Séance académique

Conférence HYGIA

"La place des virus géants dans un monde vivant en mutation", Morgan GAIA

Questions d'actualité

"La Charte de la Douleur", Pierre TAJFEL

"Les effets épigénétiques du cannabis" Jean COSTENTIN

Exposés

"Applications de l’intelligence artificielle au développement de nouveaux médicaments", Philippe MOINGEON

"Les promesses des médicaments et biothérapies génétiques", Daniel SCHERMAN

Communication

"La cryptosporidiose, la zoonose endémique responsable de diarrhée la plus fréquente (et la plus méconnue) en France métropolitaine", Loïc FAVENNEC

"Récepteur NMDA, une cible pivot pour alléger la douleur chronique réfractaire ?", Gisèle PICKERING

"Une expérimentation en Ile de France, impact et nouveau rôle pour le Pharmacien", Auguste LAPLACE

  

Séance académique

Mercredi 4 novembre 2020 à 14 h 00

 


Conférence Hygia

« La place des virus géants dans un monde vivant en mutation »
Morgan Gaia, Ph.D, CEA, Genoscope

Diapositives présentées

Depuis leur découverte, les virus géants attirent régulièrement l’attention de la communauté scientifique par leurs caractéristiques étonnantes, du gigantisme de leurs particules virales et de leurs génomes en passant par leur contenu génomique. Ils ont bouleversé la définition même des virus et permis l’émergence de nouveaux concepts. Encore inconnus il y a 20 ans, ils semblent pourtant particulièrement abondants dans beaucoup d’environnements. Ils appartiennent aux NCLDVs (NucleoCytoplasmic Large Dna Viruses), groupe qui illustre parfaitement la nouvelle vision du monde viral, bien plus globale qu’auparavant : en effet, les NCLDVs infectent l’ensemble de la diversité eucaryote, des protistes marins jusqu’aux mammifères. Certains sont connus pour leur pathologie associée, comme le virus de la Variole ou celui de la peste porcine qui a sévi récemment en Chine, d’autres pour leur implication dans d’importants cycles écologiques, notamment le réchauffement climatique. Les NCLDVs partagent pourtant une origine commune ancienne : ils semblent d’ailleurs avoir joué un rôle majeur dans l’émergence des eucaryotes modernes, soulignant l’importance souvent sous-estimée de la co-évolution entre virus et cellules dans la diversité de la vie sur notre planète.

Since their discovery, giant viruses regularly draw the attention of the scientific community over their stunning features, from their giant viral particles and genomes to their genomic content. They have shaken the very definition of viruses and led to new concepts. Still unknown 20 years ago, they nonetheless seem particularly abundant in many environments. They belong to the NCLDVs (NucleoCytoplasmic Large Dna Viruses), a group that perfectly illustrates the new vision of the viral world, much wider than before: indeed, the NCLDVs infect the entire eukaryotic diversity, from marine protists to mammals. Some are infamous for their associated pathologies, such as Smallpox or the swine fever that recently onsets in China; others for their implication in important ecologic cycles, notably global warming. The NCLDVs however share an ancient common origin: they have also seemingly played a major role in the emergence of modern eukaryotes, highlighting the often underestimated importance of viruses’ and cells’ co-evolution in shaping the diversity of life on our planet.

 


 

1- Activités administratives de l’Académie

Approbation du compte rendu de la séance du 16 septembre 2020

Informations du Président

Informations de la Secrétaire Perpétuelle

 

2- Travaux scientifiques & professionnels

2.1 Question d’actualité

« La Charte de la Douleur »

Pierre Tajfel, Docteur en médecine, Algologue, Président de l’Association « La Douleur et le Patient Douloureux »

La douleur, un des maîtres symptômes en médecine, fait partie du quotidien des français [1]. Malgré les progrès de ces trente dernières années (fondamentales, cliniques, thérapeutiques, et de nombreux textes réglementaires), les enquêtes soulignent l’insatisfaction du soulagement des patients douloureux. [2,3] Ceci aussi bien par la souffrance qu’elle provoque que par les répercussions personnelles, familiales, professionnelles, économiques et sociétales. [4,5] L’Académie Nationale de Médecine a publié en octobre 2018 un rapport à ce sujet avec 5 recommandations [6].

Une approche « unidimensionnelle », sensori-discriminative, de la douleur est inappropriée à cause de sa nature par essence plurifactorielle.

Les différentes recommandations visant à améliorer la pratique quotidienne contre la douleur et sa prise en charge dans les structures spécialisées n’ont pas produit les effets escomptés.

