Séance thématique

Compte rendu et diapositives présentées "Nouvelles Substances Psychoactives et toxicomanogènes et leur prise en charge médicale"
Introduction et présentation - Patrick MURA, membre de l’Académie nationale de Pharmacie
« Dispositifs de surveillance et de lutte contre les nouvelles drogues en France et en Europe » - Jean-Pierre GOULLE en l'absence de Michel LHERMITTE, membre de l’Académie nationale de Pharmacie
« Le cannabis nouveau / 2018 » - Jean COSTENTIN, membre de l’Académie nationale de Pharmacie
« Les nouveaux cannabinoïdes » - Jean-Pierre GOULLE, membre de l’Académie nationale de Pharmacie
« Les cathinones de synthèse et les dérivés du fentanyl : une menace croissante » - Patrick MURA, membre de l’Académie nationale de Pharmacie
« Prévalence d’usage des Nouvelles Substances Psychoactives en population à risques. Résultats de deux études françaises » - Jean-Claude ALVAREZ, Laboratoire de Pharmacologie-Toxicologie, CHU Raymond Poincaré, AP-HP, Garches et Plateforme de Spectrométrie de Masse MasSpecLab, Université Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines
« Prise en charge de l’addiction aux nouveaux produits de synthèse » - Alain DERVAUX, Service de Psychiatrie et d’Addictologie de liaison, CHU Sud, Amiens
« Les nouvelles substances psychoactives : toxicités et prise en charge » - Bruno MEGARBANE, Réanimation Médicale et Toxicologique, Hôpital Lariboisière, Université Paris-Diderot
Conclusions par Martine DELETRAZ-DELPORTE, membre de l’Académie nationale de Pharmacie

« Les nouvelles substances psychoactives toxicomanogènes et leur prise en charge médicale »

Séance thématique

Mercredi 11 avril 2018 

 

Ouverture de la séance par Jean-Loup Parier, Président de l’Académie nationale de Pharmacie

Introduction et présentation par Patrick Mura, membre de l’Académie nationale de Pharmacie

Diapositives présentées

« Dispositifs de surveillance et de lutte contre les nouvelles drogues en France et en Europe »

présenté par Jean-Pierre Goullé en l'absence de Michel Lhermitte, membre de l’Académie nationale de Pharmacie

Diapositives présentées

L’observatoire Européen des Drogues et Toxicomanies (OEDT) tirait récemment la sonnette d’alarme à propos du nombre de nouvelles substances psychoactives (NSP) apparaissant chaque année sur le marché européen. L’OEDT collabore avec un certain nombre d’agences de l’Union Européenne (UE), dont l’Agence Européenne des médicaments (EMA). Ainsi l’OEDT coopère avec Europol et l’EMA pour faire fonctionner le système d’alerte précoce sur les NSP. La majorité des données de l’OEDT provient du réseau REITOX (Réseau Européen d'Information sur les Drogues et les Toxicomanies) dont la coordination est confiée à l’OEDT. L’Observatoire Français des Drogues et Toxicomanies (OFDT), représentant français du Réseau REITOX, grâce au dispositif SINTES (système d’identification national des toxiques et substances) est le relais français du Système d’alerte précoce européen ou Early Warning System (EWS), ayant pour mission de communiquer à l’OEDT tout nouveau produit de synthèse identifié sur le territoire français ainsi que tous les cas sanitaires graves en lien avec un usage de drogues. En retour, elle doit également relayer les alertes envoyées par l’EWS européen aux partenaires sanitaires nationaux pour une éventuelle diffusion. Ainsi entre 2005 et 2016, 581 NSP ont été identifiées, dont 468 (81%) pour la seule période 2011-2016. Elles appartiennent essentiellement à trois familles : les cannabinoïdes de synthèse, les cathinones et les phényléthylamines. Ces substances sont davantage addictogènes que les drogues traditionnelles. Il est constaté une demande accrue de la part des consommateurs à la recherche de sensations toujours plus fortes. Internet a aussi favorisé le développement des NSP par l’augmentation du nombre de boutiques en ligne, par l’accès à la connaissance des propriétés pharmacologiques et de synthèse de ces molécules pour les trafiquants, et par les échanges d’informations sur les forums pour les consommateurs. Actuellement, il existe une surveillance de plus en plus renforcée du web, le projet I-Trend regroupant cinq partenaires de l’UE a permis de prendre en compte la dimension internationale de ces NSP, en suivant les tendances récentes liées à l’usage et à l’offre et en mettant à disposition des acteurs européens une documentation sur la composition, les usages et les risques des NSP disponibles sur Internet. Grâce à Internet, il est possible de les acquérir sans risque. Un nouveau marché a en effet vu le jour : le cybermarché noir, hébergé dans une toute petite partie du web, cachée intentionnellement grâce à des techniques de cryptage sophistiquées. Cette étude menée par l’OEDT sur le marché Internet des drogues Illicites confirme l’inquiétude que l’on peut avoir face à ce nouveau mode de diffusion, le cybermarché noir et la menace qu’il fait peser sur nos sociétés.

