Séance thématique

Compte rendu et diapositives présentées lors de la séance thématique sur "Les nouvelles frontières thérapeutiques en ophtalmologie"
Introduction par Alain BERDEAUX, Président de la Commission Prospective Scientifique et Programmation, membre de l’Académie nationale de Pharmacie
« Personnalisation thérapeutique en ophtalmologie: l’exemple des dystrophies rétiniennes» Pr José-Alain SAHEL,
« Du risque génétique de la DMLA à l’identification de médicaments ciblés» Pr Florian SENNLAUB,
« Dispositifs médicaux et rétine artificielle» Dr Serge PICAUD,
« Thérapies géniques indépendantes des mutations» Dr Deniz DALKARA,
« Toxicités oculaires des traitements cytotoxiques anticancéreux et des thérapies ciblées» Benjamin VERRIÈRE,
«Effet délétère des conservateurs dans le traitement du glaucome» Pr Antoine LABBÉ,



« Les nouvelles frontières thérapeutiques en ophtalmologie »

Séance thématique

Mercredi 16 mai 2018 de 14 h 00 à 17 h 00

 

Avec l’avènement des nouvelles méthodes de diagnostic et de traitement des maladies aigües et chroniques de la vision (thérapie génique, biothérapies, rétine artificielle, dispositifs médicaux, etc.) mais aussi des conséquences sur la vision de certains traitements chroniques de maladies dégénératives, d’énormes progrès ont été réalisés ces dernières années en ophtalmologie. Outre le besoin purement scientifique de découvrir dans le détail ces approches thérapeutiques, il est aussi important pour le pharmacien d’en connaître les limites pour répondre, le cas échéant, à des questions des patients.

Profitant de l’immense compétence nationale et internationale des chercheurs de l’Institut de la Vision (UMR S-968/UMR 7210 de l’hôpital des Quinze-Vingts et de la Fondation Rothschild) dirigée par le Pr José-Alain Sahel, la Commission Prospective Scientifique et Programmation (sur proposition de la 2ème section) a pris contact avec cet Institut pour mettre au point les fondements d’une séance dédiée à cette thématique.

Ouverture de la séance parJean-Loup Parier, Président de l’Académie nationale de Pharmacie

Introduction par Alain Berdeaux, membre de l’Académie nationale de Pharmacie

Diapositive présentée 


« Personnalisation thérapeutique en ophtalmologie : l’exemple des dystrophies rétiniennes »

Pr Jose-Alain Sahel, membre de l’Académie des Sciences, Directeur de l’Institut de la Vision, INSERM UMRS 968, Université Pierre et Marie Curie, Paris

Diapositives présentées

Les dystrophies rétiniennes regroupent un ensemble très large de maladies génétiques aboutissant de manière séquentielle et avec un rythme très variable à la perte de la fonction des photorécepteurs. En France, environ 40 000 personnes sont touchées par ces affections. Souvent, les événements liés à des mutations exprimées dans les bâtonnets (qui assurent la vision nocturne) conduisent à la dégénérescence des cônes (responsables de la vision diurne, colorée et centrale). La compréhension des dystrophies rétiniennes a pu avancer significativement grâce aux analyses des modèles animaux et surtout à une meilleure connaissance de la physiologie et physiopathologie de la vision. Les progrès de la génétique moléculaire, notamment en matière de séquençage haut débit et les avancées de la modélisation in vitro, in vivo, in silico, ont mis en lumière des voies biologiques pointant vers des cibles thérapeutiques. Un des enjeux dans le domaine des dystrophies rétiniennes –maladies très hétérogènes génétiquement et cliniquement- est de construire une médecine personnalisée, c’est-à-dire adaptée de façon individuelle au patient. L’imagerie multimodale et l’ensemble des techniques d’exploration de la rétine (acuité visuelle, champ visuel, micropérimétrie, vision des couleurs, pupillométrie, rétinophotographie, tomographie par cohérence optique, optique adaptative…) rendent aujourd’hui possible la caractérisation morphologique et fonctionnelle de la maladie. L’évaluation de l’impact de la maladie ressenti dans la vie quotidienne par les patients est également un élément majeur. L’ensemble de tests d'évaluation permet non seulement d’établir des corrélations structure/fonction et des corrélations phénotype/génotype, mais aussi de déterminer le rythme de progression de la maladie et de prendre des décisions thérapeutiques pour une médecine personnalisée. Le facteur crucial dans le développement des essais cliniques pour les dystrophies rétiniennes est en effet d’adapter le(s) stratégie(s) thérapeutique(s) en fonction du stade de la maladie.


