Séance thématique

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https://youtu.be/j1bagN7Olr0


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"Les addictions"

Introduction par Jean-Pierre GOULLE

EXPOSÉS

"Le binge drinking, une définition imprécise et des conséquences multiples", Mickaël NAASSILA

"Le cannabis "thérapeutique" (ou à usage médical), le cannabis "bien-être" et le cannabis "récréatif" (ou addictif), comment s'y retrouver ? ", Jean-Claude ALVAREZ

"Les écrans des médias électroniques et l'adolescent : de la surconsommation à l'addiction ?", Yvan TOUITOU

"Vers la fin du tabac ? ", Gérard DUBOIS

 

 « Les addictions »

Séance thématique

Mercredi 20 janvier 2021 de 14 h 00 à 17 h 00

Visioconférence

https://youtu.be/j1bagN7Olr0


Programme

Comme chacun le sait, de grandes voix de notre Compagnie se sont illustrées sur ce thème majeur de Santé publique. Il n’est pas inutile de rappeler le lourd tribut de la France en matière d’addictions : l’alcool, le tabac, les drogues illicites pour ne citer qu’elles. La consommation de ces drogues licites et illicites est responsable de la perte annuelle de près de 120.000 vies humaines en France, doublé d’un coût sanitaire et social considérable. La dépense directe des finances publiques s’élève à 22,1 milliards d’euros, soit près de 1% du PIB. De plus, contrairement à une idée trop fréquemment répandue, les taxes sur l’alcool et le tabac ne couvrent que respectivement 37% et 40% du coût des soins engendrés par les pathologies liées à leur consommation. Le coût social annuel du tabac, comme celui de l’alcool est de 120 milliards par an. Alors que de nouveaux dangers comme l’usage des écrans, ou de nouveaux modes de consommation se font jour, telles la beuverie express, ou la prise de nouvelles drogues disponibles sur Internet, le manque d’information et de prévention sont criants. Le niveau élevé d'usage de ces substances à l'âge adulte s’explique par une entrée très précoce dans leur consommation, puis par des progressions régulières, comme le montrent les enquêtes de prévalence réalisées par l’Observatoire français des drogues et toxicomanies. Les addictions liées à leur usage constituent donc un problème majeur de santé publique auquel il semble important d’apporter des réponses prioritaires. Comme nous l’avons montré dans un rapport récent « Consommation de drogues licites et illicites chez l’adolescent : une situation alarmante qui impose une prévention précoce » adopté par l’Académie nationale de médecine le 1er octobre 2019 ; la mise en œuvre d’une politique ambitieuse d’information et de prévention sur les drogues licites et illicites s’impose de manière urgente. Cette prévention doit aussi s’appuyer sur des enseignements fléchés dans les programmes éducatifs dès l'école primaire, puis au collège, au lycée et à l'université.

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14 h 00    Ouverture de la séance par Gilles Aulagner, Président de l’Académie nationale de Pharmacie

14 h 05    Introduction par Jean-Pierre Goullé, Président de la Commission des substances vénéneuses, addictives ou dopantes, ’Académie nationale de Pharmacie

Diapositives présentées

Vidéo de la présentation 

14 h 15    « Le binge drinking, une définition imprécise et des conséquences multiples »

Mickaël Naassila, Directeur unité INSERM 1247, Groupe de recherche sur l’Alcool et les Pharmacodépendances, Université de Picardie, Président de la Société française d’alcoologie, membre de l’Académie nationale de Pharmacie

