Séance académique du 6 décembre 2017

Compte rendu et diapositives présentées
QUESTION D'ACTUALITE :
"La simulation numérique et la réalité virtuelle en santé, quels apports dans l'apprentissage ?" par Jérôme LELEU et Guillaume BRUN

EXPOSES :
"Les microARN : de leur rôle en tant que régulateurs cellulaires à leur utilisation comme biomarqueurs et cibles ou agents thérapeutiques" par Bernard HAINQUE
"Innovations pédagogiques à Paris Descartes" par Françoise BRION et Michel VIDAL
"Les plantes tropicales, sources potentielles de médicaments antipaludiques" par Michel FREDERICH

COMMUNICATIONS :
"L'opportunisme : la meilleure voie vers la virulence bactérienne" par Jean-Christophe GIARD
"La pharmacogénétique : de la variabilité du génome à l'identification de biomarqueurs" par Marie-Anne LORIOT

Séance académique

 

Mercredi 6 décembre 2017 à 14 h 00

 

1.        Ouverture de la séance par le Président, Claude Vigneron
2.        Assemblée
3.        Activités administratives de l’Académie

  •  Informations du Président
  • Lecture de la correspondance et informations de la Secrétaire Perpétuel
  • Élections

 

4.        Travaux scientifiques & professionnels

4.1 Question d’actualité (10 min)

« La simulation numérique et la réalité virtuelle en santé, quels apports dans l’apprentissage ? »

Jérôme Leleu, Président de Sim for Health, Paris et Guillaume Brun, Pharmacien

Diapositives présentées

La simulation numérique en santé, le chaînon intermédiaire entre la théorie et la pratique, correspond à l'utilisation des technologies du numérique pour reproduire des situations ou des environnements de soins, enseigner des procédures diagnostiques et thérapeutiques et permettre de répéter des processus, des situations cliniques ou des prises de décision par un professionnel de santé. Il existe plusieurs formes de simulation au service de la santé :

  • la simulation procédurale,
  • le patient standardisé,
  • la simulation haute-fidélité,
  • la simulation numérique.

Les pharmaciens peuvent bénéficier de simulateurs pour :

  • l’entretien pharmaceutique,
  • le bilan de médication,
  • la formation à la vaccination officinale,
  • les gestes techniques,
  • ou encore la formation à la prise en charge des urgences à l’officine.

Grâce aux technologies de réalité virtuelle, augmentée ou simulation 3D, on constate une augmentation l’engagement de l’apprenant via le côté ludique, l’apprentissage multimodal et permet la disponibilité permanente des modules de formation ainsi que la multiplicité des cas cliniques à disposition.

 

Questions-Réponses-Commentaires

Monique Adolphe (Q) : comment pouvez vous améliorer le suivi des patients ?

(R) : notre société a ciblé ses axes de travail principalement sur la formation.

Françoise Brion (Q) : par expérience, nous savons que n’évaluons pas suffisamment les bénéfices de l’utilisation de tels instruments. Evaluez-vous vos actions ?

(R) : nous travaillons avec les universités et des laboratoires pour évaluer le comportement de deux groupes d’étudiants. Nous souhaitons offrir de nouveaux outils pédagogiques et notamment ceux s’appliquant à la formation ‘inversée’ ; il s’agit de proposer des vidéos des cours théoriques que les étudiants s’approprient chez eux ; puis les cours en amphi sont spécifiquement ciblés pour répondre aux questions et sur les difficultés rencontrées par les étudiants.

Claude Vigneron (Q) : dans combien de facultés en France proposez vous ces développements ?

(R) : notre développement est ciblé à l’international, tout comme en France : nous travaillons avec l’université de Montréal ; en France, à Bordeaux. A ce jour 30.000 personnes ont été formées. Nous souhaiterions que notre service soit intégré dans le parcours des universités ; mais avant tout, nous devons évaluer ; nous devons proposer également un modèle économique. A ce jour, nous estimons le coût de la mise à disposition à 10 euros par apprenant. Nous sommes sollicités en France par la faculté de pharmacie de Dijon. Je voudrais ajouter qu’on observe de plus en plus de transdisciplinarité pour un même cas, ce qui en justifie d’autant l’acquisition par une faculté pour former à la fois des pharmaciens, des médecins et des infirmières.


