intérêt des autorités sanitaires internationales : le variant 501Y.V1 dit « anglais », le variant 501Y.V2 dit « sud-africain » et le variant 501Y.V3 dit « brésilien ». Le variant 501Y.V1 se caractérise par son infectiosité supérieure à 50% par comparaison avec les souches antérieures. Les variants 501Y.V2 et 501Y.V3 ont les mutations K417N, E484K et N501Y qui font partie des résidus d’interaction de la protéine spike avec l’ACE2, permettant un échappement à certains anticorps neutralisants. La mutation E484K est particulièrement redoutable, et a été décrite récemment au Royaume-Uni chez un nouveau variant issu du variant 501Y.V1. Il pourrait ainsi conjuguer capacité réplicative/infectiosité et échappement à la réponse immunitaire.

Cette présentation aura pour but d’aborder la variabilité génétique du SARS-CoV-2 sous l’angle virologique et de présenter les principales conséquences sur la propagation du virus dans la population mondiale, l’évolution de sa pathogénicité et son échappement à la réponse immunitaire.

  

Communications (10 min + 5 min (Q/R))

« COVID-19 et antibiorésistance : quelle évaluation de l’impact en milieu hospitalier ?»

Catherine Dumartin, MCU-PH, UFR des Sciences Pharmaceutiques. Université de Bordeaux et CPias Nouvelle-Aquitaine, présentée par la 5ème section

Video de la présentation 

Pour maîtriser l’épidémie de Covid-19 et prendre en charge les patients atteints, les mesures de prévention de la transmission croisée ont été renforcées en milieu hospitalier et des antibiotiques ont été prescrits pour traiter les patients suspects de surinfections bactériennes, avant la parution de recommandations de traitement du Haut Conseil de la Santé Publique en juin 2020. Ces actions sur deux déterminants de la diffusion et de la sélection de bactéries résistantes aux antibiotiques conduisent naturellement à se poser la question de l’impact de l’épidémie de Covid-19 sur l’antibiorésistance. Dans près de 200 établissements de santé ayant surveillé leur consommation d’antibiotiques au cours du 1er et du 2ème trimestre 2020, la tendance était à la réduction des consommations globales (-10% dans les établissements ayant accueilli des patients COVID-19 et 13% dans les autres), dans un contexte de réduction des activités cliniques. Cette tendance se retrouvait pour les antibiotiques utilisés dans le traitement des infections respiratoires, à l’exception de la ceftriaxone en secteur de rééducation. Le nombre de cas de bactéries hautement résistantes aux antibiotiques (BHRe) signalés au niveau national avait drastiquement diminué entre les deux trimestres (-40%). Le suivi des évolutions des consommations d’antibiotiques et de la résistance bactérienne en 2020 et 2021, complété d’informations sur les pratiques d’hygiène et les activités cliniques, permettra de mesurer les effets à court et moyen termes de l’épidémie. Les connaissances acquises seront utiles pour 1) identifier les pistes d’action pour mieux intégrer la prévention de l’antibiorésistance dans la prise en charge de patients atteints par une pathologie infectieuse émergente ; 2) anticiper le recueil des données nécessaires et l’adaptation des systèmes d’information pour une meilleure réactivité dans l’évaluation de l’impact de phénomènes épidémiques et l’information des professionnels de santé

« Des radiopharmaceutiques pour revisiter la neuro-imagerie : l’exploration des récepteurs 5-HT1A fonctionnels »

Luc Zimmer, Professeur de pharmacologie, PU-PH, Directeur du CERMEC, Imagerie du Vivant, Université Claude Bernard Lyon 1 - Hospices Civils de Lyon - INSERM - CNRS, Lyon, Institut National des Sciences et Techniques Nucléaires, Saclay présenté par la 2ème section

Diapositives présentées

Vidéo de la présentation 

Le récepteur 5-HT1A de la sérotonine est l’une des cibles sérotoninergiques les plus explorées en neuropharmacologie, avec des applications thérapeutiques en psychiatrie et en neurologie.

Si l’imagerie biomédicale, en particulier la tomographie par émission de positons (TEP), a beaucoup contribué à la connaissance de ces récepteurs, des pans entiers de la neurotransmission sont encore incompris, faute d’outils d’exploration adaptés. En effet, les radiopharmaceutiques 5-HT1A actuels manquent de spécificité et, surtout, se lient à tous les récepteurs de cette famille, quel que soit leur état fonctionnel (une proportion des récepteurs est couplée aux protéines intracellulaires transmettant l’information neurochimique, une autre est découplée et non fonctionnelle).

Le concept que nous proposons repose sur l’utilisation d’agonistes hyper-sélectifs en TEP et non d’antagonistes, ces derniers étant habituellement utilisés comme structures chimiques des radiopharmaceutiques cérébraux. Ainsi, notre laboratoire a développé le [18F]F13640, un radioligand des récepteurs 5-HT1A doté de propriétés agonistes, qui a été appliqué de modèles animaux jusqu’à l’Homme. Ce nouveau radiopharmaceutique permet de visualiser et quantifier spécifiquement les récepteurs fonctionnellement actifs pour relier ces informations à l'état physiopathologique ou pharmacologique des sujets. Nous proposons dorénavant des protocoles d'imagerie permettant d’avoir un nouveau regard sur les pathologies neurologiques et psychiatrique associant les récepteurs 5-HT1A, avec à terme la possibilité d’élargir cette méthodologie à d’autres récepteurs.

