Séance académique du 20 septembre 2017

Compte rendu et diapositives présentées de la séance du 20 septembre 2017
QUESTIONS D'ACTUALITE :
« La réforme du 3ème cycle de pharmacie » - Dominique Porquet
« L’indispensable réunion des professionnels de santé pour la prévention et la promotion en santé » - Claude Dreux

EXPOSE :
« Antituberculeux thiocarbonyles : de l’activité à la toxicité » - Vania Bernardès-Genisson

COMMUNICATIONS :
« Réponse inflammatoire intestinale induite par les flagelles de Clostridium Difficile » - Imad Kansau
« Défis bioanalytiques pour le suivi PK/PD des immunoconjugués » - Antoine Deslandes
« Les interactions entre la buprénorphine et les benzodiazépines favorisent-elles le maintien d’une dépendance aux opiacés ? » - Antoine Coquerel
« Spécificité des traitements de désensibilisation : les Allergènes Préparés Spécialement pour un seul Individu (APSI) » - Denis Delval

 

 Séance académique

 Mercredi 20 septembre 2017 à 14 h 00


 

1.  Activités administratives de l’Académie

Approbation du procès-verbal de la séance du 31 mai 2017

Sans observations.

Informations du Président

•     la communication de l’AnP se modernise : Acadpharm Info ;

•     le 20 septembre a eu lieu la première réunion de la 6ème section ;

•     trois rendez-vous à venir en octobre :

  • Ministère de l’Environnement, Denis Voisin, Conseiller à la santé
  • Madame la Présidente du CNOP, Carine Wolf-Thal
  • Madame la Ministre de la Santé, Agnès Buzyn

Lecture de la correspondance et informations du Secrétaire Perpétuel

•     Déclaration de vacance d’un poste de membre titulaire non IdF pour la 3ème section.

•     Déclaration de vacance de deux postes de membre titulaire pour la 6ème section.

•     Déclaration de vacance de deux postes de membre titulaire, l’un IdF et l’autre non IdF, pour la 5ème section.

•     Remerciements reçus de :

  • Alain Gueiffier, élu membre titulaire de la 1ère section, le 31 mai 2017

•     Le Secrétaire Perpétuel de l’Anm, Daniel Couturier, nous informe de l’adoption du rapport et des recommandations le concluant sur « Les accès à l’exercice de la médecine en France ».

•     Adoption également du rapport intitulé « Les nuisances sanitaires des éoliennes terrestres ».

•     Également du rapport intitulé « La conservation des ovocytes ».

•     Puis du rapport intitulé « Précarité, pauvreté et santé ».

•     Ouvrages :

  • « Prévenir vaut mieux que guérir ». Écrit en coordination avec Michel Juffé, Marie-Odile Bertella-Geffroy, Paul-Henri Bourrelier, Jean-Marie Fesseler, Alain Grimfel, Christian Huglo, Alain Simon et par notre collègue Yves Lévi et paru aux Éditions Économica. 80 pages. ISBN : 978-2-7178-6975-0
  • « Droit de la propriété industrielle ». Écrit par Jacques Azéma et Jean-Christophe Galloux. Paru aux Édition Dalloz. 1316 pages. ISBN : 978-2-247-15306-0

 

2.  Travaux scientifiques & professionnels

2.1 Questions d’actualité

« La réforme du 3ème cycle de pharmacie »

Dominique Porquet, membre de l’Académie nationale de Pharmacie

Diapositives présentées

La réforme du 3ème cycle de Pharmacie est envisagée dans le cadre de la poursuite de la mise en place de la réforme du cursus pharmaceutique, initiée en 2010 et qui n’avait concerné que les premiers et seconds cycles de la formation conduisant au Diplôme d’état de Docteur en Pharmacie.