« Le cannabis nouveau / 2018 »

Jean Costentin, membre de l’Académie nationale de Pharmacie

Diapositives présentées

L’usage toxicomaniaque du cannabis indica n’a cessé de s’intensifier en France. Ainsi sur les 28 États membres de l’U.E., la France est au premier rang de sa consommation avec 1.400.000 usagers réguliers et 700.000 usagers quotidiens. Le taux de son tétrahydrocannabinol (THC) dans la plante ou sa résine, a été multiplié par 6,5 en 40 ans dans des cultivars nouveaux obtenus par : sélection génétique; reproduction dirigée; manipulation génétique... De nouvelles modalités de consommation accroissent sa cession à l’organisme, au-delà des « joints » et « pétards » traditionnels : vapoteurs, nébuliseurs, pipes à eau, « huile de cannabis » étalée sur des cigarettes, « cire de cannabis », « space cakes », « cannavaping »… L’auto culture de cultivars accessibles sur le NET et livrés à domicile, concerne 10% des cannabinophiles, qui acquièrent dans des grow shops, le matériel permettant une culture du chanvre en chambre. La pharmacocinétique du THC est singulière, il est la molécule qui s’attarde le plus longtemps dans l’organisme (près d’une semaine dans le cerveau après un joint ; et plus de 2 mois dans le cerveau et le corps après de nombreux joints). Le THC caricature dans le cerveau les effets des endocannabinoïdes, en stimulant les récepteurs CB1  (ubiquistes et les plus nombreux de tous les types de récepteurs couplés aux protéines G), affectant ainsi une multitude de fonctions cérébrales. Il séduit nos adolescents  à partir de l’âge de 12 ans, au collège et jusqu’à l’université ; frappant à la période éducative, il induit des perturbations cognitives importantes ; de là notre pitoyable position (27ième rang) au classement international PISA des performances éducatives. Au long cours il diminue, irréversiblement de sept points, le Quotient Intellectuel. Frappant en pleine période de maturation cérébrale, il peut induire de novo, ou décompenser une vulnérabilité ou aggraver l’expression d’une schizophrénie. Il est responsable d’anxiété, de dépression, d’induction d’autres toxicomanies. On lui décrit des effets épigénétiques, pouvant expliquer la propension aux toxicomanies des adolescents dont les parents ont consommé du cannabis avant leur conception ou la maman pendant la grossesse. Sa responsabilité dans l’accidentalité routière et professionnelle est désormais bien établie. Sa toxicité somatique l’emporte sur celle du tabac ; par ses effets cancérogènes, endocriniens, par sa toxicité cardio-vasculaire et neurologique, son effet immunodépresseur, son incidence sur la grossesse et sur l’enfant qui en naîtra… Dans un tel contexte sanitaire, nouvellement aggravé et chaque jour mieux perçu, rien ne saurait justifier que l’on baisse la garde, qui vise à prémunir notre société et nos jeunes des méfaits de cette drogue.

« Les nouveaux cannabinoïdes »

