Radiopharmacie

3 questions à Nathalie Rizzo-Padoin


Radiopharmacie, une spécialité méconnue


1. Qu’est-ce qu’un médicament radiopharmaceutique ?

C’est un médicament qui contient des radionucléides émetteurs de rayonnements ionisants, dont l’énergie et le pouvoir de pénétration vont permettre :

1. de suivre le devenir du médicament administré dans l’organisme,

2. d’étudier la morphologie d’un organe ou tissu et surtout sa fonctionnalité par comptage externe de la radioactivité (à l’aide d’une gamma-caméra ou d’une caméra TEP),

3. d’irradier spécifiquement certains tissus ou organes. Ces médicaments sont des spécialités pharmaceutiques livrées prêtes à l’emploi, fabriquées par un établissement pharmaceutique, ou des préparations réalisées par une radiopharmacien dans un établissement de santé, à partir de trousses (molécules vectrices) qui vont être marquées par un radionucléide. Ce dernier sera produit soit par un réacteur nucléaire ou par un cyclotron et dans ce cas dénommé précurseur, soit à partir d’un générateur par décroissance d’un radionucléide père en radionucléide fils. En diagnostic, on utilise des radionucléides à fort pouvoir pénétrant (émetteurs g ou de positons) tandis qu’en thérapie, ce sont des émetteurs de rayonnements très irradiants localement et arrêtés par la matière (particules α, β-) qui sont utilisés pour obtenir une irradiation ciblée.


2. Qu’est-ce qui les différencie des médicaments classiques ?

Du fait de leur caractère radioactif, ces médicaments sont soumis, sur le plan juridique, à la fois aux dispositions concernant les médicaments et à celles relatives aux radionucléides. Depuis leur préparation à l’hôpital, jusqu’à leur fabrication industrielle et leur détention puis leur utilisation, ils doivent obtenir des autorisations successivement de l’Agence régionale de santé (ARS), de l’Agence du médicament et des produits de santé (ANSM) et de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). S’y ajoutent ensuite, en pratique, les mesures de radioprotection destinées aux patients (principe de justification et d’optimisation de l’examen, information spécifique à délivrer pour limiter leur exposition et celle de leur entourage...), aux opérateurs (utilisation d’équipements de protection individuelle blindés, suivi dosimétrique...) et à la protection de l’environnement (gestion des déchets radioactifs, notamment en prenant en compte leur période physique). D’un point de vue logistique, ces médicaments sont préparés extemporanément, compte tenu de leur décroissance radioactive, sachant que jusqu’à trois livraisons par jour peuvent être nécessaires pour couvrir les besoins de la journée pour un même radiopharmaceutique, comme dans le cas des molécules marquées au fluor 18.


3. Qu’en est-il de l’innovation en ce domaine ?


La radiopharmacie va connaître de réelles évolutions ces prochaines années, notamment grâce à l’accès à de nouveaux radionucléides émetteurs α (radium 223, astate 211, actinium 225), β-(lutécium177) ou encore β+ (gallium 68, cuivre 64, zirconium 89). Le développement de la théranostique, approche de plus en plus utilisée en médecine nucléaire, s’en trouvera facilité. En radiothérapie interne vectorisée, l’alphathérapie est prometteuse, en raison d’une part de la portée réduite dans les tissus des particules α (inférieure à 100 μm), qui permet une plus grand sélectivité de l’irradiation, et, d’autre part, de leur forte cytotoxicité. On pourra aussi compter sur l’application du principe de microfluidique aux procédés de synthèse pour permettre la préparation de doses individuelles de divers radiopharmaceutiques.


Source : L'Observatoire n°42, 3 questions à Nathalie Rizzo-Padoin, octobre 2017