À l’issue d’une première phase de réflexion, le Groupe de travail qui s’est constitué propose le schéma d’organisation  suivant pour le troisième cycle de Pharmacie : mise en place de cinq DES, trois DES « longs » de quatre ou cinq ans et deux DES « courts » de un an. Ces cinq DES sont :

  • le DES de Biologie médicale, actuellement existant mais, réformé par le décret n°2016-1597 du 25 novembre 2016 relatif à l’organisation du troisième cycle des études de médecine et modifiant le Code de l’Éducation. La proposition retenue est conforme au modèle général du troisième cycle des études de Médecine avec une phase socle de deux ans (dont un semestre libre de pré-orientation), une phase d’approfondissement de un an et une phase de consolidation de un an en autonomie supervisée, phase au cours de laquelle une FST (Formation Spécialisée Transversale) pourra être validée ;
  • le DES de Pharmacie hospitalière de quatre ans (sauf l’option de Radiopharmacie qui conduit à un DES de cinq ans) selon une structuration également conforme au décret précédemment cité, avec une phase socle de un an, une phase d’approfondissement de deux ans comportant quatre options : Pharmacie industrielle et biomédicale, Pharmacotechnie spécialisée et Médicaments de thérapie innovante, Recherche, Radiopharmacie. Cette dernière option, qui entraîne un exercice exclusif de Radiopharmacien, nécessitera une phase d’approfondissement de trois ans. La phase d’approfondissement qui s’achèvera par la soutenance de la thèse correspondant au diplôme d’état de docteur en pharmacie sera suivie d’une phase de consolidation de un an et conduira à la soutenance du mémoire de DES. Cette année de consolidation pourra également correspondre à une FST ;
  • le DES Innovation pharmaceutique et Recherche de quatre ans. Ce cursus totalement consacré à la Recherche est en cours de réflexion mais doit être impérativement maintenu car permettant pour l’avenir la formation de chercheurs de haut niveau dans certaines spécialités ainsi que la formation de futurs enseignants chercheurs pour nos UFR de Pharmacie ;
  • le DES de Pharmacie officinale : comme indiqué plus haut, ce DES de un an se substituera à l’actuelle 6ème année à orientation Officine et se déclinera en deux stages d’interne de six mois, un stage effectué obligatoirement en ambulatoire dans une pharmacie d’activité libérale et un second stage effectué également en pharmacie d’activité libérale (dans ce cas, il pourra être retenu l’idée d’une certaine pluralité avec par exemple un exercice en milieu urbain ou rural ou développement de certaines spécificités comme la PDA, les entretiens pharmaceutiques …) ou en pharmacie hospitalière ou dans un service d’un autre établissement hospitalier ou médico-social, service dont l’activité est obligatoirement sous la responsabilité d’un pharmacien. Une formation universitaire éventuellement présentielle mais plus essentiellement distancielle (mise en place d’une plateforme numérique nationale) sera mise en place sur les deux demi-journées hebdomadaires que l’interne doit consacrer à sa formation ;
  • le DES de Pharmacie industrielle : ce DES de un an se substituera à l’actuelle 6ème année à orientation industrielle et consistera en un enseignement académique essentiellement en distanciel et consacré aux connaissances et aux compétences génériques que tout pharmacien industriel doit maîtriser en relation avec le cycle de vie du médicament (recherche et développement, essais précliniques et cliniques, mises sur le marché, affaires réglementaires, production, assurance et contrôle qualité, pharmacovigilance …). Cette année de DES (hors statut d’interne rappelons-le) sera bien sûr l’occasion d’effectuer des stages en milieu industriel.

Cet enseignement sera complété par un enseignement spécialisé (cursus d’ingénieur, ou école de commerce ou M2 spécialisé) permettant l’acquisition de compétences métiers requises par l’industrie pharmaceutique.

Questions - Réponses - Commentaires

Claude Vigneron (Q) : ces propositions ne sont pas encore en place. Quel est le calendrier ?

(R) : les conseillers ministériels ont validé le dernier point d’étape des propositions. On reste dans l’optique de la Grande Conférence de Santé. En ce qui concerne le DES Recherche les conseillers sont favorables à faire de l’expérimentation à partir de nos propositions.

Geneviève Durand (Q) : quelle sera la possibilité de postes hospitalo-universitaires pour les étudiants du DES Recherche ?

(R) : on a besoin de postes en épidémiologie, en chimie médicinale, en toxicologie de l’environnement… Ce sont des collègues qui ne sont ni dans le domaine de la biologie médicale ni dans le domaine de la pharmacie hospitalière. A nous de faire en sorte que ces collègues puissent avoir des postes à l’hôpital.

Geneviève Durand (C) rend hommage au doyen Rousselet qui avant le DES de Pharmacie spécialisée avait créé avec les médecins un DES Recherche : un an de pratique à l’hôpital et trois années de recherche.

(R) : ce modèle a représenté les bases de l’École de l’Inserm.