Jean-Pierre Goullé, membre de l’Académie nationale de Pharmacie

Diapositives présentées

Plus de 170 cannabinoïdes de synthèse (CS) ont été identifiés à ce jour sur le marché européen des drogues illicites, ils constituent la classe la plus nombreuse parmi les nouvelles substances psychoactives. Les premiers CS ont été produits par l'industrie pharmaceutique, à la recherche de médicaments présentant des propriétés antalgiques et anti-inflammatoires. À l'exception de la nabilone (Cesamet®), aucun n'a pu être commercialisé, en raison de rapports bénéfices/risques défavorables. Dès 1999, ils ont été massivement détournés de leur usage médical, à des fins récréatives. Des chimistes peu scrupuleux ne cessent d'en synthétiser avec un double objectif : échapper à la réglementation en vigueur et trouver des molécules toujours plus psychoactives. Ainsi, depuis juillet 2016, pour la première fois, un CS, le MDMB-CHMICA fait l'objet d'une procédure européenne d'alerte et d'évaluation des risques, en raison des nombreuses intoxications et des 29 décès liés à son usage. En septembre 2017, l'Observatoire européen des drogues et toxicomanies et l'Office européen de police ont publié quatre nouvelles alertes concernant des CS récemment apparus sur le marché. Les monographies livrent des données alarmantes quant à ces molécules, responsables d'un grand nombre d'intoxications, dont 78 mortelles. Les CS se présentent sous forme d'une poudre blanche qui est mise en solution, puis pulvérisée sur un mélange végétal de composition variable et séchée. Cette drogue, mélangée à du tabac est destinée à être fumée. Les CS sont des agonistes complets des récepteurs CB1 et CB2 des cannabinoïdes et ils agissent sur les mêmes cibles que le principe actif du cannabis, le tétrahydrocannabinol (THC). Ils présentent toutefois deux caractéristiques essentielles qui expliquent leur toxicité accrue comparativement au THC : une liaison beaucoup plus forte aux récepteurs des cannabinoïdes et un métabolisme particulier catalysé par les cytochromes P-450 qui donne naissance à un nombre souvent important de métabolites actifs. Par leur grande toxicité, ils constituent une menace potentiellement mortelle, directe au niveau somatique, mais aussi indirecte consécutive au syndrome hallucinatoire. Face à cette situation, il convient d'alerter les autorités et de prévenir les utilisateurs des risques encourus.

« Les cathinones de synthèse et les dérivés du fentanyl : une menace croissante »

Patrick Mura, membre de l’Académie nationale de Pharmacie

Diapositives présentées

La cathinone est un alcaloïde monoamine dont la structure moléculaire est proche de celle des amphétamines et qui est présente dans les feuilles de Khat, une plante poussant naturellement en Afrique de l’Est. On désigne par « cathinones de synthèse » tous les dérivés de phénylalkylamines. La méphédrone a été synthétisée pour la première fois en 1929 pour revenir sur le devant de la scène de la « drogosphère » en 2003 grâce à la publicité de ses effets par un chercheur clandestin qui décrira « cette incroyable sensation de bien-être que je n’ai pu retrouver dans aucune des drogues si ce n’est ma bien aimée ecstasy ». Depuis 2007, la méphédrone est vendue sur Internet sous l’appellation « sels de bain (bath salts) ». Mise en cause dans plusieurs décès d’adolescents elle fut interdite dans de nombreux pays, ce qui a conduit à la synthèse de dizaines d’autres dérivés de la cathinone parmi lesquels on trouve notamment la méthylone, la butylone, la MDPV, la 4-MEC, l’α-PVP. Les effets des cathinones de synthèse recherchés par les consommateurs consistent essentiellement en des effets stimulants, un sentiment de puissance intellectuelle et physique, de l’empathie, un désir de communication et une augmentation de la libido. Les effets indésirables sont représentés par des troubles cardiaques objectivés à l’électrocardiogramme, un risque d’œdème cérébral, de rhabdomyolyse et de complications psychiatriques aiguës.

Selon le rapport 2017 de l’Observatoire Européen des Drogues et Toxicomanies, l’arrivée des nouveaux opiacés de synthèse constitue une menace croissante en Europe, et en particulier avec les dérivés du fentanyl. Ce rapport précise également que les signalements relatifs à leur apparition et aux problèmes qu’elles causent sont de plus en plus nombreux, notamment leur implication dans des intoxications mortelles ou non. Entre 2009 et 2016, 25 nouveaux opioïdes de synthèse dont 18 fentanyls ont été détectés en Europe. Selon Europol, le fentanyl aurait provoqué Outre-Atlantique 20 000 décès en 2016. La France n’est pas épargnée et plusieurs cas d’intoxications ont été décrits tout récemment, comme cet homme de 27 ans admis en réanimation au CHU de Poitiers en février 2018 pour la quatrième fois en moins d’un an après avoir « sniffé » de l’acétylfentanyl et de l’AH-7921 ou encore cette femme de 38 ans admise à l’hôpital Lariboisière (Paris) en arrêt respiratoire après avoir consommé un opioïde de synthèse, le U-47700, et de la 2-MMC (2-méthylcathinone).