Les chartes dans le domaine de la santé sont des documents humanistes, concis à base scientifique, ayant une lecture plus accessible que les différents textes juridiques. Elles synthétisent dans un document l’ensemble des principes éparpillés dans des textes émanant d’instances différentes. (Union Nationale des Associations Familiales)

La Charte Contre la Douleur réalise cette synthèse en un seul document de 16 principes essentiels pour parfaire les soins des différentes douleurs dont peuvent souffrir les humains.

Tout soutien à ce document, le renforcera et le crédibilisera auprès des pouvoirs publics.

Les pharmaciens sont quotidiennement des acteurs impliqués et indissociables du soulagement des malades douloureux. C’est donc dans la droite ligne de la sensibilité à cette souffrance qu’il nous parait cohérent de s’adresser à L’Académie Nationale de Pharmacie pour parrainer cet important document médico-citoyen.

 

REFERENCES :

[1] - https://www.hauts-de-france.ars.sante.fr/prise-en-charge-de-la-douleur-chronique-1

[2] – Livre blanc de la douleur 2017 – Etat des lieux et propositions pour un système de santé éthique, moderne et citoyen – Société Française d’Etude et de Traitement de la Douleur (SFETD) https://www.sfetd-douleur.org/wp-content/uploads/2019/09/livre_blanc-2017-10-24.pdf

[3] - Circulaire DGS/DH n° 98-586 du 24 septembre 1998 relative à la mise en œuvre du plan d'action triennal de lutte contre la douleur dans les établissements de santé publics et privés

https://www.sfetd-douleur.org/wp-content/uploads/2019/08/plan_douleur_1998.pdf

[4] - Impact sociétal de la douleur en France : résultats de l’enquête épidémiologique National Health and Wellness Survey auprès de plus de 15 000 personnes adultes ; Gérard Micka,Serge Perrotb,Philippe Poulainc,Alain Serried,Alain Eschaliere,Paul Langleyf,Dave Pomerantzg,Hervé Ganryh

Douleurs : Evaluation - Diagnostic - Traitement - Volume 14, Issue 2, April 2013, Pages 57-66

[5] Prevalence, impact on daily life, and treatment Breivik et al,

Survey of chronic pain in Europe, Eur J Pain 2006; 10: 287-333

[6] Rapport 18-11. Les douleurs chroniques en France. Recommandations de l’Académie nationale de médecine pour une meilleure prise en charge des malades ; Patrice Queneau, Alain Serrie, Richard Trèves, Daniel Bontoux au nom d’un groupe de travail.Séance du 9 Octobre 2018

« Les effets épigénétiques du cannabis »

Jean Costentin, membre de l’Académie nationale de Pharmacie

 

2.2 Exposés (20 min)

« Applications de l’intelligence artificielle au développement de nouveaux médicaments »

Philippe Moingeon, Directeur du Centre d’innovation thérapeutique Immuno-inflammation, Servier, membre de l’Académie nationale de Pharmacie

Diapositives présentées

L’intelligence artificielle (IA) et les sciences computationnelles révolutionnent actuellement le développement de nouveaux médicaments, impactant toutes ses étapes depuis la recherche amont jusqu’à la conception et la conduite des études cliniques. D’une façon générale, l’IA recouvre les avancées technologiques qui visent à reproduire par la machine quatre composantes de l’intelligence humaine, à savoir la perception, l’analyse, l’action et l’apprentissage. Les progrès technologiques combinés dans ces domaines permettent de générer et analyser des données massives pour modéliser la réalité d’un phénomène. En étant réactualisés en continu par l’accumulation de nouvelles données, les modèles obtenus permettent, d’éduquer la prise de décision et de prédire le futur.

Appliquée à la problématique du développement d’un médicament, l’IA est très utile pour établir des modèles de maladies à partir de données de profilage moléculaire exhaustives (transcriptomique, protéomique, métabolomique, GWAS, épigénétique…) obtenues chez des milliers de patients. Grâce à sa puissance de calcul, l’IA intègre ces données multimodales massives dans un modèle permettant d’une part de rendre compte de l’hétérogénéité des maladies et par ailleurs d’identifier des cibles thérapeutiques importantes dans la physiopathologie. À partir d’informations sur la structure de ces cibles, des analyses in silico permettent d’identifier des molécules thérapeutiques interagissant avec ces cibles (par exemple en opérant un criblage virtuel de banques de molécules), d’optimiser ces molécules sur la base de leurs caractéristiques ADME (absorption, distribution, métabolisme, excrétion), ou repositionner des molécules anciennes dans de nouvelles indications. La modélisation par l’IA permet également d’identifier des biomarqueurs d’efficacité, définir des combinaisons de molécules thérapeutiques pertinentes, concevoir des études cliniques innovantes avec des patients virtuels…

Au total, la convergence des biotechnologies de l’IA permet aujourd’hui d’envisager une médecine computationnelle de précision applicable à toutes les maladies chroniques, capitalisant sur les données spécifiques du patient et de sa maladie pour offrir des traitements parfaitement ciblés.