4.1 Exposés (20 min)

« Les MicroARN : de leur rôle en tant que régulateurs cellulaires à leur utilisation comme biomarqueurs et cibles ou agents thérapeutiques »

Bernard Hainque, Professeur des Universités, Praticien Hospitalier

Diapositives présentées

Les micro-ARN sont des acides ribonucléiques constitués d’une vingtaine de nucléotides, qui régulent négativement le niveau d’expression des protéines des cellules eucaryotes, en inhibant la traduction ou en activant la dégradation de leurs ARN messagers (ARNm). Ils font partie de la classe des petits ARN non codants responsables du phénomène qualifié « d’interférence par ARN ». Chez l’homme, la base de données miRBase répertorie actuellement 2588 micro-ARN matures. Pour exercer leur action au niveau de leurs ARNm cibles, les micro-ARN forment un complexe ribonucléoprotéique avec les protéines de la famille Argonaute. Le micro-ARN confère au complexe sa capacité de reconnaissance vis-à-vis d’un ou plusieurs ARNm cibles et la protéine Argonaute se comporte comme un transducteur / effecteur interagissant avec les machineries traductionnelle et de dégradation des ARNm.

Les micro-ARN interviennent dans l’ensemble des processus physiologiques des organismes, ce qui va bien au-delà des aspects développementaux à l’origine de leur découverte, aussi leur implication dans de nombreuses pathologies est-elle grandissante, soit dans un rôle indirect comme facteur intermédiaire d’une dérégulation, soit dans un rôle direct comme facteur responsable de celle-ci. En cancérologie par exemple, certains micro-ARN se comportent comme des oncogènes en ciblant des ARNm de suppresseurs de tumeurs ou comme des suppresseurs de tumeurs en ciblant des ARNm d’oncogènes. En génétique humaine, on connait actuellement de nombreuses maladies causées par des mutations dans les gènes à l’origine des micro-ARN ou dans ceux de leurs ARNm cibles. En raison, d’une part, de la dérégulation de leur expression cellulaire observée dans de nombreuses pathologies, et d’autre part, de la capacité des cellules à les secréter ou les libérer dans les milieux extracellulaires, les micro-ARN circulants constituent désormais une nouvelle classe de biomarqueurs non invasifs.

Outre leurs propriétés potentielles de biomarqueurs, les dérégulations de l’expression des micro-ARN en situations pathologiques en font de possibles cibles ou agents thérapeutiques. Des stratégies d’apports de micro-ARN thérapeutiques peuvent être envisagées pour compenser une sous-expression pathologique. A l’inverse, l’inhibition d’un ou plusieurs micro-ARN surexprimés et délétères peut être réalisée par des oligonucléotides « antagonistes » complémentaires et chimiquement modifiés.

 

Questions-Réponses-Commentaires

Claude Vigneron (Q) : ne pensez-vous pas que les espoirs paraissent faibles au regard de l’étendue des recherches ?

(R) : l’exemple du « PATISIRAN » développé par le laboratoire « ALNYLAM » est la première véritable avancée qui montre qu’on peut traiter avec succès une pathologie. Un autre champ d’application est celui de la cancérologie avec l’utilisation du phénomène de vectorisation de plusieurs types d’antagonistes de micro-ARN pour inhiber plusieurs points d’une même voie ou plusieurs voies dans une cellule cancéreuse. On peut également citer l’exemple de la protéine PCSK9 (qui active la dégradation du récepteur des LDL et donc favorise l’hypercholestérolémie), avec laquelle une belle étude a été réalisée avec un développement d’antagoniste ; par la suite, les recherches se sont orientées en fait vers le développement d’anticorps monoclonaux.

Alain Berdeaux (Q) : peut-on assimiler Crispr Cas9 à un siRNA ?

