Maladies de la rétine

Trois questions à José-Alain Sahel

Maladies de la rétine. Des avancées technologiques aux prises en charge ciblées

1. Quels défis posent les maladies de la rétine ?

Les maladies de la rétine sont les principales causes de malvoyance et de cécité . 30 000 patients en France sont atteints de ré tinite pigmentaire (RP), une maladie cécitante héréditaire ; plus d’un million et demi de français souffrent de dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA) du fait du vieillissement ; des maladies fréquentes, comme le diabète, peuvent affecter la rétine. Pour la RP comme pour la DMLA de forme sèche, il n’existe actuellement aucun traitement, mais l’avancée des connaissances des mé anismes physiopathologiques et les progrès technologiques récents ont permis de développer de nouvelles stratégies thérapeutiques.

2. Est-on passé de la médecine-fiction à la réalité ?

La rétine tapisse le fond de l’œil, mais c’est le cerveau qui est l’organe majeur de la vision car il intègre et interprète toutes les informations transmises par la lumière. Au cours des dernières décennies, les techniques de microscopie biphotonique, multiélectrodes et d'holographie ont permis de décrypter, de façon de plus en plus approfondie, ce traitement de l’information visuelle. Thérapie génique, optogénétique, rétine artificielle, cellules souches : la prise en charge thérapeutique est à l’heure de l’innovation de pointe. Dans la RP, les mutations génétiques induisent la dégénérescence des bâtonnets suivie par celle des cônes. À condition que les photorécepteurs n’aient pas encore totalement disparu, il est possible par thérapie génique de corriger le défaut génétique et de restaurer la vue. En décembre 2017, pour la première fois, une thérapie génique a été validée pour une maladie de la vision et mise sur le marché : LuxturnaTM traite une forme de RP due à la mutation du gène RPE65. Une vingtaine d’essais cliniques de thérapie génique sont en cours, mais cette approche extrêmement prometteuse présente toutefois des limites notamment liées au nombre de mutations et au stade de la maladie au-delà duquel aucune correction n’est possible. La RP peut toutefois bénéficier de l’optogénétique justement indépendante des mutations. À l’aide d’un virus transporteur, on exprime dans la rétine des protéines – opsines – qu’on trouve dans des algues et des bacté ries archaïques capables de détecter la lumière et de générer un signal électrique. Cette approche permet de réactiver les photorécepteurs « dormants » ainsi que des cellules résiduelles du réseau neuronal rétinien. Les essais cliniques sont en préparation pour la RP et la DMLA. La rétine artificielle est plus connue : une puce électronique est implantée dans la rétine pour la ré activer en stimulant les cellules rétiniennes restantes en réponse à un signal lumineux. Le système épirétinien Argus II et le système subré tinien Retina AG sont déjà sur le marché ; un nouvel essai clinique avec la rétine artificielle Prima, développée par l’Institut de la Vision, l’Université de Stanford et l’entreprise franç aise Pixium Vision est en cours d’évaluation chez des patients avec une DMLA de forme sè che. Enfin, l’Institut de la Vision et I-Stem attendent l’autorisation de démarrer un essai clinique pour remplacer les cellules rétiniennes dé gé né ré es par des cellules souches.

3. Peut-on désormais cibler les stratégies thérapeutiques ?

Les progrès de l’imagerie permettent désormais de voir l’ensemble des photorécepteurs et de cartographier les cellules rétiniennes. Selon le stade d’évolution de la maladie, les thérapeutiques vont ainsi pouvoir être ciblées en fonction des paramètres génétiques et de l’état du tissu restant. La thérapie génique apparaît appropriée pour les stades pré coces des maladies héréditaires, en combinaison avec des stratégies de neuroprotection. Dans les stades plus avancés, l’optogénétique, la rétine artificielle ou les cellules souches pourraient être des traitements de choix.

Source : L'observatoire n°47, décembre 2018. Trois questions à José-Alain Sahel