Diapositives présentées

Vidéo de la conférence

Le binge drinking correspond à un profil de consommation d’alcool bien particulier en termes de quantité, fréquence, durée, motivation à consommer et conséquences. Il n’existe pas encore de définition consensuelle pour le diagnostic et la recherche. Différents niveaux de binge drinking ont été proposés, le binge drinking extrême ou à haute intensité étant le plus sévère. Le binge drinking est associé à des conséquences délétères sur la santé avec notamment des troubles du rythme cardiaque, des atteintes hépatiques et des processus inflammatoires. Il est aussi associé à des atteintes cérébrales fonctionnelles (intégrité de la substance blanche, troubles cognitifs et activation cérébrale) et morphologiques. Des différences liées au sexe/genre ont été avancées comme les atteintes dans des tâches visuo-spatiales chez les filles. Comme chez les sujets alcoolodépendants les binge drinkers présentent des atteintes de la reconnaissance et du traitement des informations émotionnelles ainsi que dans leur capacité de prise de décision. Le risque d’addiction à l’alcool est multiplié par 3 après une pratique fréquente du binge drinking entre 18 et 25 ans et la pratique du binge drinking est souvent associée à un usage de cannabis. Un modèle expérimental utile à l’étude du binge drinking volontaire chez le rat a été développé à l’U1247 avec de bonnes validités de ressemblance et de prédiction. Il permet d’étudier les facteurs de vulnérabilité au binge drinking et au comportement addictif ainsi que les mécanismes cellulaires à la base des atteintes de mémorisation et de prise de décision.

Références récentes de l’auteur :

  1. Component process analysis of verbal memory in a sample of students with a binge drinking pattern. Gierski F, Stefaniak N, Benzerouk F, Gobin P, Schmid F, Henry A, Kaladjian A, Naassila M. Addict Behav Rep. 2020;12:100323. doi: 10.1016/j.abrep.2020.100323 PMID: 33364330
  2. Neural Responses to the Implicit Processing of Emotional Facial Expressions in Binge Drinking. Lannoy S, Dricot L, Benzerouk F, Portefaix C, Barrière S, Quaglino V, Naassila M, Kaladjian A, Gierski F. Alcohol Alcohol. 2020 doi: 10.1093/alcalc/agaa093 PMID: 33075804
  3. Differential brain responses for perception of pain during empathic response in binge drinkers compared to non-binge drinkers. Rae CL, Gierski F, Smith KW, Nikolaou K, Davies A, Critchley HD, Naassila M, Duka T. Neuroimage Clin. 2020;27:102322. doi: 10.1016/j.nicl.2020.102322 PMID: 32645662
  4. What We Talk About When We Talk About Binge Drinking: Towards an Integrated Conceptualization and Evaluation. Maurage P, Lannoy S, Mange J, Grynberg D, Beaunieux H, Banovic I, Gierski F, Naassila M. Alcohol Alcohol. 2020;55(5):468-479. doi: 10.1093/alcalc/agaa041 PMID: 32556202
  5. Disentangling the Relationship Between Self-Esteem and Problematic Alcohol Use Among College Students: Evidence From a Cluster Analytic Approach. Gierski F, De Wever E, Benzerouk F, Lannoy S, Kaladjian A, Naassila M, Quaglino V. Alcohol Alcohol. 2020;55(2):196-203. doi: 10.1093/alcalc/agz097 PMID: 31845969