(R) : par rapport au concept de mécanisme de défense chez les procaryotes, ils ne sont pas très éloignés ; en revanche, les applications ne sont pas du tout les mêmes. Dans les bactéries, on retrouve des protéines Argonaute ; celles-ci ciblent de l’ADN (et non pas des ARN comme chez les eucaryotes) ; le rôle de ce complexe ‘protéine Argonaute-ARN’ (dans quelques cas ADN) dans les bactéries est de lutter contre l’invasion virale et d’autres éléments génétiques mobiles.

Jean Féger (Q) : les exosomes peuvent-ils se déplacer du sang vers les tissus ? Depuis 10 ans, on décrit que les processus neurodégénératifs sont des progressions anatomiques ; puis il y a 2 ou 3 ans, a été émise l’hypothèse que le mécanisme serait de type prion.

(R) : certaines études avancent l’idée que les exosomes dans le parenchyme cérébral, sont une forme de ‘poubelle’ qui évacuerait les agrégats de protéines mal conformées ; le vrai problème est celui de la destinée des exosomes du parenchyme cérébral. Restent-ils résidents ? sont-ils captés par des cellules spécialisées ? ou bien passent-ils dans la circulation générale ? Vraisemblablement, il existe dans le cerveau l’équivalent fonctionnel d’un système lymphatique dépendant des cellules gliales et dénommé de ce fait « système G lymphatique (ou glymphatique) » : un flux de LCR percole le parenchyme cérébral puis est drainé à certains endroits très particuliers vers le système lymphatique cervical.

Un autre article que je n’ai pas présenté parle des marqueurs de la maladie d’Alzheimer. Dans le plasma, on est capable d’immunocapturer des exosomes d’origine soit astrocytaire, soit neuronale, et de quantifier des marqueurs classiques. Tout ceci signifie que les exosomes produits par le parenchyme cérébral passent dans la circulation générale.

Alain Gouyette (C) : en oncologie, la base ONCOMIR répertorie plus de 1500 micro-ARN. Depuis peu, de petites molécules sont développées pour remplacer les oligonucléotides.

(Q) : existe-t-il des perspectives de traitement ?

(R) : les siARN et micro-ARN associés aux protéines Argonautes sont assez stables. Par contre avant qu’ils ne se trouvent sous cette forme, il faut les protéger en fabriquant des liposomes ou en les modifiant comme dans le cas des « locked nucleic acid ». Le concept émergent en thérapeutique est celui qui consiste à antagoniser (ex : antagomir) plusieurs points d’une voie importante (ex EGFR). Je ne connais pas bien l’approche qui consiste à bloquer la maturation des micro-ARN mais effectivement c’est une autre perspective de développement de traitements.

(Q) : est-ce que l’oncologie virale (due à des virus) peut être expliquée par l’interaction de micro-ARN viraux avec la cellule humaine ?

(R) : c’est un domaine que je ne connais pas bien mais certains virus peuvent produire des micro-ARN qui interfèrent avec les voies de signalisation de la cellule infectée. Concernant la réaction de celle-ci, une des hypothèses est que le rôle des siARN est d’aller lutter contre les infections virales. Chez les mammifères, le mécanisme de défense utilisant les siARN s’est estompé au profit de l’expansion de mécanismes de régulation utilisant les micro-ARN. Il semble que pour lutter contre les infections virales, le mécanisme de défense concerne les organismes qui ont un système immunitaire plutôt rudimentaire (la drosophile par exemple).

Rachid Benhida (Q) : l’approche antagoniste pour miR-122 est un antisens classique. On va se heurter aux mêmes problématiques d’oligonucléotides ; ici le problème est celui de la vectorisation. Quel est votre avis ?

(R) : oui, mais pour être franc, ceci n’est pas mon domaine d’intérêt ; parmi les chercheurs de l’équipe, Virginie Escriou serait plus compétente pour répondre.

Geneviève Durand (Q) : tu as parlé d’une soupe de micro-ARN dans la circulation, sous différentes formes, et il faudrait isoler les exosomes spécifiques de tissus pour isoler les micro-ARN. Qu’apporte la biologie des exosomes ?

