Les défis de la formation du pharmacien aux métiers de demain

Séance dédiée
Compte-rendu et diapositives présentées
Présentation de la séance par Jean-Claude CHAUMEIL
Introduction sur le socle commun des études par Christiane GARBAY
« L’accession progressive de l’enseignement pharmaceutique à l’Université : le combat d’une profession » - Olivier LAFONT
« Métiers de la pharmacie et leurs évolutions » - Muriel DAHAN et Michel VIDAL
« Qu’est-ce qu’un pharmacien d’officine ? Quel est l’objet de son exercice ? » - Martial FRAYSSE
« Industrie : besoins en formation pour la Recherche, le Développement, la Fabrication, la Commercialisation et la Diffusion » - Jean-Noël COLIN
« Les défis de la formation des pharmaciens : biologie médicale, médecine de précision » - Jean-Louis BEAUDEUX
« Évolution du socle commun des études : les dernières évolutions et le 3ème cycle » - Dominique PORQUET
« Développement professionnel continu » - Pascal PAUBEL
Table ronde et questions-réponse avec Jean-Claude CHAUMEIL, Magali LEO, Robin IGNASIAK, Marcelline GRILLON, Jacqueline SURUGUE, Bernard MÜLLER
« Perspectives » par Francis MEGERLIN

 

Séance académique dédiée

« Les défis de la formation des pharmaciens aux métiers de demain »

 

Mercredi 7 février 2018 à 14 h 00

 

Ouverture de la séance par le Président, Jean-Loup Parier

 

Le Président ouvre la séance consacrée aux « défis de la formation des pharmaciens aux métiers de demain » en remerciant le Professeur Jean-Claude Chaumeil ainsi que l’équipe qui l’a soutenu pour l’organisation de cette séance.

Présentation de la séance par Jean-Claude Chaumeil, Président de la Commission Enseignement, Développement Professionnel Continu

Diapositives présentées

Le Professeur Jean-Claude Chaumeil présente la séance préparée de longue date par les membres de la Commission Enseignement et Développement Professionnel continu.

L’objectif de cette séance a pour but d’explorer les études en pharmacie du fait des réformes successives ; il s’est étendu à l’adéquation des études et des métiers. Est-ce que la formation des étudiants en pharmacie aujourd’hui correspond à l’apparition des nouveaux métiers proposés aussi bien en officine, en biologie ou en industrie ?

D’ailleurs, les médias se sont intéressés à ce sujet récemment (Le Monde – 31 janvier 2018).

Puis Jean-Claude Chaumeil présente l’organisation de l’après-midi qui doit s’achever par une table ronde et discussion avec la salle (toutes les questions seront regroupées).


Introduction sur le socle commun des études par Christiane Garbay, Vice-Présidente de l’Académie nationale de Pharmacie

Diapositives présentées

Comme présenté par le Président de la CEDPC L’objet de cette séance est de présenter l’état des connaissances dispensées au cours des études de pharmacie en apportant un éclairage actualisé sur les formations délivrées dans les facultés de pharmacie, ce qui devrait permettre aux nouveaux diplômés d’affronter les très nombreux défis futurs.

Ces études répondent-elles aux besoins de santé actuels de la population ? Pourquoi les pharmaciens sont-ils pessimistes sur leur avenir ? Peut-on expliquer pourquoi une officine ferme tous les deux ou trois jours en France ? Après avoir détaillé les présentations de l’après-midi ainsi que la table ronde, est abordé le socle commun des études de pharmacie avec une présentation de la diversité des matières enseignées et celle des débouchés actuels.

Le socle commun des études de pharmacie s’inscrit dans le cadre de la réforme Licence-Master-Doctorat ou LMD, comportant trois cycles afin de s’aligner sur les diplômes européens, avec certains aménagements.

Le premier cycle, d’une durée de trois ans, conduit au DFGSP (Diplôme de Formation Générale en Sciences Pharmaceutiques) et correspond au niveau licence. La première année ou PACES (Première Année Commune aux Études de Santé - médecine, odontologie, pharmacie et maïeutique) est sanctionnée par un concours, avec un numerus clausus pour accéder à la deuxième année. Après les trois années de DFGSP, le 2ème cycle conduit, en deux ans, au DFASP (Diplôme de Formation Approfondie en Sciences Pharmaceutiques) de niveau Master 1. Enfin, le troisième cycle peut être court (un an) dans les filières de pharmacie d’officine et de l’industrie pharmaceutique ou long dans la filière de l’internat en pharmacie (quatre ans).

Ainsi, les études durent de six à neuf ans selon la filière choisie et conduisent, après soutenance d’une thèse exercice, au diplôme unique de Doctorat d’État en Pharmacie.