  6. Disrupted Fear and Sadness Recognition in Binge Drinking: A Combined Group and Individual Analysis. Lannoy S, Benzerouk F, Maurage P, Barrière S, Billieux J, Naassila M, Kaladjian A, Gierski F. Alcohol Clin Exp Res. 2019;43(9):1978-1985. doi: 10.1111/acer.14151 PMID: 31329296
  7. The Behavioral Economics of Alcohol Demand in French and American University Students. Martinetti MP, Caughron RL, Berman HL, André J, Sokolowski MBC, Wiley S, Naassila M. Alcohol Clin Exp Res. 2019;43(3):531-544. doi: 10.1111/acer.13954 PMID: 30730582
  8. Cloninger's Temperament and Character Dimensions of Personality and Binge Drinking Among College Students. Gierski F, Benzerouk F, De Wever E, Duka T, Kaladjian A, Quaglino V, Naassila M. Alcohol Clin Exp Res. 2017;41(11):1970-1979. doi: 10.1111/acer.13497 PMID: 28902418
  9. Binge Eating, But Not Other Disordered Eating Symptoms, Is a Significant Contributor of Binge Drinking Severity: Findings from a Cross-Sectional Study among French Students. Rolland B, Naassila M, Duffau C, Houchi H, Gierski F, André J. Front Psychol. 2017;8:1878. doi: 10.3389/fpsyg.2017.01878 PMID: 29163267
  10. Binge Drinking: Current Diagnostic and Therapeutic Issues. Rolland B, Naassila M. CNS Drugs. 2017;31(3):181-186. doi: 10.1007/s40263-017-0413-4. PMID: 28205146
  11. Comparison between the WHO and NIAAA criteria for binge drinking on drinking features and alcohol-related aftermaths: Results from a cross-sectional study among eight emergency wards in France. Rolland B, Chazeron I, Carpentier F, Moustafa F, Viallon A, Jacob X, Lesage P, Ragonnet D, Genty A, Geneste J, Poulet E, Dematteis M, Llorca PM, Naassila M, Brousse G. Drug Alcohol Depend. 2017 ;175:92-98. doi: 10.1016/j.drugalcdep.2017.01.034 PMID: 28411560
  12. Altered white matter integrity in whole brain and segments of corpus callosum, in young social drinkers with binge drinking pattern. Smith KW, Gierski F, Andre J, Dowell NG, Cercignani M, Naassila M, Duka T. Addict Biol. 2017;22(2):490-501. doi: 10.1111/adb.12332 PMID: 26687067
  13. Two Binges of Ethanol a Day Keep the Memory Away in Adolescent Rats: Key Role for GLUN2B Subunit. Silvestre de Ferron B, Bennouar KE, Kervern M, Alaux-Cantin S, Robert A, Rabiant K, Antol J, Naassila M, Pierrefiche O. Int J Neuropsychopharmacol. 2015;19(1):pyv087. doi: 10.1093/ijnp/pyv087 PMID: 26254123
  14. Evaluation of alcohol use disorders pharmacotherapies in a new preclinical model of binge drinking. González-Marín MC, Lebourgeois S, Jeanblanc J, Diouf M, Naassila M. Neuropharmacology. 2018;140:14-24. doi: 10.1016/j.neuropharm.2018.07.015. Epub 2018 Jul 19 PMID: 30031019
  15.  Face validity of a pre-clinical model of operant binge drinking: just a question of speed. Jeanblanc J, Sauton P, Jeanblanc V, Legastelois R, Echeverry-Alzate V, Lebourgeois S, Del Carmen Gonzalez-Marin M, Naassila M. Addict Biol. 2019 Jul;24(4):664-675. doi: 10.1111/adb.12631 PMID: 29863763
  16.  Animal models of binge drinking, current challenges to improve face validity. Jeanblanc J, Rolland B, Gierski F, Martinetti MP, Naassila M. Neurosci Biobehav Rev. 2019;106:112-121. doi: 10.1016/j.neubiorev.2018.05.002 PMID: 29738795