Geneviève Durand (C) : on demandera à la 6ème section de faire créer des postes de toxicologie de l’environnement dans les hôpitaux.

Claude Bohuon (Q) : quand j’étais chargé de la première réforme des études de pharmacie en 1980, j’avais consulté les industriels qui disaient que moins les étudiants restaient à la faculté, mieux c’était. S’ils parlaient l’anglais c’était encore mieux. Par ailleurs, les pharmaciens militaires étaient des pharmaciens chimistes. Aujourd’hui, ils ne sont ni chimistes ni analystes. Avant tout le pharmacien devrait être analyste ; cela manque dans la formation des pharmaciens.  

(R) : j’ai écouté les souhaits et les besoins des industriels avec attention. Le cursus a été revu et ils veulent absolument être pharmaciens. Le M2 spécialisé leur est nécessaire.

Ma mission ne consistait pas à revoir le socle. La profession n’est pas favorable à un allongement du cycle du socle. La chimie et l’analyse doivent bien entendu rester dans la culture de tout pharmacien.

Philippe Liebermann (Q) : pour la filière officine, sachant qu’il y a une année de DES reste-t-on dans le système LMD des universités européennes ?

(R) : on est dans le principe LMD sans y être complétement car il y a la sélection en fin de Paces. Par ailleurs, le D vers lequel on pourrait tendre serait une formation professionnalisante pouvant aller jusqu’à huit ans, ce qui n’est pas la durée du D européen.


« L’indispensable réunion des professionnels de santé pour la prévention et la promotion en santé »

Claude Dreux, membre de l’Académie nationale de Pharmacie

Un groupe de travail de l’Académie nationale de Pharmacie a élaboré, en 2016, un rapport « Prévention et Promotion en Santé. Place des pharmaciens et des biologistes médicaux » définissant les rôles des pharmaciens en Santé publique.

Adopté par le Conseil de l’Académie en septembre 2016, il n’a pas fait l’objet d’une présentation devant l’Assemblée, mais il peut être consulté sur le site internet de l’AnP : http://www.acadpharm.org/dos_public/Rapport_PPS_VF.pdf.

De son côté, l’Académie nationale de médecine a créé une Commission XIV « Déterminants de Santé, Prévention, Environnement » poursuivant les mêmes buts : inciter les Pouvoirs Publics à mettre en place une véritable politique de prévention et de promotion de la santé dans notre pays.

La Commission XIV comprend des membres des deux Académies, médecine et pharmacie et des groupes de travail ont été créés dans les domaines suivants : éducation à la santé des enfants de la maternelle à la majorité ; dépistage des cancers.

La vaccination et l’augmentation de la couverture vaccinale font également partie de ses objectifs immédiats.

Il est indispensable que les professionnels de santé s’unissent et collaborent pour développer des actions efficaces sur des sujets décidés en commun.

Les promesses des nouveaux dirigeants doivent être prises au mot et aboutir à des mesures concrètes en accord avec l’ensemble des professionnels de santé excluant les vaines querelles corporatistes du passé.

Questions - Réponses - Commentaires

Claude Vigneron (C) confirme que de nombreux groupes de travail Anm-AnP fonctionnent bien et se développent : médicaments falsifiés, prescriptions hors AMM, ainsi que les groupes cités par Claude Dreux.


2.2 Exposé (20 min)

« Antituberculeux thiocarbonyles : de l’activité à la toxicité »

Vania Bernardès-Genisson, Pharmacien, Professeur à la Faculté de Pharmacie de l’Université Paul Sabatier, Toulouse. Membre correspondant étranger de l’Académie nationale de Pharmacie (Brésil)

Diapositives présentées

En 2015, l’OMS a estimé que un tiers de la population est infectée par Mycobacterium tuberculosis.

La tuberculose demeure aujourd’hui l’une des maladies infectieuses la plus meurtrière dans le monde (1,8 millions de morts par an). En effet, l’apparition des souches de Mycobacterium tuberculosis résistantes à tous les antituberculeux de première ligne (isoniazide, rifampicine, éthambutol et pyrazinamide) contribue fortement à l’aggravation de la situation et compromet sérieusement le traitement de la tuberculose. Face à cette difficulté, les antibiotiques de deuxième intention commencent à prendre une place plus importante dans l’arsenal thérapeutique contre cette maladie. Toutefois, les composés thiocarbonylés, comme la pro-drogue éthionamide, sont connus pour être responsables d’une grave hépatotoxicité chez le patient. Cette toxicité est généralement attribuée aux métabolites oxydatifs du principe actif, mais sans que, pour autant, l’identification de telles espèces toxiques soit établie. Ainsi, une étude moléculaire du mécanisme d’activation de ces pro-drogues et de la formation de leurs métabolites, pouvant aider à la compréhension de cette toxicité, sera présentée.