 

« L’accession progressive de l’enseignement pharmaceutique à l’Université : le combat d’une profession »

Olivier Lafont, membre de l’Académie nationale de Pharmacie

Diapositives présentées

L’enseignement de l’apprenti apothicaire était assuré par son maître, au sein même de la boutique. Au XVIe siècle, la nécessité d’organiser des cours, en complément de l’enseignement magistral, apparut. C’est ainsi qu’à Montpellier, l’École de médecine confia cette tâche à François Ranchin. À Paris, le Jardin des apothicaires de la rue de l’Arbalète concourrait à l’apprentissage de la botanique et le droguier de la communauté à celui de la matière médicale. De 1700 à 1723, les apothicaires organisèrent pour leurs élèves des cours de chimie, qui furent suspendus sur intervention de la Faculté de médecine. Ils furent rétablis de 1753 à 1765, date à laquelle ils furent derechef interrompus à la demande expresse de cette même Faculté. De nombreux apothicaires organisaient parallèlement des cours publics de chimie ou d’histoire naturelle, dans leurs laboratoires personnels. La Déclaration royale du 21 avril 1777, qui créait le Collège de Pharmacie et le titre de maître en pharmacie, rendit officiels des cours de chimie, botanique et histoire naturelle pour les élèves se préparant aux examens. Le corps enseignant était constitué de maîtres en pharmacie. À la Révolution, le décret du Baron D’Allarde, empreint d’idéologie libérale, supprima les examens à compter du 1er avril 1791. Dès le 14 avril, des incidents graves étant survenus, un nouveau décret rétablit cours et examens pour l’accès à la profession pharmaceutique. La Société libre des pharmaciens de Paris, fondée le 20 mars 1796 créa, dès le 19 mai de la même année, l’École gratuite de pharmacie qui reprit les fonctions du Collège. Sous le Consulat, la loi du 21 Germinal An-XI (11 avril 1803) réorganisa l’enseignement pharmaceutique, en créant trois Écoles spéciales de pharmacie, à Paris, Montpellier et Strasbourg. En 1840 sous le règne de Louis-Philippe, ces écoles furent intégrées à l’Université. La présence obligatoire de deux professeurs de médecine dans les jurys fut supprimée en 1879. Le décret du 14 mai 1920 érigea les quatre écoles supérieures de pharmacie (Paris, Montpellier, Nancy et Strasbourg) en facultés de pharmacie, aboutissement d’un long combat pour la reconnaissance du caractère scientifique de la pharmacie.


« Métiers de la pharmacie et leurs évolutions »

Muriel Dahan et Michel Vidal, membres de l’Académie nationale de Pharmacie

Diapositives présentées

Tous les métiers de la pharmacie ont un socle commun de compétences et de valeurs, mais ils ont connu ces dernières années des évolutions majeures, qui toutes orientent de plus en plus les pharmaciens vers la clinique et les rapprochent du patient :

  • Les biologistes, après avoir été pionniers en particulier sur la qualité, avec le suivi du Guide de bonne exécution des analyses (GBEA) et le contrôle national de qualité, ont vu avec l’ouverture du capital de leurs laboratoires leur place de professionnel de santé mise en péril. La réforme mise en œuvre ces dernières années a réaffirmé son rôle médical et sa place à l’interface entre les prescripteurs et les patients ;
  • Les pharmaciens d’officine sont depuis la loi HPST des professionnels de santé de premier recours, aux missions inscrites dans la loi, y compris de santé publique, avec un service aux patients renforcé et diversifié ;
  • Les pharmaciens hospitaliers viennent de voir leurs missions évoluer vers une place croissante de la pharmacie clinique, qui est désormais inscrite dans la loi, rapprochant hospitaliers et officinaux dans le suivi et l’accompagnement du parcours ville-hôpital du patient ;
  • Pharmaciens industriels, chercheurs et institutionnels sont également des métiers qui ont beaucoup changé pour mieux prendre en compte l’intérêt des patients, notamment dans une perspective de santé publique et médico-économique.

Ces évolutions se retrouvent par exemple aujourd’hui dans le rôle que les pharmaciens, dans tous leurs métiers, vont pouvoir jouer dans la Stratégie nationale de santé qui vient d’être adoptée.

Quelques-unes de ces évolutions ayant des conséquences sur l’ensemble des métiers du pharmacien sont particulièrement à souligner : le changement sociétal, l’apparition de nouvelles technologies (objets connectés, impression 3D,…), l’apparition croissante des médecines alternatives,…

Il est actuellement nécessaire de faire évoluer les différents métiers afin d’intégrer l’ensemble de ces transformations, y compris au niveau de la formation des futurs pharmaciens et de la formation continue.