(R) : à titre d’exemple, il est difficile de dire qu’un exosome apporte la signature absolue de la cellule qui l’a fabriqué. Néanmoins, dans le SNC (cf. diapo présentée), les auteurs distinguent les exosomes produits  par les neurones de ceux produits par les astrocytes.

S’agissant des cellules tumorales, dans le cancer du pancréas, une protéine membranaire (glypican-1), normalement exprimée en faible quantité dans les exosomes, est produite en forte quantité par la cellule cancéreuse. Ceci est utilisé en clinique pour suivre les récidives de cancer du pancréas en comptant le nombre d’exosomes spécifiques.

Cependant, il existe des problèmes méthodologiques au niveau des études des micro-ARN circulants ; les méthodes les plus utilisées actuellement nécessitent de rapporter la quantité d’un micro-ARN donné à celle d’un micro-ARN ou d’un ensemble de micro-ARN de référence, or ce ne sont presque jamais les mêmes références qui sont utilisées de sorte qu’il est difficile de comparer les études. De plus, l’étude des micro-ARN sans distinction de leur forme de transport n’apporte pas les mêmes informations que lorsque l’on part de fractions séparées. Deux exemples : il faut purifier la forme ‘exosome’, afin d’améliorer la puissance de nos études. Et dans un futur proche il faudra être capable de purifier les exosomes du plasma en fonction de leur origine tissulaire.


« Innovations pédagogiques à Paris Descartes »

Françoise Brion, Professeur émérite à la Faculté de Pharmacie de l’Université Paris-Descartes, membre de l’Académie nationale de Pharmacie, Michel Vidal, PU-PH Cochin Hôpitaux de Paris-Centre AP-HP et Faculté de Pharmacie de l’Université Paris-Descartes, membres de l’Académie nationales de Pharmacie

Dans les années 2000, les modes de communication des enseignants, se sont trouvés en déphasage par rapport aux nouvelles technologies ayant la faveur des étudiants attirés par les tablettes, mobiles… et interagissant sur les réseaux sociaux. Les enseignants ont ainsi été contraints de s’adapter à ce changement de paradigme.

La première innovation est venue en grande partie, de la facilité d’accès aux cours grâce à  l’ouverture de la plateforme Moodle à l’Université Paris-Descartes, où sont déposés les diaporamas et les enregistrements de tous les cours sous réserve de l’autorisation de l’enseignant. Dès 2009, un système mis en place lors de la réforme de la Paces a permis de dispenser les cours dans deux amphithéâtres simultanément. Paris- Descartes possède, comme d’autres Universités, une très riche médiathèque.

D’aucuns  regretteront la perte progressive du caractère un peu solennel des cours magistraux d’antan, ils font désormais la part belle – et c’est la  deuxième innovation - à l’introduction de façon aléatoire pendant les cours, de logiciels interactifs AVANâ, VOTARâ…qui permettent de tester la compréhension immédiate des étudiants et/ou de vérifier leur attention à suivre.

Ces innovations se sont accompagnées de la mise en ligne de tests afin de permettre aux étudiants d’évaluer leur acquis de connaissances mais aussi, de réaliser des contrôles continus. Il est également possible pour un étudiant de déposer directement sur la plateforme Moodle un travail personnel réalisé chez lui. De même, les disciplines présentant des épreuves de reconnaissances ont mis en ligne des visuels tels que plantes, champignons, dispositifs médicaux…

Des MOOCS sont même à la disposition du grand public dans certains cas (Toxicologie, PK, champignons).

La troisième innovation a été de créer des structures dotées d’équipements sophistiqués dont la Pharmacie expérimentale « Pharméduc » en 2010, l’Atelier de création d’innovations pédagogiques ACIP et Mini Acip, équipé d’un système de caméras, d’enregistrement, de diffusion à distance….et l’introduction d’un écran géant équipé de la technologie 3D, ce qui a révolutionné l’enseignement de la chimie thérapeutique ou de l’anatomie.

