Cybersanté

3 questions à Patricia Rafidison

Cybersanté, Un nouveau défi pour les pharmaciens

1. Une évolution impatiente ?

Le boom du numérique et des applications « e-santé » bouleverse les usages et référentiels « traditionnels » en santé. Les données de santé (glycémie, prise de tension, nutrition, poids etc...) via des applications « mobile app » (m-app) portées par des objets connectés, ou non, sont largement disponibles sur smartphones, tablettes ou internet. Chacun peut suivre en continu ses données personnelles et devenir ainsi l’acteur de sa santé, en relation ou non avec un professionnel. Au cœur de cette effervescence, la cybersanté1 doit relever le défi d’associer les compétences du domaine informatique, médical et pharmaceutique, afin de développer des applications ou systèmes sécurisés, fiables, et utiles. Ces regroupements de compétences commencent à se développer, comme e-Health2, où professionnels du dispositif médical (DM), de l’industrie pharmaceutique et de l’édition de logiciels mettent en commun leurs ressources et leur expérience. En revanche, les petites « start up », de plus en plus nombreuses à innover en santé, sont souvent portées par des non-professionnels du domaine, qui doivent se familiariser avec les technologies médicales, notamment sur le plan réglementaire. Au cœur de cette révolution, le patient s’impatiente !

2. Nouveaux risques ou non : est-on prêt ?

Dans un contexte d’évolution permanente, ces nouvelles applications numériques ne sont pas toujours soumises à la réglementation des dispositifs médicaux. Or, le partage des données personnelles, la cybersécurité, le hacking, la fiabilité des données, leur hébergement, l’absence de labellisation ou de certification, sont autant de sujets légitimes d’inquiétude. Les institutions en sont conscientes et s’emploient à trouver des réponses. La CNIL a ainsi pris des mesures pour assurer la protection des données personnelles. Des organismes ad hoc sont désormais en charge de l’évaluation et de la certification des applications considérées comme dispositifs médicaux, sous la surveillance de l’ANSM3. Pour celles ne relevant pas du dispositif médical, la HAS a élaboré un guide de bonnes pratiques4 et prévoit une labellisation pour garantir aux usagers fiabilité et sécurité. Côté hébergeurs, certains sont déjà certifiés. On dispose par ailleurs de données expérimentales démontrant l’intérêt des objets connectés dans l’observance ainsi que la sécurité des patients, à travers une expérimentation de télémédecine comme Cardiauvergne5, par exemple. Mais, la France est toujours à la traine concernant les études cliniques dans ce domaine alors que ce nouvel environnement appelle un modèle d’évaluation différent.

3. Un pharmacien 4.0 ?

Les patients sont de plus en plus mobiles, informés et connectés et l’utilisation de ces objets/applications s’accélère, conférant au pharmacien d’officine un nouveau rôle, essentiel, dans le parcours santé du patient, à tous les points clé de la chaine de soins, depuis la qualification des applications jusqu’à leur délivrance et leur utilisation. Mais, au-delà de son atout proximité et de la reconnaissance de ses compétences, le pharmacien doit adapter sa pratique et sa formation à ce nouveau contexte de conseil et d’accompagnement d’un usager/patient qui ne compte pas descendre du train à grande vitesse de la révolution digitale.

1. Cybersanté : terme qui fait référence à l’application des TIC (technologies de l’information et de la communication) à la santé. Les TIC sont utilisées dans la santé comme outils de prévention, de diagnostic, de traitement ou de surveillance des maladies

2. http://ehealthfrance.com

3. http://ansm.sante.fr/Activites/Mise-sur-le-marche-des-dispositifs-medicaux-et-dispositifs-medicaux-de-diagnostic-in-vitro-DM-DMIA-DMDIV/Logiciels-et-applications-mobiles-en-sante/(offset)/1

4. Rapport HAS : http://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/rapport-gt28-octobre-2016-vf-full.pdf

5. https://www.techniques-hospitalieres.fr/article/1109-cardiauvergne-service-de-telesurveillance-et-de-coordination-des-soins-des-insuffisants-cardiaques-.htm

Source : L'Observatoire n°44. Trois questions à Patricia Rafidison, avril 2018.