Au total, les antituberculeux thiocarbonylés sont représentés par deux familles chimiques : les thioamides et les thiourées.  Après oxydation, le premier intermédiaire est le même existant sous deux formes tautomères : l’acide sulfénique et le sulfine. Si la forme majoritaire (thiourées) est l’acide sulfénique, celui-ci réagit avec les nucléophiles du milieu ce qui explique l’action sur les mycobactéries et la toxicité chez l’homme (baisse du taux du glutathion). Si la forme sulfine est majoritaire (thioamides) celle-ci est impliquée dans une réaction de cyclisation avec génération de radicaux expliquant l’activité antibactérienne et la toxicité (apparition de OH) jamais mentionnée dans la littérature jusqu’à présent.

 Questions - Réponses - Commentaires

Claude Vigneron (Q) : les deux familles de composés antituberculeux présentent une toxicité hépatique avec deux mécanismes différents. Quel est le composé dont la toxicité est la plus élevée ?

(R) : les composés thioamides sont les plus toxiques (apparition du radical OH). Ils servent de modèle pour mesurer la toxicité hépatique chez le rat comparable à la cirrhose chez l’homme.

Christiane Garbay (Q) : vous avez mis en évidence la formation de SO2 dans le mécanisme de toxicité de l’éthionamide. L’avez-vous mesuré ?

(R) : non - SO2 dans le milieu se modifie rapidement pouvant conduire aux sulfates. On ne peut pas arrêter la formation des composés intermédiaires car le milieu est très oxydant. On peut avoir des formes acides.

Christiane Garbay (Q) : ces dérivés acides seraient aussi très toxiques pour le foie.  

(R) : oui bien sûr.

François Trivin (Q) : est-ce que l’administration conjointe de capteurs (scavengers) de radicaux libres pourrait atténuer ou même éviter les effets morbides des métabolites toxiques des antituberculeux ?

(R) : les radicaux OH réagissent très vite. La concentration de glutathion dans le milieu n’est pas suffisante pour jouer un rôle de détoxification. Enfin, ces médicaments sont donnés à dose élevée pouvant aller au gramme par jour, la métabolisation du médicament entraînera la consommation de glutathion au-delà de la réaction avec le radical OH.

René Céolin (Q) : y-a-t-il une recrudescence de tuberculose en France ?

(R) : non, pas en France. La pathologie est contrôlée. Les taux les plus élevés sont observés en Afrique et en Asie. En France, la tuberculose est liée au développement des voyages essentiellement.


2.3 Communications (10 min)

« Réponse inflammatoire intestinale induite par les flagelles de Clostridium Difficile »

Imad Kansau, Docteur en médecine, Docteur en microbiologie, Coordinateur du Centre gratuit d’information, de diagnostic et de dépistage (CeGIDD) des IST (Infections sexuellement transmissibles), Hôpital Antoine Béclère, Clamart. Présenté par la 3ème section

Diapositives présentées

Clostridium difficile (CD) est une bactérie anaérobie à Gram positif responsable d’infections intestinales nosocomiales. Il représente la première cause de diarrhées infectieuses nosocomiales chez l’adulte.