« Prévalence d’usage des Nouvelles Substances Psychoactives en population à risques. Résultats de deux études françaises »

Jean-Claude Alvarez, Laboratoire de Pharmacologie-Toxicologie, CHU Raymond Poincaré, AP-HP, Garches et Plateforme de Spectrométrie de Masse MasSpecLab, Université Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines

Diapositives présentées

L’émergence des nouvelles substances psychoactives (NSP) a pris ces dernières années une ampleur inquiétante. La connaissance de la prévalence de leur usage est toutefois rendue difficile du fait de leur spécificité structurale. En effet, ces molécules sont dérivées de molécules pour lesquelles il existe des tests de dépistage rapides, mais leur modification structurale les rend indétectable par ces tests.

La mise en évidence et la confirmation de ces nouvelles molécules repose donc essentiellement sur la chromatographie couplée à la spectrométrie de masse. Un des moyens d’évaluation de la prévalence de drogues dans une population donnée est l’analyse capillaire, qui permet d’objectiver, mois après mois, l’évolution des consommations.

 Nous avons réalisé deux études, l’une menée sur une population de patients suivis en addictologie ou hospitalisés en réanimation suite à une intoxication à une drogue, puis une seconde, dans une population d’hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HSH) ayant participé au protocole de prophylaxie anti-VIH pré-exposition (PrEP) (essai IpergayANRS).

Dans la première étude, sur 328 patients inclus dont les cheveux ont été analysés entre 2012 et 2016, 96 avaient déjà consommé des NSP, soit une prévalence élevée de 29 %. Dix-huit NSP différentes ont été identifiées, les cathinones étant la classe la plus représentée (36 %). La 4-methylethcathinone (4-MEC) est la molécule la plus répandue (17 cas), suivie par la méphrédrone (15). La prévalence aux autres drogues était de 36 % pour la cocaïne, 25 % pour les amphétamines, 33 % pour les opiacés et 22 % pour la kétamine. Les NSP sont retrouvées seules dans 9 % des cas, mais le plus souvent associées à la cocaïne (64 %), aux amphétamines (55 %) ou aux opiacés (28 %). Le nombre de cas de NSP identifiés au cours de l’étude est croissant au fur et à mesure des années.

Dans la seconde étude, parmi les 69 patients inclus, correspondant à 219 mèches de cheveux analysées (les patients ont été suivis durant deux années), 37 étaient positifs aux NPS soit une prévalence de 39 %. Quinze NSP différentes ont été identifiées. La méphédrone est la molécule la plus répandue (14 cas), suivie par la 4-MEC (12). La prévalence aux autres drogues était de 68 % pour la cocaïne, 45 % pour la MDMA et 38 % pour la kétamine, aucun opiacé n’étant retrouvé, montrant la différence de population avec la première étude. Aucun cas de NSP seule n’est retrouvé car toujours associée à la cocaïne (93 %), la MDMA (74 %) ou la kétamine (70 %). La consommation des NSP et autres drogues augmenterait la pratique de comportements à risque puisque ceux chez qui une drogue est retrouvée déclarent avoir eu sept partenaires dans les deux mois précédents [4-15] vs cinq [2-10] chez ceux qui n’en consomment pas (p

Par ailleurs, 40 % des HSH ayant des drogues dans leurs cheveux avaient déclaré par auto-questionnaire ne pas en prendre.

Les résultats de ces études permettent de témoigner de la très forte prévalence des NPS dans ces populations, aussi élevée que celle des autres drogues dites conventionnelles.

« Prise en charge de l’addiction aux nouveaux produits de synthèse »

Alain Dervaux, Service de Psychiatrie et d’Addictologie de liaison, CHU Sud, Amiens

Diapositives présentées

Comme dans les autres addictions, le traitement des patients dépendants aux nouveaux produits de synthèse (cannabinoïdes de synthèse, cathinones, fentanyl et fentanyloïdes), repose sur des approches pharmacologiques et psychothérapiques dans le cadre de prises en charge au long cours.

Malheureusement, à ce jour, aucune étude randomisée contrôlée n’a été menée pour évaluer l’efficacité des traitements pharmacologiques et/ou psychothérapiques dans des populations de sujets présentant une addiction aux nouveaux produits de synthèse, notamment pour les cannabinoïdes de synthèse, aux cathinones, au fentanyl et aux fentanyloïdes. Par conséquent, la prise en charge de ces patients va être calquée sur celle de l’addiction au cannabis pour les cannabinoïdes de synthèse, sur celle des addictions aux amphétamines pour les cathinones et autres stimulants de synthèse et sur celle de l’addiction aux opiacés dans les addictions au fentanyl et aux fentanyloïdes.