« Les thérapies innovantes, nouvelles approches thérapeutiques pour guérir plutôt que traiter les maladies rares. L’exemple de la thérapie génique non gène dépendant de la rétinite pigmentaire »

Florence Allouche, Pharm D., MBA, Professeur associée, Innovation Pharmaceutique et Entrepreneuriat, présentée par la 4ème section

Les thérapies innovantes, dont font partie la thérapie génique et la thérapie cellulaire, constituent désormais un espoir grandissant pour les patients.

Diapositives présentées

Vidéo de la présentation

Les solutions majoritairement issues de la recherche académique, sont des stratégies développées par les chercheurs en prenant en compte désormais les facteurs génétiques.

De plus en plus de maladies vont pouvoir être guéries définitivement plutôt que traitées à vie, c’est du moins l’espoir de ces jeunes sociétés appelées Startup ou Spinoff d’organismes ou d’université de recherche à travers le monde.

Ce bouleversement d’approches thérapeutiques à plusieurs conséquences sur la production et les couts de ces produits pour l’industrie pharmaceutique, les réglementations, les validations cliniques et l’impact pour les millions de patients, impatients, soutenus par leurs associations de malades.

La rétinopathie pigmentaire, est la dégénérescence rétinienne héréditaire la plus fréquente (Hartong et al., 2006). Cette affection de la rétine qui conduit à la cécité est aujourd’hui incurable, mais du fait du défit sociétal que représentent les 40 000 patients en France, et près de deux millions dans le monde, cette maladie rare et orpheline est au cœur des préoccupations des cliniciens et des travaux des chercheurs (Cronin et al., 2007).

L’originalité de la démarche scientifique entreprise depuis presque 20 ans par l’Institut de la Vision et l’expertise du Professeur José-Alain Sahel en ophtalmologie et en neuroscience et celle du Docteur Thierry Léveillard en biologie moléculaire.Ces travaux ont conduit à l’identification d’un agent thérapeutique pour le traitement de cette maladie orpheline.

En effet, alors que l’importance des photorécepteurs à cônes pour la vision chez les primates dont l’Homme avait été soulignée très tôt, la prépondérance des photorécepteurs à bâtonnets dans la rétine de la plupart des mammifères avait rebuté de nombreux chercheurs qui s’étaient concentrés sur l’étude des bâtonnets (Wright, 1997). En fait les cônes, minoritaires, sont responsables de

la vision des couleurs mais aussi de l’acuité visuelle dans les environnements éclairés (Léveillard, 2014). Les bâtonnets, très sensibles à la lumière sont saturés dès que l’éclairage dépasse la pénombre.

La maladie procède inexorablement en deux phases, la perte de la vision sous- crépusculaire est le résultat de la mort des bâtonnets par apoptose qui est suivie par la perte de fonction puis la dégénérescence des cônes. Les études génétiques de cette maladie ont conduit à l’identification de plus de 65 gènes morbides, avec tous les modes possibles de transmission : autosomique récessif, dominant et lié à l’X (RetNet, 2016). L’identification de mutations dominantes dans le gène de la rhodopsine comme origine de la rétinopathie pigmentaire chez certains patients a créé un certain émoi dans la communauté scientifique, comment la mutation d’un gène exprimé uniquement par les bâtonnets pouvait entrainer la dégénérescence secondaire des cônes ? C’est à ce questionnement qu’ont répondu les travaux de l’équipe de l’Institut de la Vision en ayant en perspective qu’un retardement de la perte des cônes pourrait chez le patient résulter par le maintien de la vision des cônes et donc de leur autonomie.

Grâce au développement d’un modèle de cultures enrichies en cônes d’embryons de poulet et par le criblage de plus de 200 000 clones d’une banque d’expression de rétine, l’équipe a identifié en 2002 une protéine exprimée par les bâtonnets et nécessaire à la survie des cônes (Léveillard et al., 2004). Les chercheurs ont ensuite démontré que l’expression de cette protéine était totalement abolie par la dégénérescence des bâtonnets (Cronin et al., 2010b; Reichman et al., 2010). La mort des cônes pouvait donc résulter de la perte du signal, support moléculaire de l’interaction cellulaire entre les bâtonnets et les cônes, cette protéine fut ainsi nommée « rod-derived cone viability factor » (RdCVF).

Restaurer l’expression de RdCVF serait donc capable d’enrayer l’histoire naturelle de la maladie en prévenant la dégénérescence secondaire des cônes comme ceci a pu être démontré pour des modèles animaux de la rétinopathie pigmentaire (Byrne et al., 2015; Yang et al., 2009).

Chose particulièrement importante, l’effet thérapeutique est indépendant du gène causal puisque qu’il a été observé dans un modèle autosomique dominant et dans un autre modèle autosomique récessif, le traitement s’appliquerait à l’ensemble des 2 millions de personnes affectées par les mutations de plus de 65 gènes distincts (Léveillard and Sahel, 2010).

La création de la société SparingVision, en juin 2016, est le fruit du transfert de technologie et de la valorisation des travaux de recherche menés depuis les années 2000 par le Professeur José-Alain Sahel et le Docteur Thierry Léveillard à l’Université de Strasbourg, puis à Sorbonne UNiversité à Paris.

C’est cette aventure incroyable que j’ai eu le bonheur de co-fonder et de développer pendant 5 ans, les espoirs et les défis, que j’aurai le plaisir de présenter aux Membres de l’Académie de Pharmacie en séance le 17 mars 2021.

   

Clôture par le Président, Gilles Aulagner

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