Maîtrise des risques infectieux à l'hôpital : rôle des hygiénistes hospitaliers

Compte rendu et diapositives présentées lors de la séance thématique du 18 octobre 2017
Introduction et présentation de la séance - Yves Lévi,
« L’organisation de la gestion du risque infectieux associé aux soins en France », Position du problème par Pierre Parneix,
« Missions et dynamique des Équipes Opérationnelles en Hygiène » par Jean-Christophe Lucet,
« Le travail au quotidien d’une équipe opérationnelle d’hygiène hospitalière » par Françoise Karnycheff,
« Rôle d’un laboratoire d’hygiène hospitalière : l’exemple de l’hôpital Saint-Antoine » par Frédéric Barbut
Table ronde sur les besoins et évolutions : Fabien Squinazi,les conférenciers et Bruno Grandbastien, Pascal Astagneau, Philippe Vanhems, Arnaud Fekkar.

« Maîtrise des risques infectieux à l’hôpital :

rôle des hygiénistes hospitaliers »

 

Séance thématique

Mercredi 18 octobre 2017

 

Accueil par Claude Vigneron, Président de l’Académie nationale de Pharmacie

 

Introduction et présentation de la séance

 

Yves Lévi, co-animateur de la 6ème Section de l’Académie nationale de Pharmacie, présente le thème qui a été pressenti de longue date par le Groupe Projet Santé environnementale, précurseur de la 6ème section. Les enjeux à aborder concernent les risques microbiologiques mais aussi chimiques dans les établissements de soins. La séance de ce jour cible plus spécifiquement l’aspect microbiologique. Il est envisagé que cette réunion donne lieu à des recommandations qui seront adressées aux autorités de tutelle.

Fabien Squinazi, membre de l’Académie nationale de Pharmacie, coordonnateur de l’organisation de cette séance, présente les thèmes qui seront abordés et remercie les intervenants qui participent à cette séance. La séance sera orientée sur la maitrise des risques infectieux à l’hôpital.

 Le sujet est vaste et les thèmes choisis ont été : l’organisation de la gestion des risques infectieux, le vécu d’une équipe opérationnelle d’hygiène hospitalière (EOH) fonctions et missions, le rôle du laboratoire d’hygiène hospitalière. Les intervenants de la table ronde essaieront de mettre en perspective les éléments du débat ainsi que de définir des axes de travail, notamment celui de la formation.

 

« L’organisation de la gestion du risque infectieux associé aux soins en France »

Position du problème par Pierre Parneix, Président de la Société française d’hygiène hospitalière

Diapositives présentées

L’organisation de la prévention des infections associées aux soins a fait l’objet d’une structuration progressive depuis 1988 en France, année de la mise en place des premiers Comités de lutte contre les infections nosocomiales dans les centres hospitaliers. La mise en place, en 1992, d’un Comité technique national des infections nosocomiales (CTIN) et de cinq centres de coordination de la lutte contre les infections nosocomiales (CClin) a ouvert la porte à une dynamique constructive de prise en compte de cette problématique au sein des établissements de santé. En revanche, c’est l’obligation promue par décret en Conseil d’état en 1999 d’avoir une équipe opérationnelle d’hygiène avec une valence médicale et non médicale, qui a été le déclencheur de l’implantation élargie et durable de la prévention des infections associées aux soins en établissements de santé.

En France, la forte implication des pouvoirs publics et la présence d’associations d’usagers très actives ont permis de faire passer ce sujet du rang d’une problématique d’experts à une réelle préoccupation sociétale. Depuis 1994, quatre programmes nationaux ont été promulgués par les Ministres successifs chargés de la santé dont le dernier en 2015 qui porte le nom de PROPIAS (Programme de prévention des infections associées au soins) ambitionnant de prendre en compte tout le parcours du patient, de l’établissement de santé à son domicile, en passant par la prise en charge médico-sociale et les soins de ville.

Cette présentation s’attachera à décrire l’organisation nationale de la prévention des infections associées aux soins et la positionner par rapport à la démarche plus globale de sécurité des patients et aussi de la protection du personnel. Elle insistera sur la création des nouveaux CPIAS (Centres de prévention des infections associées aux soins). Elle soulignera les principales réussites obtenues au fil des dernières décennies et débattra des enjeux à venir dans le cadre du PROPIAS dont les trois grandes composantes seront décrites. Elle insistera sur le futur référentiel métier des hygiénistes et sur la nouvelle formation spécialisée transversale en hygiène pour les médecins en s’interrogeant sur la place à venir des pharmaciens dans ce métier expert où ils se sont forgés au fil du temps une place très importante.