Des innovations sont plus spécifiques à telle ou telle discipline. Ainsi, la pharmacie clinique a développé, pour le parcours officine, des  jeux de rôles, des mises en situation. À titre d’exemple, nous avons réalisé un « serious game » sur le suivi du patient asthmatique.  La chimie thérapeutique et d’autres ont développé des « classes inversées » y compris en amphithéâtre où l’étudiant prend en quelque sorte la place de l’enseignant dont le rôle est alors d’organiser, équilibrer les interventions, corriger les erreurs, développer des notions trop superficielles, ajouter les points oubliés ou encore aider à la synthèse.

Le logiciel Story lineâ acquis récemment par la Faculté, permet désormais de développer du e-learning mais aussi de pouvoir être appliqué à la conception de visites virtuelles valorisant notre patrimoine culturel telles que la galerie Guillaume Valette, faisant découvrir la magnifique collection de pots de pharmacie.

En conclusion, toutes les innovations précédemment décrites n’ont vu le jour que grâce à l’impulsion de nos doyens successifs, au dynamisme des enseignants pionniers et surtout à la participation de la cellule Technologies de l'Information et de la Communication pour l'Enseignement (TICE), dirigée par Mme Virginie Lasserre, maitre de conférence en mathématique/biostatistique.

 

Questions-Réponses-Commentaires

Jean Claude Chaumeil(Q) : je te remercie pour ta très séduisante et impressionnante présentation. Avez-vous réalisé une évaluation des méthodes pédagogiques par les étudiants ?

(R) : nous avons réalisé des enquêtes de satisfaction qui ont montré que la méthode plait aux étudiants. Nous ne connaissons pas l’impact en terme d’acquisition de connaissances.

René Céolin (Q) : Montesquieu disait : « Pourquoi le mal de changer est-il plus supportable que le mal de souffrir ? » Disposez-vous d’une population témoin ne bénéficiant pas de ces innovations afin d’en apprécier l’efficacité ?

(R) : nous n’avons pas pu mettre en place une telle étude pour deux raisons : la potentielle inégalité des chances que l’étude induirait pour les étudiants et les possibles biais intersites si l’étude était conduite inter-sites.

Monique Adolphe (Q) : ces méthodes ne peuvent s’appliquer aux tests de reconnaissance en chimie ou botanique dans la mesure où il manque l’accès aux cinq sens -l’odeur, le toucher etc. Également, sont-elles applicables aux cours de biologie moléculaire ou de génétique ?

(R) : ces cours sont indiqués en parallèle des séances d’enseignements dirigés au cours desquels les étudiants ont toujours la possibilité de regarder, toucher, sentir… les plantes ou poudres ; ce sont des outils utilisés en complémentarité avec d’autres.

Henri-Philippe Husson (Q) : ne pensez-vous pas que ces méthodes s’appliquent plus aux étudiants de fin d’étude plus que de 1ère et 2ème année ?

(R) : nous utilisons nos méthodes dès la 2ème année, que ce soit en chimie analytique (projection de spectre des molécules), pour les logiciels métier ou encore les écrits des étudiants sur les tableaux muraux supervisés par l’enseignant en milieu de salle. Ces cours viennent en complément des cours magistraux.

Christiane Garbay (Q) : constatez-vous une augmentation de votre auditoire avec ces innovations d’enseignement à Paris Descartes ?

(R) : si le programme est annoncé à l’avance, il est vrai les étudiants assistent aux enseignements ; cependant en pharmacie clinique, les tests sont réalisés à l’improviste, pendant le cours, sans avoir été programmés à l’avance ; ils font partie du contrôle continu.


« Les plantes tropicales, sources potentielles de médicaments antipaludiques »

Michel Frederich, Professeur, Université de Liège

Diapositives présentées

Le paludisme, provoqué par un parasite Apicomplexa du genre Plasmodium, transmis par des moustiques du genre Anopheles, a été responsable en 2015 de 429 000 décès dans le monde (1). La résistance des parasites aux médicaments disponibles et abordables est devenue un problème répandu dans les pays d’endémie, rendant encore plus nécessaire la recherche de nouveaux composés antipaludiques. Des résistances à l’artémisinine, médicament de référence, sont ainsi apparues dans différents pays asiatiques depuis quelques années (2).