« Du risque génétique de la DMLA à l’identification de médicaments ciblés »

Pr Florian Sennlaub, Institut de la Vision, INSERM UMRS 968, Université Pierre et Marie Curie, Paris

Diapositives présentées

Age-related macular degeneration (AMD) is a highly heritable major cause of blindness characterized by subretinal inflammation. Of all genetic factors, variants of Complement factor H (CFH) are associated with greatest linkage to AMD. Using loss of function genetics and orthologous models of AMD, we provide mechanistic evidence that deficiency in CFH completely prevents pathogenic subretinal accumulation of mononuclear phagocytes (MP) and accelerates resolution of inflammation. We show that MP-persistence arises secondary to binding of CFH to CD11b/CD18, which obstructs physiologically-occurring thrombospsondin-1 (TSP-1)-CD47-mediated elimination of MPs from the subretinal space. The AMD-associated CFH402H isoform markedly increased this inhibitory effect on microglial cells, indicating a causal link to disease etiology. Pharmacological activation of CD47 accelerated resolution of both subretinal and peritoneal inflammation, which may be exploited in the therapy for chronic inflammatory diseases, including AMD.


 « Dispositifs médicaux et rétine artificielle »

Dr Serge. Picaud, Institut de la Vision, Sorbonne Université, INSERM, CNRS, Paris

Podcast : brève video de la présentation

Suite à la perte des photorécepteurs, la cécité peut intervenir dans des pathologies héréditaires comme la rétinopathie pigmentaire ou dans des pathologies plus complexes comme la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA). Récemment, des prothèses rétiniennes ont permis à des patients atteints de dystrophies rétiniennes de retrouver une perception visuelle utile, certains pouvant même lire des mots sur un écran d’ordinateur. Cependant, le défi technologique demeure intact tant  que ces patients ne retrouveront pas une autonomie en locomotion et des capacités de reconnaissance des visages.

Pour relever ce défi, différents groupes ont proposé de modifier la position relative des électrodes, de produire des dispositifs en trois dimensions, d’utiliser de nouveaux matériaux. A l’institut de la vision, nous avons développé un partenariat avec la start-up Pixium Vision et l’Université de Stanford pour démontrer l’efficacité de nouveaux implants photovoltaïques sans fils reprenant certains de ces concepts. Nos travaux montrent sur des rétines de primates tant ex vivo que in vivo une très grande résolution spatiotemporelle. Ces implants sont maintenant entrés en clinique pour évaluation sur des patients atteints de dégénérescence maculaire liée à l’âge.

 

« Thérapies géniques  indépendantes des mutations »

Dr Deniz DALKARA, Institut de la Vision, INSERM UMRS 968, Université Pierre et Marie Curie, Paris

Diapositives présentées

Les dégénérescences rétiniennes héréditaires sont un groupe de maladies notoirement complexe. Cette complexité génétique présente un défi pour le développement de thérapies géniques pour ces maladies. Une préoccupation persistante sérieuse de la thérapie génique actuelle pour les maladies de la rétine est de savoir comment cibler la vaste gamme de mutations provoquant des maladies rétiniennes de manière rentable. Pour développer des approches de thérapie génique qui peuvent bénéficier aux plus grandes populations de patients, différentes approches doivent être développées et nécessitent le développement d’outils de transfert de gène appelés vecteurs. La conception des vecteurs viraux est le domaine technique principal de la recherche en thérapie génique et diverses idées et stratégies existent pour l'ingénierie d'un vecteur idéal, car les besoins sont spécifiques à chaque maladie. Ainsi, nos projets actuels sont axés sur l'application de la conception des virus adeno-associés (AAVs) pour répondre aux exigences de la thérapie génique translationnelle dans la rétine. Dans ce développement, les thérapies géniques dites indépendantes des mutations sont notre priorité. Étant donné qu'une grande proportion de dégénérescence rétinienne héréditaire converge sur le phénotype commun de la perte des photorécepteurs, les stratégies thérapeutiques génétiques qui peuvent aider à traiter les conséquences phénotypiques plutôt que l'origine génétique de la maladie sont probablement avantageuses. La thérapie génique par sécrétion de facteur trophique et l'optogénétique en sont deux exemples que nous allons développer pendant cette intervention.