 

« Qu’est-ce qu’un pharmacien d’officine ? Quel est l’objet de son exercice ? »

Martial Fraysse, membre de l’Académie nationale de Pharmacie

Diapositives présentées

L'interaction pharmacien patient peut être interprétée différemment selon le point de vue ou la sensibilité de l'observateur.

Si l'on parle de commerce, on peut définir ce contact comme une transaction, mais derrière ce terme réducteur, le pharmacien est un professionnel de santé qui exerce des missions de santé publique définies en 2009 par la loi Hôpital Patient Santé Territoire HPST.

Parmi ces missions, le législateur a confié au pharmacien d'officine la prévention, la dispensation des médicaments et le suivi des patients.

Ce sont les compétences scientifiques du pharmacien, le développement de ses qualités relationnelles, humaines et éducatives, et son accessibilité qui font de lui un pilier des acteurs de premier recours.

L'avenir des transactions est la digitalisation, avec pour conséquence l'effacement de l'humain au profit du numérique, de la chaîne de blocs (blockchain). Au contraire, l'avenir du pharmacien est un exercice humain supporté par le numérique au profit de la santé publique.

 

« Industrie : besoins en formation pour la Recherche, le Développement, la Fabrication, la Commercialisation et la Diffusion »

Jean-Noël Colin, membre de l’Académie nationale de Pharmacie

Diapositives présentées

La formation proposée aux jeunes diplômés de Pharmacie Industrielle est à l’heure actuelle en adéquation satisfaisante avec les besoins de l’industrie du médicament. Les principaux métiers pour lesquels de jeunes pharmaciens sont recrutés couvrent l’ensemble de la vie du médicament, de la recherche à la diffusion du médicament en passant par le développement, la production et le contrôle. Des métiers transverses sont également pourvoyeurs d’emploi : affaires réglementaires, assurance qualité. Au-delà de la formation scientifique et technique apportée par le cycle court ou le cycle long des études, des compétences complémentaires sont recherchées : rigueur, pluridisciplinarité, ADN des études de pharmacie, mais aussi gestion de projet, travail d’équipe, … qui sont à développer pour ne pas céder du champ aux alternatives que sont les grandes écoles d’ingénieurs ou de commerce.

À l’heure actuelle la formation des pharmaciens à l’industrie du dispositif médical est à écrire en quasi-totalité.

L’industrie pharmaceutique est en pleine mutation, mutation tellement rapide qu’elle ne peut définir ses besoins au-delà de quelques années. Si les grandes familles de métiers persisteront vraisemblablement, les métiers par eux-mêmes évolueront pour embrasser les nouvelles technologies, et nécessiteront des compétences complémentaires en statistique et gestion de la donnée, nanotechnologies, biophysique, biologie, « omics »….La transversalité et les contacts pluridisciplinaires seront indispensables, des bi-compétences seront recherchées. À défaut de préparer les étudiants à des domaines encore non identifiés, il faut dès maintenant les rendre capables d’accéder à ces formations quand elles existeront, lors de leur cursus initial ou de formation ultérieure.

 

« Les défis de la formation des pharmaciens : biologie médicale, médecine de précision »

Jean-Louis Beaudeux, Doyen de la Faculté de Pharmacie de Paris, membre de l’Académie nationale de Pharmacie

Diapositives présentées

L’évolution de la biologie médicale ces dix dernières années a beaucoup porté sur les niveaux structurels et organisationnels. Parallèlement, la mission du biologiste médical s’est progressivement déplacée de l’expertise analytique (que le biologiste doit toujours posséder) à l’intégration du résultat biologique dans le contexte clinicobiologique voire thérapeutique du patient. Responsable de l’examen de la phase pré-analytique jusqu’à l’utilisation de son résultat par le clinicien, le biologiste médical doit aujourd’hui se positionner comme un véritable partenaire et interlocuteur de l’équipe médicale (par exemple en participant aux réunions de concertations pluridisciplinaires – RCP), apportant ses connaissances et compétences scientifiques, biologiques et médicales au service de l’intégration du résultat biologique au cœur de la situation clinique et du traitement du patient.

Dans ce contexte, la formation initiale du pharmacien biologiste médical doit tenir compte de cette évolution, pour lui donner les éléments cliniques, biologiques, pharmacologiques et thérapeutiques dont il aura besoin et qui feront de lui une valeur ajoutée indispensable dans l’équipe médicale. La culture scientifique, l’expertise analytique, la connaissance de médicament (incluant la pharmacogénomique, la pharmacocinétique voire la pharmacotechnie, en particulier dans le domaine des biomédicaments) sont autant d’atouts pour l’exercice de la biologie médicale de demain. C’est particulièrement vrai dans le contexte d’une médecine de précision/médecine génomique, qui sera évoqué au cours de la communication en séance. La formation professionnelle continue doit également s’adapter à ce nouveau positionnement du biologiste médical : elle devra lui permettre de s’adapter aux nouveaux schémas diagnostics et de prise en charge thérapeutique du patient, toujours en concertation étroite avec le clinicien.