« Les promesses des médicaments et biothérapies génétiques »

Daniel Scherman, Directeur de Classe Exceptionnelle au CNRS, Créateur du Laboratoire « Technologies Chimiques et Biologies Pour la Santé » de la Faculté de Pharmacie de Paris, Directeur de la Fondation Maladies Rares, Membre de l’Académie Européenne des Sciences, Responsable de la Division Biologie-Santé

Diapositives présentées

Les médicaments et biothérapies génétiques sont en passe d’apporter des solutions thérapeutiques pour un grand nombre de pathologies jusqu’ici incurables. Même si ces nouvelles thérapies sont toutes basées sur le principe de la reconnaissance génétique de Watson-Crick, elles diffèrent fondamentalement sur l’aspect suivant :

- Les médicaments de pharmacologie génétiques sont des petits ADN ou ARN synthétisés par voie chimique, et comportant en général au plus 25 bases nucléotidiques. Les grandes classes sont les oligonucléotides ADN antisens (ODN) et les ARN interférents siRNA. Dans les deux cas, ces molécules sont utilisées pour inhiber l’expression d’une protéine toxique ou pathologique. Il existe aussi des ODN utilisés dans une stratégie différente induisant un « saut d’exon » au niveau de l’épissage d’ARNm.

- La thérapie génique consiste à introduire dans les cellules des patients des séquences d’ADN conduisant à l’expression d’un ARN messager ARNm et /ou d’une protéine thérapeutique. Ces séquences d’ADN sont en quelque sorte des prodrogues. Un ARNm pourra aussi être directement utilisé. Ces ADN ou ARNm sont administrés aux cellules par encapsidation dans un virus recombinant défectif : un vecteur viral. C’est l’approche la plus avancée actuellement. Alternativement, on peut aussi utiliser des ADN circulaires appelés « plasmides » produits par des bactéries, ou des ARNm synthétisés ou biosynthétisés in vitro. On utilise pour les administrer aux cellules soit des vecteurs chimiques soit des techniques physiques.

La Conférence présentera ces différentes approches et détaillera les découvertes de mon Laboratoire concernant la vectorisation chimique des siRNA et la technique physique d’électrotransfert de plasmide et de « miniplasmide » optimisé pour la thérapie génique. Nous détaillerons les applications potentielles de nos découvertes dans le domaine du cancer et de l’inflammation, ainsi que les développements cliniques en cours issus de ces travaux concernant la vaccination génétique (papillomavirus humain et COVD-19), ainsi que la thérapie génique de l’uvéite, de la dégénérescence maculaire liée à l’âge, et de la surdité. Le traitement de l’amyotrophie spinale infantile, maladie rare incurable jusqu’à récemment, par ODN saut d’exon et par thérapie génique, sera aussi présenté.

2.2 Communications (10 min)

« La cryptosporidiose, la zoonose endémique responsable de diarrhée la plus fréquente (et la plus méconnue) en France métropolitaine »

Loïc Favennec, PU-PH, Responsable du Laboratoire de Parasitologie Mycologie du CHU de  Rouen, Directeur du CNR LE Cryptosporidioses, Co-Directeur de l’EA 7510, Docteur en Pharmacie, Docteur en Médecine, UFR Santé Université de Rouen Normandie CHU de Rouen, présenté par la 6ème section

La cryptosporidiose, reconnue comme principale cause de diarrhée chez les jeunes ruminants a longtemps été considérée en médecine humaine comme pathogène uniquement chez le patient immunodéprimé. Ce n’est que depuis quelques années que cette parasitose intestinale principalement due à Cryptosporidium parvum et Cryptosporidium hominis a été identifiée comme très fréquente chez l’immunocompétent. Ainsi, dans les pays en voie de développement, la cryptosporidiose est apparue comme la deuxième cause de mortalité par diarrhée (après l’infection par rotavirus) chez les enfants âgés de moins de cinq ans en Afrique et en Inde. En France, la survenue régulière d’épidémies importantes d’origine alimentaire ou hydrique, comme celle survenue à Grasse en novembre dernier responsable de plusieurs dizaines de milliers de cas,  souligne l’importance de mieux connaître cette infection et ses modes de transmission dans une perspective « une seule santé ». En effet du fait de leurs caractéristiques physiques, de leur durée de vie et de leur résistance dans l’eau, les oocystes de Cryptosporidium, émis en très grande quantité dans le milieu extérieur par les individus infectés (Homme ou animal de rente), contaminent l’environnement hydrique (eaux de surface et aquifères, en particulier en milieu karstique) et peuvent être retrouvés, en absence de traitement efficace, dans l’eau de distribution. Malgré la survenue régulière d’épidémies d’origine alimentaire, très peu de travaux portent sur les modes de contamination des aliments qui restent méconnus. Ainsi, si la détection de cette parasitose en France bien qu’insuffisante se développe de plus en plus, de nombreux travaux seront nécessaires pour mieux connaître l’épidémiologie de la cryptosporidiose humaine et ses modes de transmission.