Selon Newmann et Cragg (3), plus de 60% des médicaments antiparasitaires découverts entre 1981 et 2014 sont des produits naturels (12,5%), des dérivés de produits naturels (31,3%) ou des médicaments synthétiques inspirés d’un pharmacophore naturel (18,8%). Plus particulièrement, les plantes constituent un réservoir potentiel de nouveaux médicaments antipaludiques (4, 5).

La première partie de l’exposé sera consacrée à une introduction de la problématique et aux grands remèdes du paludisme d’origine végétale, plus particulièrement à la découverte de l’artémisinine, prix Nobel de Médecine 2015. La seconde partie décrira quelques travaux de recherche au sein du laboratoire de Pharmacognosie de l’Université de Liège, portant sur les plantes Strychnos icaja, Terminalia mollis, Mezoneuron benthamianum et Poupartia borbonica (6).

(1) OMS, Rapport sur le paludisme dans le monde; 2016; p 280.

(2) OMS. Status report on artemisinin and ACT resistance (April 2017); 2017, 11 pages.

(3) Newman, D.J .; Cragg, G.M. J. Nat. Prod. 2016, 79, (3), 629-61.

(4) Frédérich M., Tits M., Angenot L. , Trans. R. Soc. Trop. Med. Hyg.  2008, 102, 11-19.

(5) Bero, J .; Frédérich, M.; Quetin-Leclercq, J. Pharm. Pharmacol.2009, 61, (11), 1401-1433.

(6) Ledoux, A., St Gelais, A., (…), Frédérich, M. J. Nat. Prod. 2017, 80, 1750-1757.

 

Questions-Réponses-Commentaires

Claude Vigneron (Q) : comment sont administrés les liposomes ?

(R) : à l’heure actuelle par voie intraveineuse mais l’objectif est d’arriver à une forme aérosol intranasale.

Michel Koch (Q) : vous avez mis en évidence le grand intérêt des dérivés galliques et ellagiques qui sont classiquement connus. Comment expliquez-vous que les propriétés que vous avez mises en évidence n’aient pas été connues antérieurement ?

(R) : l’acide gallique est un produit actif sous ses formes estérifiées seulement ; l’acide ellagique est actif qu’il soit estérifié ou non ; son activité était déjà connue.

L’activité de l’acide gallique passerait par l’inhibition de la glutathion s transférase spécifique du Plasmodium. L’acide ellagique a une très faible biodisponibilité par voie orale ; il faut pouvoir l’utiliser par cette voie si nous voulons que la population en Afrique puisse en disposer.

 

4.3 Communications (10 min)

« L’opportunisme : la meilleure voie vers la virulence bactérienne »

Jean-Christophe Giard, Professeur des Universités, Faculté de Pharmacie de l’Université de Caen-Normandie. Directeur de l’équipe « Antibio-résistance » de l’Unité de Recherche Risques Microbiens (U2RM), CHU Côte de Nacre, Caen, présenté par la 3ème section

Diapositives présentées

C’est à partir des années 1880 que Robert Koch établi la relation de causalité entre la présence d’un agent pathogène et la maladie. Pour autant, si dans le cas d’une maladie infectieuse on retrouve en effet le microorganisme responsable (ou des éléments constitutifs), la réciproque n’est pas toujours vraie (cas des « porteurs sains »). Une espèce qui détient un pouvoir pathogène se révèle effectivement virulente dans la mesure où elle est capable de s’adapter à un environnement particulier et lorsque les conditions d’expression des facteurs de virulence sont réunies. En d’autres termes, elle doit être avant tout opportuniste. Ceci est bien illustré par les infections dites « associées aux soins » car sont souvent le fait de bactéries a priori « innocentes » présentes naturellement au sein de l’organisme. Ainsi les Entérocoques (majoritairement les espèces faecalis et faecium), largement représentés dans notre tube digestif, peuvent être à l’origine d’infections graves. Ils constituent donc un modèle de choix pour l’étude des mécanismes qui régissent le passage d’un état de bactérie commensale à celui de redoutable pathogène.