L'exposition aux antibiotiques, l'hospitalisation et l'âge avancé sont les principaux facteurs de risque d'infections à C. difficile (ICD). Depuis 2003, la prévalence de cas graves et de rechutes, ainsi que la mortalité par ICD ont considérablement augmenté. Les toxines clostridiales TcdA et TcdB contribuent aux lésions intestinales associées aux ICD, mais d'autres facteurs contribuent à la pathogenèse. Les flagelles bactériens sont impliqués dans le développement de la réponse inflammatoire des muqueuses via le récepteur de l'immunité innée, le Toll-like receptor 5 (TLR5) et l'activation des voies de signalisation pro-inflammatoires. Nous avons analysé les voies de signalisation TLR5 induites par les flagelles de CD. Nous avons montré que les flagelles de CD activent principalement la voie de signalisation NF-kB via TLR5, conduisant à la synthèse de cytokines pro-inflammatoires. In vivo, dans un modèle murin d’ICD, l'absence de flagelles chez des bactéries toxinogènes diminue considérablement le degré d'inflammation de la muqueuse cæcale, ce qui suggère un rôle essentiel pour les flagelles de CD en coopération avec les toxines, dans l’induction de lésions muqueuses. Parmi les différents mécanismes de régulation de la réponse innée liée au TLR, les microARN (miR) jouent un rôle immunomodulateur majeur. Nous avons analysé l'expression d'un panel de miRs connus pour être impliqués dans la voie de signalisation TLR5-NF-kB à la fois dans les cellules épithéliales Caco-2 intestinales humaines et un modèle murin d’ICD. Quatre miRs ont été surexprimés dans des cellules infectées et aucune surexpression n'a été observée dans les cellules infectées par un mutant non flagellé, ce qui suggère un rôle des flagelles dans cette régulation des miRs. L'inhibition chimique spécifique de la voie de signalisation NF-kB a fortement inhibé la surexpression de ces quatre miRs. Il est intéressant de noter que ces miRs ont également été surexprimés dans le cæcum de souris infectées par la souche de CD. Le rôle des miRs dans la régulation des gènes et dans certaines pathologies permet de considérer ces molécules comme une nouvelle cible diagnostique et thérapeutique potentielle.

Questions - Réponses – Commentaires

Pierre Faure (C) remercie Imad Kansau pour sa compétence, sa gentillesse, sa disponibilité et son intérêt collectif dans la participation  à la présidence du jury des internes de l’hôpital Saint-Louis.

Christiane Garbay (Q) : pouvez-vous vectoriser / ou encapsuler les miRNAs ?

(R) : c’est déjà en cours pour les siRNAs. C’est possible ici.

Pierre bourlioux (C) remercie à son tour Imad Kansau pour la reprise du travail de son équipe sur les flagelles de Clostridium difficile et les résultats auxquels il est parvenu.


« Défis bioanalytiques pour le suivi PK/PD des immunoconjugués »

Antoine Deslandes, Docteur en Pharmacie, Conseiller Scientifique en Biothérapeutique, Médecine translationnelle et développement précoce, Sanofi R&D. Présenté par la 1ère section

Diapositives présentées

Les immunoconjugués (IC) sont des molécules très complexes représentant une nouvelle classe de médicaments biothérapeutiques très puissants, utilisés essentiellement en Oncologie. Ils sont constitués d’un anticorps, spécifique d’un antigène exprimé à la surface des cellules tumorales, couplé à des molécules d’agents cytotoxiques par l’intermédiaire d’agents de liaison.

Compte tenu de leur grande spécificité et affinité pour des antigènes tumoraux, les IC sont internalisés dans la cellule tumorale, puis transférés dans l’endosome, d’où ils sont dégradés pour libérer leur charge de cytotoxique.

Les études de pharmacocinétique et pharmacodynamie (PK/PD) réalisées au cours du  développement clinique contribuent à optimiser le choix des doses et les rythmes d’administration des IC. Le développement de méthodes de bioanalyse pour les IC est complexe, compte tenu du nombre et du type d’analytes à doser. Le catabolisme des IC conduit à la formation d’un grand nombre d’analytes qui sont quantifiés dans les milieux biologiques par immuno-dosage pour les fragments protéiques ou par spectrométrie de masse pour les cytotoxiques ou leurs métabolites.

L’interprétation de la PK/PD des IC nécessite la combinaison ou le regroupement d’informations de plusieurs méthodes de dosage. Cette présentation précisera comment ces informations permettent d’établir les profils pharmacocinétiques pour l’évaluation de l’efficacité du produit et de la sécurité des patients.

Ces immunoconjugués ont une structure très hétérogène et ses composants sont en évolution dynamique. Ainsi, la stratégie bioanalytique nécessite le recours à de nombreuses méthodes et technologies de pointe pour identifier et quantifier les entités les plus pertinentes. La partie immunodosage est, elle aussi, complexe avec des réactions croisées avec les métabolites, l’accès de l’anticorps de capture au cytotoxique et des courbes d’étalonnage avec une substance hétérogène.