« Toxicités oculaires des traitements cytotoxiques anticancéreux et des thérapies ciblées »

Benjamin Verrière, Pharmacien Praticien Hospitalier, Centre hospitalier d’Antibes. Membre du groupe de travail sur les médicaments utilisés en Oncologie et en Hématologie à l’ANSM (GTOH). Membre de la Société Française Clinique Oncologique (SFPO)

Diapositives présentées

Podcast : brève video de la présentation

Bien qu’insuffisamment décrites et rapportées dans la littérature, les toxicités oculaires des traitements médicamenteux anticancéreux sont une réalité pour les cliniciens et les patients.

De par leurs mécanismes d’action, les molécules cytotoxiques « classiques » comme les sels de platine, le 5-fluorouracile ou encore la cytarabine sont, à des intensités et des fréquences différentes, responsables de toxicités oculaires.

Depuis plusieurs années maintenant, de nombreuses thérapies ciblées (per os notamment) se positionnent progressivement dans l’arsenal thérapeutique. Le profil de tolérance des thérapies ciblées, bien que supérieur à celui des cytotoxiques « classiques », présente un certain nombre de particularités en termes de nature, fréquence et sévérité des effets indésirables. 

De la cornée jusqu’au nerf optique, nombreuses sont les cibles et voies de signalisation telles que les Bcr-Abl, c-Kit, EGFR, MEK ou encore CTLA4, communes aux thérapies ciblées anticancéreuses. Cette similarité est responsable d’un nombre important de toxicités ophtalmiques pouvant aller de la sécheresse oculaire jusqu’à la cécité partielle ou totale.

Le recul avec ces thérapies ciblées est bien inférieur à celui des thérapies cytotoxiques « classiques ». Il est ainsi important de sensibiliser l’ensemble des professionnels de santé impliqués dans le parcours de soins des patients afin de détecter précocement ces toxicités dans le but de ne pas altérer leur qualité de vie ou leur projet thérapeutique (réduction de dose intensité; interruption transitoire ou définitive).

Les recommandations nationales et internationales à ce sujet demeurent incomplètes. Une collaboration étroite entre Oncologues et Ophtalmologues apparaît donc nécessaire afin de compléter le suivi de ces patients.


« Effet délétère des conservateurs dans le traitement du glaucome »

Pr Antoine LABBE, Service d’Ophtalmologie, Centre Hospitalier National d’Ophtalmologie des Quinze-Vingts, Paris. Institut de la Vision, INSERM UMRS 968, Université Pierre et Marie Curie, Paris, Service d’Ophtalmologie, Hôpital Ambroise Paré, AP-HP, Boulogne et Université de Versailles.

Diapositives présentées

Le glaucome est une des causes majeures de cécité et un problème de santé publique au niveau mondial. L’élévation de la pression intraoculaire (PIO) est le principal facteur de risque de cette neuropathie optique et, depuis plus d’un siècle, le traitement du glaucome est dominé par des thérapeutiques médicales ou chirurgicales visant à diminuer la PIO.

Le traitement médical du glaucome est le plus souvent utilisé comme traitement de première ligne et la plupart des patients avec un glaucome sont traités médicalement. Souvent efficace, ce traitement est administré sur de très longues périodes, parfois pendant plusieurs dizaines d’années. L’utilisation des collyres anti-glaucomateux au long cours entraîne de nombreuses modifications des tissus qui composent la surface oculaire. Les mécanismes précis de cette réponse inflammatoire et/ou de la toxicité directe des collyres doivent être encore précisés, mais les conservateurs associés au principe actif de ces collyres semblent jouer un rôle majeur dans ces changements tissulaires et leurs complications. Réciproquement, la surface oculaire influe très largement sur l’efficacité des traitements du glaucome, qu’ils soient médicaux avec les problèmes associés de la tolérance et de l’observance, ou chirurgicaux avec les échecs de la chirurgie du glaucome par fibrose conjonctivale.

Grâce à de nouveaux moyens d’exploration, la compréhension des problèmes de surface oculaire associés au traitement du glaucome a été véritablement révolutionnée ces dernières années au bénéfice des patients glaucomateux et de leurs traitements.

 

Clôture par Jean-Loup Parier, Président de l’Académie nationale de Pharmacie