« Récepteur NMDA, une cible pivot pour alléger la douleur chronique réfractaire ? »

Gisèle Pickering, Professeur des Universités, Praticien Hospitalier, Laboratoire de Pharmacologie Fondamentale et Clinique de la douleur, Inserm Neurodol 1107- Université Clermont Auvergne. Service de Pharmacologie Clinique, Médecin coordonnateur du Centre d’Investigation Clinique- Inserm CIC1405 –Centre Hospitalier Universitaire - Clermont-Ferrand, présentée par la 2ème section

Diapositives présentées

L’échec thérapeutique dans la prise en charge d’une douleur chronique sévère est fréquent avec les médicaments recommandés, ce qui conduit de nombreux cliniciens à recourir à des antagonistes du récepteur N-methyl-D-aspartate (NMDA). Ces molécules, utilisées en dehors de leurs indications, incluant kétamine, dextrométhorphane, mémantine et magnésium, antagonisent ce récepteur ubiquitaire impliqué non seulement dans la sensibilisation centrale de la douleur, mais aussi dans les processus de mémorisation et d’apprentissage. Les études chez l’animal et les travaux translationnels, chez le volontaire sain et le patient, en essai randomisé et en suivi de cohorte ont souligné leurs spécificités et leurs limites dans la prise en charge de patients souffrant de douleur réfractaire aux traitements, mais aussi dans les domaines cognitivo-émotionnels, suggérant des perspectives intéressantes d’optimisation du parcours de soin des patients douloureux.

 « Une expérimentation en Ile de France, impact et nouveau rôle pour le Pharmacien »

Auguste Laplace, Docteur en pharmacie, Ex Pharmacien référent médical GCS SESAN Ile de France, présenté par la 5ème section

Diapositives présentées

Sous l’impulsion de l’État, dans le cadre du Programme d’Investissements d'Avenir, Territoire Santé Numérique (TSN) a été créé en 2014.

L’objectif est multiple : renforcer la coordination des professionnels de santé et du médico-social, faire apparaître des organisations innovantes de prise en charge, réduire les inégalités de santé, tout cela grâce au numérique.

L’Ile de France a fait partie des cinq ARS sélectionnées, et a réalisé une expérimentation dans une zone ciblée du Val de Marne, de 2014 à 2017. Elle a ensuite généralisé Terr-Esanté sur tout son territoire de façon progressive. Terr-Esanté a été développé en harmonie avec la MSS (messagerie sécurisée de santé), le DMP (dossier médical personnel), et «Ma santé 2022 ».

Les pharmaciens officinaux et hospitaliers se sont lancés spontanément et avec enthousiasme dans ce projet. Une fois inscrits, ils ont accès à l’intégralité du dossier patient, et ils seront éligibles à la e-prescription lorsque celle-ci sera opérationnelle. Ils partagent leurs délivrances, leurs entretiens pharmaceutiques, leurs remarques avec l’ensemble des professionnels de santé faisant partie du cercle de soins du patient.

Le pharmacien d’officine effectue ainsi ses dispensations en toute connaissance du dossier médical, de façon éclairée.

Au-delà des possibilités techniques de convergence des systèmes d’informations, nous rencontrons également une convergence de vue professionnelle de la part de tous les acteurs et une volonté commune de rapprochement Ville-Hôpital.

En revanche, malgré l’envie forte de partager ces informations, le nombre d’échanges reste modeste, car les systèmes d’informations ne sont pas encore suffisamment interopérables et ergonomiques.

Grâce à « Ma santé 2022 », et à une volonté politique forte de tous les niveaux de décisions, les choses devraient évoluer vers une utilisation massive de ces données partagées, grâce à plus de fluidité dans l’utilisation, et de transparence dans le stockage et quant au devenir des données collectées.

 

 

Clôture par le Président, Patrick Couvreur

 

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