En revanche, les nouveaux procédés de conjugaison devraient simplifier la bioanalyse et la PK/PD des immunoconjugués. Enfin les analytes mesurés doivent permettre d’établir une relation entre l’exposition et la réponse pour l’évaluation de l’efficacité et de la sécurité des patients.

Questions - Réponses – Commentaires

Christiane Garbay (Q) : qu’en est-il de la répétabilité des lots des immunoconjugués ?

(R) : c’est un travail difficile et complexe pour la production pharmaceutique.

Christiane Garbay (Q) : qu’en est-il de la comparaison avec un anticorps non chargé (trastuzumab, par exemple) qui a déjà une activité par lui-même ? Quel est l’avantage d’un immunoconjugué par rapport à un anticorps nu ?

(R) : si l’anticorps a une activité seule, les conjugués ne sont pas forcément meilleurs. En revanche avec l’immunoconjugué on peut choisir de ne pas avoir d’action cytotoxique et on utilise alors l’anticorps comme agent de vectorisation pour une meilleure pénétration dans la tumeur.

Jean Bernadou (Q) : compte-tenu de l’hétérogénéité des immunoconjugués, la question des génériques se pose. Le suivi PK/PD des immunoconjugués peut-il être utile à l’évaluation des candidats médicaments génériques ?

(R) : le nombre d’immunoconjugués sur le marché est encore limité ; trois spécialités actuellement seulement. On n’en est pas arrivé au médicament générique. Même pour le médicament innovant, la question de l’homogénéité entre les différents lots fabriqués se pose. Cela nécessite des contrôles délicats et rigoureux. La question est donc très complexe notamment en raison des procédés de fabrication et des procédés de contrôle qualité.

Claude Vigneron (Q) : votre présentation montre une très grande hétérogénéité des immunoconjugués. Pourrait-on imaginer des conditions de synthèse où on obtiendrait des produits plus simples ?

(R) : oui. C’est la voie vers laquelle les industriels s’orientent. On fait des synthèses avec sites spécifiques en essayant d’accrocher les cytotoxiques à des endroits prédéterminés. L’idée est d’introduire un aminoacide non naturel dans la structure des immunoglobulines et ensuite de faire un couplage chimique sur cet aminoacide pour le positionner notamment au niveau des ponts disulfures entre les chaînes lourdes des immunoglobulines. Ainsi on aboutit à des produits plus stables avec deux cytotoxiques par exemple. Cela simplifie notablement la partie PK et la relation PK/PD. Actuellement beaucoup de ces agents sont en développement clinique.


« Les interactions entre la buprénorphine et les benzodiazépines favorisent-elles le maintien d’une dépendance aux opiacés ? »

Antoine Coquerel, Médecin des hôpitaux, Responsable de la pharmacologie clinique et du Centre régional de pharmacovigilance de Caen. Présenté par la 2ème section

Diapositives présentées

 

La buprénorphine (BPN) est un agoniste partiel µ de haute affinité, antagoniste des récepteurs delta et kappa, qui possède une longue durée d’action chez l’homme (T1/2 terminal : 20 – 24 h). Sous forme haut dosage (BPN-HD) c’est le traitement de substitution opiacé le plus prescrit en France depuis 1996. La vulgarisation rapide de ce traitement de substitution des opiacés (TSO) a amené de nombreux abus et mésusages en particulier par association avec des benzodiazépines (BZD). Des enquêtes épidémiologiques (Thirion et coll., 2002) ont confirmé ces mésusages en particulier avec de hautes doses de Clorazépate (CRZ). Ceci nous a amené à faire des recherches comportementales et de modification de ‘binding’. (1) Chez le rat des administrations aiguës ou chronique de BPN, de CRZ et de leur association induisent de fortes modifications du binding µ. Le CRZ tend à diminuer la ‘down regulation’ avec une forte désensibilisation des récepteurs, plus marquée en aigu. En revanche les récepteurs delta et kappa fluctuent peu. (2) Chez la souris nous avons montré que la BPN induit des effets anxiogènes qui sont inversés par le CRZ de manière dose-dépendante. (3) Avec le test d’appétence dit de ‘préférence de place’ nous avons établi que les trois BZD étudiées (CRZ, flunitrazepam et bromazepam) induisent une préférence de place si la BPN leur est associée alors que BPN seule n’en provoque pas. (4) Chez la souris nous avons étudié la mortalité aiguë induite par l’association BPN + BZD (CRZ, diazepam, flunitrazepam et midazolam [MAZ]) à différentes doses afin de rechercher un effet additif ou une synergie (par isobolographie). Bien que les pentes de létalité aiguë soient diminuées et les décès plus tardifs, nous observons un effet synergique avec CRZ et MAZ + BPN.