  

14 h 45    « Le cannabis ˝thérapeutique˝ (ou à usage médical), le cannabis ˝bien-être˝ et le cannabis ˝récréatif˝ (ou addictif), comment s’y retrouver ? »

Jean-Claude Alvarez, PU-PH, CHU de Garches, AP-HP, membre de l’Académie nationale de Pharmacie

Diapositives présentées

Vidéo de la conférence 

Le cannabis est une plante, l’espèce la plus répandue étant le Cannabis Sativa ou chanvre indien, dont les effets neuropharmacologiques sont essentiellement dus à un principe psychoactif parmi la soixantaine de phytocannabinoides qu’elle contient, le delta-9 tétrahydrocannabinol (THC). Le cannabis et la résine de cannabis sont classées comme substances stupéfiantes en France. Pourtant, c’est de loin la substance illicite la plus consommée dans notre pays, devant tous les autres pays européens. En 2017, environ 45% des adultes français et près de 40% des adolescents de 17 ans déclaraient avoir déjà consommé du cannabis au cours de leur vie. Mais, parmi les usagers actuels de cannabis âgés entre 15 et 64 ans, 20% seraient à risque élevé d’abus ou de dépendance, dont 60 000 jeunes de 17 ans.

L'Assemblée nationale a autorisé le 25 octobre 2019 une expérimentation de l'usage médical du cannabis en France. Cette expérimentation, qui concernera 3000 patients durant deux années, débutera dans les semaines qui viennent. Elle concernera des préparations provenant de la plante contenant du THC et un autre cannabinoïde, le cannabidiol (CBD), avec différents ratios des deux composés, aucune précision sur les autres composants de la plante n’étant précisée. Ces préparations seront indiquées dans 5 pathologies aussi différentes que la douleur neuropathique, la spasticité de la SEP et post-AVC, l’épilepsie résistante aux traitements, les complications liées au cancer et ses traitements (nausées, vomissement, perte de poids…) et les situations palliatives. Le CBD (Epidyolex®) et le THC de synthèse (dronabinol, Marinol®) possèdent par ailleurs une ATU en France depuis septembre 2018 respectivement dans le traitement adjuvant des convulsions associées au syndrome de Lennox-Gastaut ou au syndrome de Dravet en association à d’autres anticonvulsivants et dans les douleurs neuropathiques. Depuis 2014, le Sativex® (mélange de THC et de CBD) a une AMM européenne mais n’est pas commercialisé en France du fait d’un tarif jugé trop important par rapport au SMR jugé faible.

Le CBD d’origine végétal est interdit en France puisque extrait du cannabis. Par un arrêté récent en date du 19 novembre 2020, la Cour de justice de l’Union européenne a jugé illégale l’interdiction en France de la commercialisation du CBD, soulignant que cette molécule présente dans le Cannabis sativa n’aurait pas d’effet psychotrope ni d’effet nocif sur la santé humaine, ce qui pose question. C’est l’utilisation de ce CBD qui est présenté commercialement comme source potentielle de « bien-être », et qui passe par la cosmétique avec l’utilisation de pommades et crèmes vantant les propriétés hydratantes des graines de cannabis jusqu’au compléments alimentaires riches en CBD vantant leurs propriétés apaisantes.

L’utilisation de ces composés issus du Cannabis Sativa ne semblent pas toujours reposer sur la prise en compte de la balance bénéfice/risque, et nécessitent des études approfondies pour déterminer leurs effets bénéfiques, les effets délétères de cette drogue étant déjà bien connus.

15 h 15    « Les écrans des médias électroniques et l’adolescent : de la surconsommation à l’addiction ? »

Diapositives présentées

Vidéo de la présentation 

Yvan Touitou, Spécialiste de la chronobiologie, membre de l’Académie nationale de Pharmacie

 

15 h 45    « Vers la fin du tabac ? »

Gérard Dubois, Président d’honneur de l’Alliance contre le tabac, membre de l’Académie nationale de médecine

Diapositives présentées

Vidéo de la présentation

Le tabac nous est venu des Amériques au XVIème siècle mais sa diffusion date de son industrialisation sous forme de cigarettes aisées à conserver et allumer. Bénéficiant d’une sollicitude législative et réglementaire, son utilisation diffuse mondialement à l’occasion des deux guerres mondiales, la première pour les hommes, la seconde pour les femmes. Ce n’est qu’au milieu du XXème siècle que les effets sur la santé sont démontrés, générant l’incrédulité vu la fréquence du tabagisme masculin et l’instillation du doute par les cigarettiers.

En France, la loi Veil (1976), la loi Evin (1991) et le décret Bertrand (2006) marquent l’évolution politique qui s’éloigne progressivement du comportement (tabagisme) pour d’intéresser au produit (tabac). C’est en 2003 que l’adoption d’un traité international (la Convention Cadre de Lutte Anti-Tabac ou CCLAT) préparé par l’OMS et applicable depuis 2005 permet d’envisager une diminution jusqu’à une quasi disparition du tabac (tobacco endgame ou fin de partie). L’enjeu sanitaire est immense : 100 millions de décès au XXème siècle, 1 milliard au XXIème si rien n’est fait. Les 8 millions de décès annuels causés par le tabac représentent quatre fois ceux du Covid-19 en 2020.

Les modalités d’action sont connues. Elles demandent détermination et constance politique. Le tabagisme masculin est en baisse dans le monde et le tabagisme féminin n’a pas pris son essor comme on pouvait le craindre. Il reste que l’industrie du tabac continue à utiliser tous moyens ou expédients pour maintenir ses profits et retarder l’échéance qu’elle fait semblant d’entrevoir.

 

Clôture par Gilles Aulagner, Président de l’Académie nationale de Pharmacie