 

« Évolution du socle commun des études : les dernières évolutions et le 3ème cycle »

Dominique Porquet, membre de l’Académie nationale de Pharmacie

Diapositives présentées

Même si l’on s’en tient aux 40 dernières années, le socle commun des études de Pharmacie a largement évolué, comme d’ailleurs le numerus clausus de Pharmacie, avec des étapes particulièrement significatives en 1987 et en 2011/2013. Cette dernière étape a vu en particulier, un recul significatif des disciplines fondamentales (Mathématiques, Physique, Chimie…) au bénéfice des disciplines plus appliquées. Ce nouveau cursus de formation de premier et de second cycle de nos études, a été décliné sur la base de référentiels compétences eux-mêmes élaborés à partir de référentiels métiers, et a également mis l’accent sur la mise en place d’Unités d’Enseignement libres favorisant en particulier un accès précoce à la recherche. Dans la prolongation de cette évolution du tronc commun de formation, la réforme du 3ème cycle de Pharmacie, qui correspond à la dernière partie, la plus professionnalisante de nos études, est aujourd’hui en gestation. Pour ce 3ème cycle, le schéma d’organisation actuellement proposé par le groupe de travail et en discussion avec les Ministères concernés, aboutit globalement à la mise en place de cinq DES. Deux DES « longs » de quatre ou cinq ans, accessibles à partir de concours national d’internat en Pharmacie et correspondant au DES de Biologie Médicale et au DES de Pharmacie hospitalière. Un DES « Spécialités pharmaceutique et Recherche » de trois ans accessible par concours « locaux » organisés à l’échelle des régions et deux DES « courts » de un an. Ces deux derniers correspondent d’une part à un DES de Pharmacie officinale, sous statut d’interne, et se déclinant en deux stages de six mois, dont au moins un stage effectué obligatoirement en ambulatoire dans une pharmacie d’activité libérale. Il s’agit d’autre part d’un DES de Pharmacie industrielle ; ce DES de un an, hors statut d’interne, se substituera à l’actuelle 6ème année à orientation industrielle et permettra en outre de mettre en place un double cursus de formation avec en parallèle un cursus spécialisé (cursus d’ingénieur, ou École de Commerce ou M2 spécialisé….) permettant l’acquisition de compétences métiers requises par l’industrie pharmaceutique. Il n’est pas douteux que d’autres évolutions verront le jour dans l’avenir, en essayant de respecter au mieux ce qui nous semble être les grands principes devant présider à toute réforme du cursus de formation des Pharmaciens : 1. Le maintien de l’expression des gènes constants de « l’ADN pharmaceutique » (formation scientifique polyvalente, rigueur scientifique, respect du tryptique Patient /Santé/Éthique, Le spécialiste du Médicament). 2. Favoriser, au-delà de la formation spécifiquement métier, l’apprentissage du travail en Équipe, du travail par projet et du « savoir être ». 3. Organiser, en développant les partenariats nécessaires, des double cursus de formation. 4. Bien distinguer ce qui relève strictement de la formation de ce qui peut s’apprendre au cours du temps en donnant les clefs de l’autoapprentissage et de l’adaptabilité.


« Développement professionnel continu »

Pascal Paubel, membre de l’Académie nationale de Pharmacie

Diapositives présentées

Le nouveau dispositif de formation continue des professionnels de santé est entré en vigueur en juin 2012, et se dénomme désormais développement professionnel continu (DPC). Il a connu en 2016 une réforme majeure de son organisation et de son fonctionnement que nous allons décrire.

La loi n°2016-419 de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016 a modifié la définition, les obligations et les modalités de contrôle du DPC.

Le DPC a dorénavant pour objectifs :

  • Le maintien et l’actualisation des connaissances et des compétences ;
  • l’amélioration des pratiques.

Il constitue une obligation légale pour tous les professionnels de santé en exercice.

Cette loi a également créé une agence nationale du développement professionnel continu (ANDPC) qui remplace l’ancien organisme de gestion du DPC dont le fonctionnement et la gestion avaient été critiqués dans un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales en 2014. Cette agence est organisée avec un certain nombre d’instances : assemblée générale, conseil de gestion, sections professionnelles, haut conseil du DPC, comité d’éthique et commissions scientifiques indépendantes (CSI), dont une pour les pharmaciens et une pour les biologistes.