 

Conclusions : la BPN a été vulgarisée comme TSO parce que sa toxicité aiguë est moindre que celle de la méthadone ou des opiacés illicites. En revanche, ses effets antagonistes kappa sont la source d’une anxiété qui entraîne une demande de BZD, laquelle diminue la down-regulation des récepteurs µ. Ceci suggère la mise en place d’études cliniques visant à réduire les posologies et durées des associations BPN + BZD.

 

Questions - Réponses – Commentaires

Claude Vigneron (Q) : vous avez montré beaucoup de travaux intéressants chez le rat et la souris. A-t-on des études chez l’homme ?

(R) : il n’y a pas d’études cliniques actuellement. Il faudrait convaincre les décideurs de l’addictologie en France pour les développer.

Patrick Fallet (Q) : est-il exact que l’arrivée des génériques de buprénorphine a fait craindre des mésusages ou autres risques liés à cette molécule ?

(R) : il y a eu beaucoup de bruit sur cette molécule. Le détournement d’usage est très prégnant. En données objectives il n’y a pas de différence entre Subutex et les génériques. S’il y a détournement d’utilisation on sait que certains génériques se dissolvent mieux que Subutex mais ce n’est pas le cas de tous les génériques. Cela est lié à un mésusage du médicament et non à un usage thérapeutique.  


« Spécificité des traitements de désensibilisation : les Allergènes Préparés Spécialement pour un seul Individu (APSI) »

Denis Delval, Pharmacien, Senior Vice-Président Europe Ouest-Sud, Laboratoire ALK, et Directeur Général France. Présenté par la 4ème section

Diapositives présentées

L'allergie touche de nombreux patients et on observe une évolution de la complexité et du nombre de cas principalement liée aux modifications de l'environnement.

En France, comme dans les autres pays développés, les extraits allergéniques ont un statut spécial qui a été créé pour rendre compte de leur finalité : permettre aux allergologues d’apporter une réponse étiologique personnalisée aux patients souffrant d'allergies respiratoires sévères et/ou complexes.

Ce statut particulier accorde à une personne donnée une autorisation nominative délivrée par l’ANSM, de préparer et délivrer des allergènes pour un patient nommément désigné (APSI). 

Nous décrirons les spécificités liées aux documentations pharmaceutiques et cliniques associées aux autorisations nominatives.

50 allergènes à visée thérapeutique et 90 à visée diagnostique sont autorisés par l'ANSM. À partir de ces allergènes, environ 4 000 traitements de compositions différentes sont préparés chaque année par le laboratoire pour répondre aux besoins des patients.

Les APSI sont prescrits pour les allergies respiratoires sévères :

  • en seconde intention, pour une population limitée de patients souffrant de formes invalidantes de rhinites sévères non contrôlées par les médicaments symptomatiques ;
  • en addition aux traitements de l’asthme comme seul traitement étiologique de la composante allergique.

En raison de leur statut de traitement personnalisé, les APSI, par dérogation au principe du monopole pharmaceutique, sont distribués directement au patient par le laboratoire et nous décrirons ce circuit.

En 2016, une situation exceptionnelle a conduit à l'arrêt temporaire d'un des deux acteurs et nous expliquerons les défis associés au besoin de doubler la production de traitements.

Nous expliquerons pourquoi les traitements par APSI sont indispensables pour les patients et les allergologues.

Au total, les traitements de désensibilisation par APSI sont indispensables en raison du poids économique et sociétal des allergies respiratoires sévères. Il s’agit de traitements personnalisés qui répondent à la variabilité des allergènes et des manifestations cliniques. Ils sont prescrits par des praticiens expérimentés selon le profil clinique et immunologique du patient. Enfin, l’allergologie a été reconnue spécialité universitaire en décembre 2016.

Questions - Réponses - Commentaires

Claude Vigneron (Q) : quel est le taux de succès du traitement de désensibilisation ?

(R) : les études cliniques réalisées sur les allergies les plus fréquentes montrent un taux de succès de 70 à 80%.

Claude Vigneron (Q) : pensez-vous que cette question tourne autour de la santé et de l’environnement ?