Durant ces 15 dernières années, de nombreux régulateurs transcriptionnels ainsi que des ARN non codants ont été étudiés et sont apparus comme des éléments clef pour expliquer la capacité d’adaptation de la bactérie. On peut citer le régulateur AsrR, impliqué dans la réponse au stress oxydatif, la formation de biofilm, la résistance aux antimicrobiens, ainsi que dans la virulence d’E. faecium. Un second élément qui confère un « avantage sélectif » à la bactérie est celui d’acquérir des résistances aux antibiotiques sensés les éradiquer. Les entérocoques sont bien connus pour cela. Une étude récente montre que des cellules d’E. faecium résistantes à la daptomycine sont également capables de retrouver rapidement un phénotype de sensibilité lorsque la pression de sélection disparait. Enfin, pour pointer à nouveau le lien entre l’adaptation (opportunisme) et la virulence, on peut évoquer le rôle de la protéine CspR. Cette « cold shock protein » est impliquée dans la croissance à basse température et possède la capacité de se lier à des ARN. Curieusement, CspR joue un rôle dans la virulence d’E. faecalis et peut se localiser à la surface de la bactérie. Des expériences de virulence menées en présence d’anticorps anti-CspR laissent à penser qu’elle pourrait être une bonne cible d’immunothérapie.

 

Questions-Réponses-Commentaires

Claude Monneret (Q) : des chercheurs danois ont récemment montré qu’une substance simple, isolée de la moutarde, broyée, était capable de potentialiser l’activité de l’antibiotique et intervenait en déstabilisant le biofilm. Il s’agissait de Ps. aeruginosa et St. aureus. Y a t-il une similitude avec vos travaux ?

(R) : vous parlez typiquement du cas du biofilm : les bactéries du biofilm sont résistantes aux antibiotiques d’un point de vue structurel et du fait du biofilm, générant des résistances chroniques sans qu’un mécanisme génétique ne soit mis en évidence. Nous sommes dans la situation de l’opportunisme, situation favorable au développement bactérien.

Alain Berdeaux (Q) : les virus peuvent-ils avoir le même type de comportement ?

(R) : sans être un spécialiste des virus, on voit bien que pour certains virus, le potentiel de virulence s’exprime selon l’hôte qui lui-même dirige la gravité de la situation.

Claude Vigneron (Q) : le microbiote dont on parle beaucoup est-il favorable ou défavorable ?

(R) : le microbiote est un organe non essentiel ; on peut vivre sans. A l’heure actuelle, dans les dysbioses, il est difficile de discerner si elles sont la cause des pathologies ou bien en sont la conséquence. Par contre, que ce soit avec le microbiote intestinal ou cutané, il existe un effet barrière vis à vis des pathogènes.

Monique Adolphe (Q) : pouvez-vous reprendre la question de l’intérêt du vaccin antiviral et antibactérien ?

(R) : il est intéressant de voir la vaccination comme un moyen de lutte contre l’utilisation des antibiotiques, même pour des vaccins antiviraux ; un vaccin contre un virus - la grippe par exemple- permet de limiter le nombre de personnes susceptibles d’avoir une pneumonie bactérienne et indirectement donc limite la pression de sélection contre des bactéries.

(Q) : la ‘cold shock protéin’ isolée a t-elle été utilisée in vivo ?

(R) : le modèle présenté était un modèle de larve assez basique ; nous voulons le tester sur un modèle murin.


« La pharmacogénétique : de la variabilité du génome à l’identification de biomarqueurs »

Marie-Anne Loriot, Université Paris Descartes, INSERM UMR_S1147, Centre Universitaire des Saints-Pères, Paris, France, Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), Hôpital Européen Georges Pompidou, Service de Biochimie, Paris, France, présentée par la 2ème section

Diapositives présentées

La réponse aux médicaments est extrêmement variable d’un individu à l’autre, tant sur le plan de l’efficacité que des effets indésirables. Cette variabilité de réponse, difficile à prévoir, représente un frein au bon usage du médicament et occasionne des accidents médicamenteux dont la fréquence et le coût représentent un véritable problème de santé publique. Une partie de cette variabilité de réponse aux médicaments est d’origine génétique : la pharmacogénétique est l’étude des facteurs génétiques impliqués dans la réponse aux médicaments.