Questions-réponses-Commentaires

Fabien Squinazi (C) : nous voyons que les méthodes destinées à la gestion du risque infectieux associées aux soins ont considérablement évolué en 25 ans en France. Nous assistons à des progrès majeurs et à de nouvelles organisations. Nous pouvons mesurer à quel point des défis se dessinent avec la restriction des moyens et la formation à l’hygiène hospitalière.

Fabien Squinazi (Q) : le public a conservé le terme « infection nosocomiale » (IN). Comment expliquez-vous que le terme « infection associée aux soins » (IAS) ne soit pas suffisamment utilisé ?

(R) : le terme IAS est très utilisé au niveau des recommandations internationales. Celles-ci mettent l’accent sur les infections acquises dans tous les lieux où s’exercent les soins et pas uniquement dans les hôpitaux. En France, nous avons une spécificité liée  à l’action des usagers. Les usagers luttent pour qu’il y ait une reconnaissance en terme d’indemnisation, au travers d’un processus administratif ainsi qu’avec les commissions de conciliation, lequel processus réglementaire utilise le terme d’IN. Ce terme IN n’est donc pas éliminé du langage, d’autant qu’il est extrêmement bien connu du public.

Fabien Squinazi (Q) : nous pouvons noter que le dernier plan de prévention va au-delà de l’hôpital.

(R) : en effet, les autorités essaient de sensibiliser le monde libéral et aussi de toucher les établissements du secteur médico-social, du handicap, les EHPAD, etc. La tâche est très difficile ; les collègues sont difficiles à sensibiliser.

Fabien Squinazi (Q) : que pensez-vous de la place de plus en plus importante des usagers dans ce domaine même si à l’heure actuelle ils n’ont plus de représentation au niveau des CClin ?

(R) : ce sont les associations d’usagers qui ont fait évoluer la loi. Leur rôle dans la prévention est plus difficile. Leur poids au niveau politique est très fort et reste stratégique.

Arnaud Fekkar (Q) : avec l’implication des usagers, apparaît aussi la recherche de la faute médicale : Comment faire la distinction entre les infections liées à une erreur ou une insuffisance et les infections liées à l’état du patient et qui seraient « inévitables » (exemple d’un patient très immunodéprimé, cathétérisé, sous nutrition parentérale depuis quatre semaines) ?

(R) : la notion d’évitabilité varie selon la(les) personne(s) et les pays. En France, autrefois, le patient devait apporter la preuve qu’il y avait eu erreur ; à l’heure actuelle, c’est l’inverse : l’établissement doit apporter la preuve que l’infection vient de l’extérieur de l’établissement, à défaut c’est l’établissement qui est incriminé. Dans le cadre de réparations administratives, un expert en Commission Régionale de Conciliation et d’Indemnisation (CRCI) peut apporter la preuve que le terrain du patient était spécifique et qu’une partie du pourcentage des dommages est liée au terrain et ne sera pas indemnisable.

Claude Monneret (Q) : indépendamment de la prévention pour éviter les maladies infectieuses, comment vous confrontez-vous à l’antibiorésistance ?

(R) : il y a deux aspects dans cette problématique :

- la transmission croisée de patient à patient, particulièrement préoccupante dans les établissements de santé  avec par exemple les patients porteurs de bactéries hautement résistantes émergentes (ex : entérobactéries porteurs de carbapenémases). En pratique, pour éviter la diffusion de patient à patient, nous identifions les patients porteurs et les regroupons (« cohorting ») en leur attribuant un personnel dédié ; c’est plus efficace pour éviter une large diffusion, mais aussi très onéreux !

- la participation aux actions de prévention incluant la promotion de la vaccination. Malgré l’émergence de cas de plus en plus sévères, nous avons réussi à l’AP-HP, à contrôler l’extension des infections.

Claude Vigneron (Q) : quelle est la formation initiale des médecins et pharmaciens qui s’intéressent à l’hygiène hospitalière : biologie médicale, pharmacie hospitalière, autres ?

(R) : les pharmaciens viennent en majorité de la filière « pharmacie hospitalière » et « pharmacie spécialisée » lorsqu’ils sont internes ; mais aussi de la filière biologie ; et enfin certains des professionnels n’ont pas suivi la filière de l’internat et ont pu bénéficier d’une période dérogatoire. D’une manière générale, la pharmacie est assez ouverte à tous les cursus.

En médecine, les hygiénistes proviennent des trois filières, principalement : microbiologie, santé publique, infectiologie ; mais aussi de la réanimation.

Yves Lévi (Q) : au regard de l’évaluation assez optimiste de la situation que vous présentez, existe-t-il encore de fortes hétérogénéités entre les zones urbaines et les zones plus rurales ?

(R) : en terme de prévention, l’approche est assez identique. Cependant avec la constitution des groupes hospitaliers de territoire et les regroupements (GHT) qui en découlent, le risque de fragiliser les organisations existantes est possible.