Pour satisfaire à son obligation de DPC, le professionnel de santé doit justifier au cours d’une période de trois ans (au lieu d’un an précédemment), soit de son engagement dans une démarche d’accréditation, soit de son engagement dans une démarche comprenant des actions de formation continue, d’évaluation et d’amélioration des pratiques et de gestion des risques pouvant être réalisées, soit distinctement, soit couplées à des programmes dits intégrés.

Les actions de DPC s’inscrivent dans le cadre d’orientations prioritaires pluri-annuelles de trois ordres : priorités par profession et/ou discipline (définies par les conseils nationaux professionnels, s’ils existent), orientations nationales de santé définies par l’arrêté du 8 décembre 2015 pour les années 2016 à 2018, priorités issues du dialogue conventionnel.

L’Université participe par son expertise pédagogique dans le domaine de la formation initiale et continue des professionnels de santé au développement du DPC.

Les organismes de DPC et la qualité scientifique et pédagogique des programmes de DPC sont évalués par les CSI.

Des dispositifs de contrôle des organismes et des programmes de DPC sont mis en place, pouvant conduire à des sanctions administratives ou financières en cas de manquements constatés.

 

16h20  Table ronde et questions-réponses

Modérateur : Jean-Claude Chaumeil, membre de l’Académie nationale de Pharmacie

Participants : Magali Léo, RENALOO ; Robin Ignasiak, Président de l’ANEPF ; Marcelline Grillon, Vice-Présidente de la section A de l’Ordre national des Pharmaciens ; Jacqueline Surugue, Vice-Présidente de la FIP ; Bernard Müller, Président de la Conférence des Doyens des Facultés de Pharmacie

 

Modérateur : le Professeur Jean-Claude Chaumeil ouvre la discussion et pose à chacun des intervenants la question « est-ce que ce que les présentations que vous venez d’entendre satisfont à vos besoins ? Quelles sont les questions que vous vous posez au niveau des études et débouchés, est-ce bien ce que vous attendez de nous ? »

Participants : Magali Léo, RENALOO ; Robin Ignasiak, Président de l’ANEPF ; Marcelline Grillon, Vice-Présidente de la section A de l’Ordre national des Pharmaciens ; Jacqueline Surugue, Vice-Présidente de la FIP ; Bernard Müller, Président de la Conférence des Doyens des Facultés de Pharmacie

Magali Léo,  donne le point de vue sur le pharmacien de demain et ce qu’attendent les patients d’une association telle que RENALOO (patients ayant une maladie rénale). Le pharmacien a de nouvelles compétences et la loi HPST définit de nouvelles missions : acteur de premier recours, action de veille sanitaire, il est acteur d’entretiens thérapeutiques avec les patients, il apporte conseil et offre des prestations pour améliorer la santé des patients. Le conseil du pharmacien est d’ailleurs valorisé par l’honoraire de dispensation à la boite et de dispensation pour les ordonnances complexes (>5 médicaments). Ce qui est innovant c’est que cet honoraire ne dépend pas du prix du médicament ou du nombre de boites vendus, le pharmacien n’est donc pas considéré comme un commerçant mais bien positionné comme professionnel de santé. Autre exemple, le pharmacien a un rôle à jouer dans l’éducation thérapeutique du patient pour l’aider à une meilleure compréhension du traitement et de la pathologie ; il contribue au bon usage des médicaments. Le pharmacien peut accompagner le patient tout au long de sa prise en charge, il peut l’aider dans l’apprentissage et le suivi du traitement et l’orienter vers des structures d’accompagnement telle que l’école de l’asthme, la maison du diabète…. Rôle également pour les tests de dépistage à réaliser dans un espace de confidentialité à mettre en place au sein de la pharmacie. L’expérimentation de la vaccination contre la grippe par les pharmaciens est assez positive puisque 120 000 patients ont été vaccinés en six semaines. Quels nouveaux services développer notamment pour améliorer la coordination ville/hôpital ? La loi permet le portage des médicaments à domicile, en particulier pour les personnes les plus isolées, certains pharmaciens proposent la vente en ligne sur internet. À développer des e-services pour améliorer le conseil et l’information ou la conciliation médicamenteuse où les besoins sont peu couverts. Le rôle d’information et de conseil du pharmacien est évident. La pharmacie doit être mieux coordonnée avec le monde médical et cela passe par la reconnaissance des compétences du pharmacien avec son rôle d’information qui est un enjeu majeur de santé publique. À noter que l’affaire du lévothyrox® est liée à un défaut d’information. Pour les médicaments tératogènes tel que le mycophénolate, le rôle du pharmacien est important puisqu’il ne devrait pas dispenser si l’accord de soin n’est pas signé, mais ce dispositif met en difficulté le pharmacien qui ne dispenserait ce médicament antirejet dans le cas où le formulaire n’aurait pas été signé. Rôle également majeur du pharmacien d’information des patientes qui doivent recevoir un message clair, face aux pictogrammes apposés sur les boites de médicaments, grossesse=danger ou grossesse=interdit. Il existe une expérience de plateforme numérique innovante qui permet par exemple de prévenir et d’intercepter les erreurs médicamenteuses et d’améliorer la coordination avec les médecins y compris hospitaliers pour vérifier qu’il n’y a pas de divergences au niveau des ordonnances. D’après une étude CNOM, le maillage des pharmacies est harmonieux, malgré des fermetures inquiétantes en particulier en milieu rural ou de nombreux patients sont éloignés de l’offre de soins en ville. Sur un territoire, il est important d’harmoniser l’offre de soins et dans ce dispositif, les pharmaciens ont toute leur place. Pour conclure, le pharmacien de demain ne sera pas un marchand de dentifrice ni un salarié d’un réseau de grande distribution, il sera un professionnel capable de s’adapter au vieillissement de la population, à l’augmentation du nombre de malades chroniques et aux besoins d’information des patients. Pour répondre à cette évolution, Il devra être exigeant vis-à-vis des pouvoirs publics notamment pour être inclus dans les chaines d’information. Il sera un relais et devra inspirer la confiance, ceci dans le respect du droit des patients en ayant soin d’aménager des espaces de dialogues et de confidentialité.