Le traitement du sevrage aux nouveaux produits de synthèse reste purement symptomatique, comprenant des médicaments anxiolytiques, antalgiques et/ou hypnotiques. Il n’existe pas actuellement de traitement de substitution dans les addictions au cannabis, cannabinoïdes de synthèse, cathinones et autres amphétamines de synthèse. Plusieurs études ont retrouvé que les traitements agonistes opioïdes étaient efficaces comme traitement de substitution dans les addictions aux médicaments opiacés détournés de leur usage.

 L’essentiel du traitement des addictions aux nouveaux produits de synthèse repose sur les approches motivationnelles chez les sujets qui ne souhaitent pas arrêter leur consommation et sur les thérapies cognitivo-comportementales chez ceux qui souhaitent arrêter leur consommation. Le traitement comprend également le traitement des comorbidités addictologiques très fréquemment associées (cannabis traditionnel et tabac chez les consommateurs de cannabinoïdes de synthèse, alcool chez les consommateurs de cathinones et polyconsommations chez les consommateurs de fentanyl/fentanyloïdes. Le traitement comprend enfin le traitement des comorbidités psychiatriques, fréquemment associées aux addictions aux nouveaux produits de synthèse.

« Les nouvelles substances psychoactives : toxicités et prise en charge »

Bruno Mégarbane, Réanimation Médicale et Toxicologique, Hôpital Lariboisière, Université Paris-Diderot

Diapositives présentées

Depuis une dizaine d’années, de nouvelles substances psychoactives (NPS) ont fait leur apparition sur la scène récréationnelle avec une consommation en croissance exponentielle. Il s’agit de molécules issues de la synthèse chimique (cathinones, cannabinoïdes, et dérivés du fentanyl, notamment). La prévalence des troubles liés à ces consommations est sous-estimée: environ 15 % des consultations aux urgences suite à la consommation d’une drogue sont liées à une NPS (études EurDEN).

À la suite de l’usage d’une NPS psychostimulante ou hallucinogène, le tableau toxique associe signes adrénergiques (tachycardie, hypertension, agitation, mydriase), encéphalopathie (confusion, hallucinations), signes sérotoninergiques (myoclonies, fièvre) et/ou de défaillance d’organe. Le risque de complication neurologique (coma, convulsions, accident vasculaire) est majeur ; mais il existe aussi un risque de défaillance cardiovasculaire, respiratoire, rénal (nécrose tubulaire par rhabdomyolyse, néphrite tubulo-interstitielle avec les cannabinoïdes halogénés), hépatique et/ou hématologique (coagulation intravasculaire disséminée). À la suite de la consommation d’une NPS qui déprime le système nerveux central, un syndrome opioïde est observé, même si des atypies ont été rapportées (tachycardie, hypertension, insuffisance rénale). La durée des manifestations est fonction de la demi-vie d’élimination de la substance, souvent allongée à dose élevée et en présence d’une insuffisance rénale ou hépatique. Il n’est cependant pas aisé d’identifier le toxique responsable en se basant uniquement sur les toxidromes, soulignant le rôle de l’analyse toxicologique spécialisée. 

La prise en charge est généralement effectuée aux urgences et plus rarement en réanimation. Elle est basée sur les mesures symptomatiques associant réhydratation, sédation par benzodiazépines ou neuroleptiques en cas d’agitation, traitements anticonvulsivants en cas d’épilepsie, intubation trachéale si trouble de conscience ou défaillance vitale, oxygénation au masque ou ventilation mécanique si insuffisance respiratoire, remplissage et catécholamines si insuffisance circulatoire. L’épuration extrarénale (hémodialyse ou hémoperfusion) permet de traiter les troubles hydro-électrolytiques menaçants mais non d’accélérer l’élimination du toxique. L’hyperthermie maligne et la toxicité sérotoninergique grave peuvent requérir un refroidissement par voie externe, une curarisation après sédation et ventilation mécanique et l’administration de cyproheptadine (antagoniste sérotoninergique des récepteurs 5HT-2A et 5HT-2C). La place du dantrolène n’est pas établie. La dépression neuro-respiratoire induite par les NPS opioïdes semble réversible par la naloxone, même si des doses plus élevées ont pu être nécessaires pour éviter l’intubation trachéale. Il est difficile aujourd’hui d’établir si les NPS sont plus dangereuses que les drogues conventionnelles; tout au moins, on peut affirmer qu’elles sont toxiques et à l’origine d’une létalité prévisible marquée.

Conclusions par Martine Délétraz-Delporte, membre de l’Académie nationale de Pharmacie

 Diapositives présentées

 

 

Le Président Jean-Loup Parier clôt la séance à 16h35, remercie les orateurs et félicite pour la structuration de l’après-midi.

 

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