« Missions et dynamique des Équipes Opérationnelles en Hygiène »

Pr Jean-Christophe Lucet, Praticien hygiéniste, CHU Bichat-Claude Bernard

Diapositives présentées

La création des CLIN à la fin des années 80 a été suivie de celle des EOH, dont la composition et les missions ont été définies par voie règlementaire, en termes de composition et de ratio par nombre de lits, et d’activités : prévention des infections associées aux soins (IAS) et de la diffusion de bactéries multirésistantes, surveillance ciblée des IAS, contrôle du risque infectieux environnemental et lié aux dispositifs médicaux, signalement d’infections rares ou particulières, risque infectieux pour les professionnels de santé, investigation d’épidémies, participation à la prévention du risque infectieux pour la construction de nouveaux locaux.

Ces missions nécessitent des collaborations avec les autres effecteurs de la prévention du risque infectieux, microbiologistes, infectiologues, pharmaciens, service techniques, médecins du travail, gestionnaires de risques, …

Au-delà de ces missions formelles, l’activité des EOH a évolué au fil des urgences sanitaires réelles ou perçues, des programmes nationaux de prévention des IAS (PROPIAS) et de l’introduction des indicateurs de prévention des IAS, règlementaire et à diffusion publique :

-     de façon chronologique, les années 90 ont permis aux EOH de mettre en place les surveillances des IAS, dans le cadre des réseaux nationaux,

-     puis au début des années 2000, plusieurs alertes nationales ont engagé les EOH vers un meilleur contrôle du risque environnemental (M. xenopi, Legionella pneumophila), ainsi que la prise en compte du risque prion,

-     avec la mise en place des indicateurs à diffusion publique, les actions des EOH ont été recentrées sur des risques infectieux plus fréquents, notamment le contrôle du risque infectieux par l’hygiène des mains et l’utilisation des solutions hydro-alcooliques, avec l’indicateur ICSHA et les actions de maîtrise des bactéries multirésistantes et de bon usage des antibiotiques,

-     plus récemment, l’équilibre entre indicateurs de résultats - les taux d’IAS -, et les indicateurs de bonnes pratiques, a été rééquilibré vers le respect des procédures, avec la création par le Groupe d’évaluation des pratiques en hygiène hospitalière (GREPHH) au niveau national d’outils d’aide à la réalisation d’audits,

-     enfin, les programmes nationaux successifs ont permis de faire évoluer la politique de prévention, le PROPIAS mettant maintenant l’accent sur quelques éléments originaux : prévention des IAS dans l’ensemble du système de santé en y associant les usagers, maîtrise de la résistance bactérienne aux antibiotiques, contrôle du risque infectieux associé aux dispositifs intravasculaires.

Quel regard porter 25 ans après la mise en place des EOH ? Un premier élément est que les plans et les alertes successifs, par exemple l’irruption récente des bactéries hautement résistantes émergentes aux antibiotiques, s’ajoutent aux tâches antérieures, si bien qu’il n’est pas excessif de parler de « coûts d’opportunité », chaque nouvelle tâche conduisant à des actions moindres dans d’autres domaines de la prévention.

Les EOH sont maintenant matures, ont établi des relations avec les autres acteurs du risque infectieux, et généralement s’intègrent plus largement dans les activités de gestion des risques infectieux ou non infectieux, voire ont pris en charge les risques non infectieux dans certains établissements de santé.

Trois évolutions importantes vont encore faire évoluer les activités des EOH dans les prochaines années :

-     l’utilisation des outils d’analyse de risques, avec une approche des IAS autant individuelle qu’épidémiologique,

-     l’utilisation d’outils de formation et d’information médicale modernes qui permettent de redynamiser les interactions avec les professionnels de santé et de simplifier la surveillance,

-     enfin un nouvel équilibre est à trouver entre indicateurs de bonnes pratiques et indicateurs de résultats, qui conduiront les EOH à être plus présentes dans les services de soins, qu’elles ne l’ont peut-être été auparavant.

 

Questions-réponses-Commentaires

Fabien Squinazi (C) : merci pour cette présentation de l’évolution des EOH qui permet de constater la création de nouveaux outils face aux nouveaux risques et l’adaptation qui a été faite.

Fabien Squinazi (Q) : à quel services sont rattachés les EOH ?

(R) : ceci est très variable selon les hôpitaux ; certaines sont rattachées à la santé publique, d’autres, beaucoup plus souvent au service de microbiologie ; certaines à la gestion des risques. Chaque hôpital doit trouver son organisation. Le rapprochement des EOH aux équipes de gestion des risques est la plus intéressante. Cette tendance existe dans les hôpitaux de taille moyenne.