(R) : les allergies sont en constante progression en raison de l’augmentation de la pollution, des conséquences environnementales, des mesures prises ou non … On est clairement dans un sujet qui touche l’environnement et la santé publique.

Christiane Garbay (Q) : vous n’avez pas évoqué les allergies cutanées.

(R) : c’est vrai. Il n’existe pas de traitement étiologique. En fait dès la petite enfance les dermatites atopiques représentent une voie d’entrée des allergènes. On sait que les enfants qui présentent une allergie atopique vont développer un asthme ensuite. Donc les traitements prescrits par les dermatologues (traitements topiques) vont protéger ces patients contre les allergies futures. Pour les allergies cutanées d’autres types (ex : allergies  au nickel), il n’existe pas de traitement spécifique. La seule mesure est d’enlever le contact avec l’allergène.

 Christiane Garbay (Q) : existe-t-il une transmission de parent à enfant ?

(R) : on observe des familles d’allergiques. On peut penser qu’il existe une prédisposition. Le système immunitaire personnel est en partie lié à l’héritage. Mais il y a une immunité acquise liée à l’environnement.

Jean-Luc Delmas (Q) : les allergènes à visée thérapeutique utilisés en France sont au nombre de 50 pouvant conduire à 4 000 combinaisons différentes. Y-a-t-il des différences entre les allergènes avec les autres pays européens ?

Peut-on par ailleurs imaginer de fabriquer des médicaments communs pour plusieurs pays européens ?

(R) : il y a une ANSM dans chaque pays d’Europe. De plus, les allergènes sont liés à la géographie du pays : le chat, le chien, les moisissures, les pollens d’herbes, les acariens sont communs à tous les pays mais il existe des spécificités : dans les pays nordiques on trouve le pollen de bouleau et de graminées. Dans les pays du sud ce sont des allergies au pollen d’olivier et de cyprès. Depuis plus de 10 ans, pour les allergies les plus fréquentes, les laboratoires ont décidé de faire des études de phase 3 en double aveugle. Des AMM européennes ont été obtenues : acariens il y a deux ans, pollen de graminées il y a 10 ans.

Jean-Claude Chaumeil (Q) : quelle est la voie d’administration optimale pour ces traitements ?

(R) : la désensibilisation existe depuis 1923. La voie historique a été la voie SC : une fois par mois pendant trois à cinq ans. Pour modifier le système immunitaire, on augmente progressivement les doses. Le bénéfice de cette voie est l’observance ; son inconvénient est la marge thérapeutique étroite avec une manifestation extrême : le choc anaphylactique et le risque de décès. D’où les traitements par voie sublinguale avec présentation des allergènes en solution : efficacité similaire, marge thérapeutique plus importante et donc tolérance meilleure. Aujourd’hui en France 90 % des traitements sont administrés par voie sublinguale.

Jean-Claude Chaumeil (Q) : dans la désensibilisation, on commence par de faibles doses qu’on augmente ensuite. En homéopathie on utilise une dose donnée puis on réduit les doses par dilutions successives.

(R) : je ne peux pas répondre sur l’intérêt de l’homéopathie dans le traitement de l’allergie. Je n’en ai aucune connaissance. Le principe de la désensibilisation est d’administrer un allergène de façon répétée pour modifier le système immunitaire. Par précaution on monte progressivement les doses pour arriver à la dose d’entretien. Respecter la tolérance et garder la bonne dose, tels sont les objectifs de la désensibilisation.

Agnès Artiges (Q) : y-a-t-il des standards dans la Pharmacopée européenne sur les principaux allergènes ?

(R) : non et c’est difficile. Ce sont des produits biologiques avec des unités de produits biologiques. Chaque laboratoire possède son propre système d’unités de produits biologiques et les unités d’un laboratoire à l’autre ne sont pas les mêmes.

Aux USA, la FDA a néanmoins défini un système unique.

Le prescripteur sait quelles sont les unités à utiliser pour chaque entreprise.

Yvette Pourcelot (Q) : combien existe-t-il de laboratoires aux USA ?

(R) : il y en a trois.

Monique Seiller (Q) : comment les médecins choisissent entre les deux laboratoires en France ?

(R) : en fonction de la présence des délégués médicaux et sur la base des documents qui leur sont mis à disposition avec un fort encadrement et contrôle par l’ANSM.


Clôture de la séance par le Président, Claude Vigneron

 

 

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