Robin Ignasiak, est président de l’association nationale des étudiants en pharmacie de France. Pour lui, les exposés précédents permettent d’être optimistes quant aux métiers de la pharmacie de demain. Nous avons été associés à la réforme des études, nous avons fait part de nos propositions et cette réforme était nécessaire. Le projet d’orientation professionnel doit être mieux accompagné en particulier pour les étudiants « recalés » de médecine et qui font pharmacie par défaut et auxquels il faut donner envie de trouver une filière qui leur plaira. La réforme de la 6ème année et des DES est très favorable, de même que la valorisation de la filière officine avec le statut d’interne. On peut envisager des missions supplémentaires avec un stage de deux fois six mois et en variant les terrains de stage, par exemple non seulement officine mais aussi cabinet de médecine générale, EHPAD, ARS sous la supervision du pharmacien pour élargir les horizons et renforcer les liens ville-hôpital. Les récents tableaux de bord des stages officinaux sont à saluer et reste le problème des stages hospitaliers souvent mal encadrés sans laisser suffisamment de place à la pharmacie clinique et à la conciliation médicamenteuse. La formation doit être de plus en plus professionnalisante et donner des compétences (en complémentant la connaissance des cours magistraux) à l’étudiant et il faut améliorer la lisibilité de la formation pour les étudiants. Toutes les missions de formation doivent s’intégrer dans l’interprofessionnalité née du concours PACES, une vraie catastrophe pédagogique et un concours inhumain. Cette interprofessionnalité doit se développer sur le terrain. La formation doit être un levier pour d’autres missions, se tourner vers le numérique, la télémédecine, le territoire… Oui la formation des jeunes pharmaciens va dans le bon sens.

Marcelline Grillon, Vice-Présidente de la section A de l’Ordre national des Pharmaciens, a été très sensible à la présentation de tous les métiers auxquels ouvrent la pharmacie. Le socle commun doit promouvoir le devoir du pharmacien, lui permettre d’identifier les risques du métier puisqu’il est responsable devant les patients et développer la qualité. Le pharmacien doit savoir être et s’adapter. Il doit avoir l’esprit ouvert sur d’autres domaines et l’interprofessionnalité est importante, il y a une « fibre pharmacien » que l’on voit bien lors des relations avec les industriels par exemple lors de la mise en place de formation sur des nouveaux médicaments ou des sorties de réserve hospitalière ; il n’y a pas que des conflits d’intérêt ! On a vu dans l’histoire de la pharmacie, l’importance des stages. La qualité des stages est importante et va conduire à un bon exercice. Y compris pour le stage HU, malgré les difficultés d’intégration dans les équipes hospitalières. Pour la biologie et l’industrie, on ne sait pas où l’on va à trois ans et c’est difficile de se projeter dans l’avenir, il faut donc être à l’écoute des évolutions des politiques de santé. Quoiqu’il en soit il faut appréhender les nouvelles technologies.