Elle vise trois objectifs pour un médicament donné :

  • identifier les sujets répondeurs et non-répondeurs ;
  • identifier les sujets à risque de survenue d’un événement indésirable ;
  • prévoir la dose la plus adaptée à chaque individu.

Des unités de pharmacogénétique se sont mis en place au sein de laboratoires hospitaliers français et se sont regroupées au sein du réseau national de pharmacogénétique. L’impact clinique de ces structures est encore limité et de nombreuses questions d’ordre organisationnel, éthique, juridique, technique, social et économique les concernant restent à résoudre. Grâce à une meilleure information auprès des médecins et son intégration via des outils bio-informatiques dans la pratique clinique courante, la pharmacogénétique constituera une aide efficace pour les prescripteurs avec la perspective d’une individualisation des traitements médicamenteux.

 

Questions-Réponses-Commentaires

Claude Vigneron (Q) : à titre anecdotique, vous avez classé le sexe dans les catégories ‘non génétiques’ !

(R) : vous avez raison, et ce pour des commodités de mise en page.

Henri-Philippe Husson (Q) : vous avez cité le clopidogrel pour lequel on sait que 20 % des patients sont résistants ; ce médicament coûte cher à la Sécurité Sociale. Que peut-on faire car c’est un réel problème économique.

(R) : oui effectivement, le clopidogrel fait partie des produits les plus prescrits en France. Nous militons pour le développement de tests génétiques à l’hôpital. Pour l’instant, il n’y a pas de positionnement de nos autorités pour une utilisation en amont des prescriptions. Il est effectivement dommage d’arriver avec ce test après l’accident thrombotique. Le cas le plus emblématique est celui d’un patient qui a subi sept interventions pour pose de stents avant que ne soit diagnostiqué que le patient était porteur homozygote pour une mutation sur le CYT P450. Egalement, nous observons encore des décès de patients sous thiopurine suite à des aplasies ou bien sous 5-FU. Le coût d’un test associant génotype plus phénotype est d’environ 100 euros.

Alain Astier (Q) : pourquoi a-t-on besoin de tests incluant ‘génotype et phénotype’, alors que c’est l’activité enzymatique seule qui nous intéresse ?

(R) : nous avons parfois insuffisamment de tissu pour mesurer l’activité enzymatique, d’où la nécessité de faire le génotype également. D’autre part, la mesure de l’activité phénotypique est variable dans le temps puisqu’elle intègre des données génétiques ainsi que celles de l’environnement. En revanche, le génotype ne varie pas et permet d’expliquer l’origine moléculaire du déficit. Les deux approches sont complémentaires et nécessaires.

Claude Monneret (Q) : qu’en est-il du microbiote intestinal, plus ou moins riche en béta glucuronidase réactivant les métabolites de certains médicaments et pouvant potentiellement augmenter leur activité ou les rendre toxiques ?

(R) : oui il est vrai que le médicament peut revenir dans la circulation par des phénomènes de conjugaison ou déconjugaison pouvant éventuellement favoriser des cycles entéro-hépatiques ; la flore intestinale y participe également ; ce n’est pas mon sujet de recherche direct mais ces phénomènes existent.

Alain Berdeaux (C) : dans un futur très proche, chacun va pouvoir disposer de sa carte de séquençage du génome complet, laquelle sera regroupée avec les ‘big data’ qui nous indiqueront quelles sont les bonnes mutations associées à des conséquences phénotype .

(R) : le génotypage systématique est pratiqué dans certains hôpitaux aux USA. Nous allons progressivement avoir accès avec le Plan ‘France médecine génomique’ à tout l’exome. Cependant, il ne faut pas ignorer d’autres problèmes qui seront la gestion des données incidentes incluant des questions du champ de l’éthique qu’il faudra savoir traiter.


Clôture par le Président Claude Vigneron

 

 

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