Jacqueline Surugue, Vice-Présidente de la FIP, précise que pour elle deux grands domaines vont exploser : 1/la médecine personnalisée et prédictive qui va obliger les pharmaciens quels qu’ils soient, hospitaliers et biologistes à communiquer entre eux et avec les médecins. 2/le développement des technologies de l’information et de la communication (TIC) et des objets connectés dans le domaine de la santé qui vont exploser, il va donc falloir s’approprier ce domaine, sinon d’autres le feront ! La profession manque de leadership, il faut des pharmaciens performants pour s’engager dans les grandes causes. Et ces pharmaciens leaders doivent parler anglais, c’est la porte ouverte sur l’Europe et sur le monde, car toutes nos directives viennent de l’Europe ! Une initiative importante, FIP-Ed (pour éducation) qui lie des représentants de l’OMS, UNESCO, des doyens des universités au travers de l’AIM et des experts scientifiques, pour faire des propositions pour l’éducation des pharmaciens au niveau mondial en intégrant des objectifs de développement durable. C’est la première profession de santé à transposer activement la Stratégie mondiale de l'OMS à l'horizon 2030 sur les ressources humaines pour la santé dans un contexte professionnel. Le plan d’action est basé sur sept piliers. La conférence mondiale de consensus de Nanjing qui a réuni 600 participants et 46 pays et territoires s’est terminée par la déclaration de Nanjing qui donne la vision du futur déclinée avec 13 objectifs et 67 prises de position. Les rapports de cette conférence sont en ligne sur le site de la FIP.

Bernard Müller, Président de la Conférence des Doyens des Facultés de Pharmacie. J’ai apprécié le passé, présent, car pour préparer le futur c’est bien de savoir ce qui a été fait. Les doyens sont très attachés au socle commun des connaissances car la solidité de ce socle permet d’avoir la capacité de s’adapter au cours de la vie professionnelle. Le fait d’avoir un double diplôme est également très précieux et augmente l’attractivité, par exemple un master d’une école de commerce. L’approche par compétence. Les stages de 5ème AHU ont évolué et se sont améliorés, le compagnonnage est très important, c’est notre ADN pharmaceutique. La notion de savoir être est effectivement importante, il faut également avoir la capacité de s’adapter et avoir le sens des relations humaines. L’anglais est désormais inclus dans la maquette des études depuis la réforme de 2011. Il faut également avoir la capacité de mobiliser les équipes pédagogiques pour être réactif sur des nouvelles missions. Le service sanitaire a été cité et à partir de 2018 tous les étudiants feront un service sanitaire. Les missions des pharmaciens d’officine sont importantes du fait du maillage territorial. Dans les régions qui ont participé à l’expérience de vaccination, les pharmaciens ont été très réactifs et les étudiants de la 6ème année officine ont tous été formés à Bordeaux. Parmi d’autres points, il faut faire évoluer les méthodes pédagogiques, il faut apprendre à l’étudiant à apprendre et innover pour aller au-delà du cours magistral ou de l’ED, cependant tout ne se fait pas par le numérique car il y a nécessité de développer des qualités relationnelles. Il existe maintenant des méthodes de simulation pour former l’étudiant à se présenter devant un patient. Aujourd’hui, les enseignants s’investissent dans cette transformation pédagogique pour donner à l’étudiant la capacité de s’adapter et de développer son esprit critique. Il y a des initiatives, pour accompagner ces transformations pédagogiques. Les enseignants-chercheurs répondent à des appels à projets comme ils le faisaient en recherche pour s’investir dans cette transformation pédagogique. La trajectoire, dont il faut ensuite trouver les clefs, c’est donner à l’étudiant la capacité de s’adapter et de développer son esprit critique. Cette transformation pédagogique est le nouveau défi au-delà d’allonger les études et d’empiler des couches de connaissances.

 

Jean-Claude Chaumeil remercie les intervenants

 

Questions de la salle

Bernard Teisseire (Q) : les modifications, les évolutions du contenu des études pharmaceutiques permettront-elles une meilleure compétitivité au niveau européen ?

Jacqueline Surugue (R) : il existe un module européen dans certaines facultés comme à Angers. Toutes nos directives sont issues de la transcription des directives européennes, donc si l’on veut les influencer, il faut y participer. Le conseil de l’ordre des pharmaciens est une bonne courroie de transmission pour les travaux européens. Actuellement nous sommes sur la régulation de la protection des données et c’est très complexe. Il y a un groupe sur la e-santé à la commission européenne et les commissaires se posaient des questions sur la qualification d’une « App » (les applications des smartphones) sur la pollution de l’air ; compte tenu des conséquences pour des malades atteints d’asthme ou d’allergies respiratoires, cette app a été classée DM. Ceci montre la portée des décisions européennes, il est donc important de s’impliquer dans ces activités.

 

Jean-Michel DESCOUTURES (Q) : le développement professionnel continu tel qu'il est mis en œuvre en France représente une véritable « usine à gaz » avec des résultats très médiocres et aucune sanction positive ou négative pour les pharmaciens bénéficiaires. J'ai eu par le passé l'occasion de suivre une formation aux USA sur les traitements en oncologie et il me semblait que le DPC américain était plus structuré. Qu'en est-il en réalité ailleurs dans les autres pays ?

Jacqueline Surugue (R) : il existe un rapport FIP sur le DPC, il faudrait le lire. Aux USA le DPC est validé par une attestation de présence qui n’est pas une évaluation.

Marcelline Grillon (R) : il y a beaucoup de formations qui ont été refusées. Il y a beaucoup d’organismes qui se sont proposés avec un enjeu financier. Il est difficile de trouver des formations très pointues pour monter en qualité, en post formation initiale. Il faut donc monter en qualité les formations, empêcher la standardisation et valoriser certaines formations par rapport aux autres. Ainsi en cancérologie il faut que l’ambulatoire se développe et il faut pousser pour que ces formations montent en niveau et que le praticien en sorte quelque chose pour son approche vis-à-vis du patient. Les DU sont souvent trop longs pour des professionnels. La formation doit permettre d’améliorer la prestation vis-à-vis des patients. Chaque branche de la profession a eu son accréditation, il faudra y arriver pour l’officine, seule façon de monter en qualité.


Perspectives par Francis Megerlin, membre de l’Académie nationale de Pharmacie

Diapositives présentées

Francis Megerlin ouvre quelques perspectives et donne un point de vue philosophique. Heureusement, le terme « monopole » n’a pas été utilisé, ce qui est bien car l’inquiétude est source de progrès. Ce qui frappe également, c’est que l’on a parlé de métier, qui identifie une profession de santé. On a également parlé de missions et non pas d’activités, donc en parlant de missions, on assigne un but supérieur pour envoyer des signaux, pour un but collectif financé par la solidarité nationale. Quel est le retour sur investissement de la production des facultés pour le pays ? Un autre élément est qu’une mission permet de s’accomplir et de s’épanouir pour soi mais également pour les autres. Cette recherche du sens est très importante. Il en résulte un couplet constance et obsolescence. La constance qui appelle à des qualités morales et certains éléments techniques. L’obsolescence sur le plan technologique est source de mutation considérable. Il y a également une obsolescence organisationnelle et les délais de mutation deviennent des pertes de chance en termes de survie surtout dans un contexte européen ou international. Nous sommes dans un système complexe caractérisé par l’imprévisibilité comportementale à court terme. Il y a des facteurs prévisibles, démographie, épidémiologie…. et des facteurs imprévisibles comme le rythme accéléré des innovations de rupture (plus rien dans le « pipe »). Pour le décideur public, l’imprévisibilité est un défi assez considérable. La formation et l’intelligence adaptative est une condition de survie de l’espèce et donc la formation est un enjeu majeur pour continuer la civilisation, c’est donc un domaine qui attire beaucoup par effet d’aubaine. Nous sommes confrontés également à des temps inertiels très forts ce qui pourrait permettre d’éviter des erreurs par observation de l’expérience d’autrui, mais ce n’est malheureusement pas toujours le cas. Autre modification assez profonde c’est l’économie mentale, c’est-à-dire l’impact de technologie d’apprentissage, de stockage d’information et d’analyse qui modifient nos perceptions de la réalité et nos rapidités d’action. Ce stockage d’information peut dépasser nos capacités cognitives avec le risque de la prothèse électronique dont nous perdons la souveraineté ce qui est un risque fort. Un dernier élément est la maintenance de capacité, ces formations ne visent pas seulement à préparer le futur, mais à maintenir de la capacité. Il y a des asymétries très fortes dans l’accueil de l’innovation d’ordre technologique, organisationnel et contractuel. Quelles sont alors la signification d’un diplôme à contenu commun, ou de la reconnaissance d’un diplôme dans un espace où il y a tant d’asymétrie, notamment en ce qui concerne la digitalisation des environnements de soins et l’usage des nouvelles technologies ? Il en résulte que nous devons parler plusieurs autres langues en sus du français dont l’usage va être considérable dans les années à venir du fait de l’explosion de l’Afrique francophone où il y a un enjeu majeur dans le domaine de la santé.

 

Clôture par le Président Jean-Loup Parier qui remercie Jean-Claude Chaumeil pour l’organisation de la séance très bien structurée. Il remercie également les différents intervenants qui ont montré l’évolution de la profession et les enjeux de la formation.