Philippe Arnaud (C) : votre présentation m’amène à faire plusieurs commentaires :

  1. les équipes d’hygiène hospitalière travaillent main dans la main avec les services pharmaceutiques à l’hôpital.
  2. il se trouve que les préoccupations attenantes à la gestion des équipes en charge de l’hygiène hospitalière recoupent pour beaucoup de points celles d’un service pharmaceutique : que ce soit au niveau des contraintes financières, des outils informatiques, de la valorisation des activités médico-économiques, de la valence universitaire « recherche » ou du métier qualifié de protéiforme. S’agissant des effectifs c’est une chance pour l’hygiène hospitalière que d’avoir cette donnée définie par voie réglementaire. En pharmacie, il y a une très grande inégalité territoriale.
  3. les pharmaciens hygiénistes et les pharmaciens du médicament à l’hôpital sont inscrits à la même section du Conseil National de l’Ordre des Pharmaciens (CNOP). Ne faudrait-il pas une section particulière pour identifier les hygiénistes ? Cependant, la question du caractère indispensable de leur inscription se pose car ils n’ont pas de responsabilité pharmaceutique avec le médicament au sens strict du terme.
  4. pour les établissements publics, le Centre national de gestion détient les données relatives aux effectifs réels de pharmaciens de nos hôpitaux publics.

(R) : je pense que l’arrivée des Formations Spécialisées Transversales (FST) sera une grande opportunité pour établir une formation initiale d’hygiéniste. Il ne faudra pas rater cette étape lorsque le Diplôme d’Études Spécialisées Complémentaires de pharmacie sera modifié.

Claude Monneret (Q) : s’agissant de la recherche, vous dites que le domaine est peu développé ; mais aussi du fait du métier « protéiforme », n’existe-t-il pas toute une population qui échappe à votre investigation ?

(R) : à l’hôpital, la recherche est limitée au niveau de la prévention des infections. Les réanimateurs sont très actifs en matière de recherche dans ce domaine. Il serait intéressant d’investiguer quels sont les acteurs de cette recherche et potentiellement rendre la discipline plus attractive.

Isabelle Momas (Q) : quel regard critique portez-vous sur les indicateurs ? Dans la mesure où l’objectif initial était dédié à l’information du public et que par la suite il a été établi des objectifs quantifiés. Ces indicateurs sont-ils suffisants ? Répondent-ils aux objectifs ?

(R) : initialement, les indicateurs étaient des indicateurs de bonnes pratiques, et ceux-ci ont répondu avec succès  au souhait de transparence envers les usagers. Pour le futur, la question sera de savoir si les indicateurs devront rester des indicateurs de bonnes pratiques ou des indicateurs de résultats, plus exigeants. Nous avons commencé à travailler sur les taux de staphylocoques résistants, les  bactériémies évitables à staphylocoque doré ; nous allons vers des données qui seront générées par les outils du Programme de Médicalisation des Systèmes d’Information (ex : infection après prothèse de hanche ou genou).

Bernard Festy (Q) : que proposez-vous de concret en matière de valorisation médico-économique des actions des EOH ?

(R) : cette question est difficile à traiter. Il existe des outils simples qui sont très peu utilisés, comme par exemple pour évaluer les coûts évités grâce à la réduction des infections. Ceci constitue une première approche immédiate. Le coût du risque infectieux associé aux soins mériterait probablement une modélisation pour se projeter à plus long terme et pour traiter un sujet aussi difficile que : « quel serait le coût sociétal- et pas seulement hospitalier- du risque des IAS ? quelles seraient les conséquences à long terme du contrôle à court terme d’une bactérie résistante » ? Il existe un manque de données pour convaincre les institutions que notre activité peut être coût-efficace.


 

 

« Le travail au quotidien d’une équipe opérationnelle d’hygiène hospitalière »

Dr Françoise Karnycheff, Praticien hygiéniste, CH Foch, Suresnes

Diapositives présentées

Chaque jour, comme dans tous les services de l’hôpital, les activités principales de l’équipe opérationnelle d’hygiène hospitalière (EOH) sont centrées sur les patients déjà hospitalisés et ceux nouvellement accueillis.

Ces activités sont :

-   l’hygiène des soins : exemple de l’hygiène pour la pose et surveillance de cathéters veineux périphériques ou centraux

-   l’hygiène de l’environnement : air, eaux, surfaces

-   la prévention de la transmission des Bactéries MultiRésistantes (BMR) et de germes à haut risque infectieux : exemple de Mycobacterium tuberculosis, de Clostridium difficile

À ce travail quotidien s’ajoute la mission de formation initiale des élèves et celle continue du personnel

Ces activités sont assurées en commun par une équipe pluridisciplinaire composée d’infirmier(e)s hygiénistes, de techniciens bio-hygiénistes, d’un interne à mi-temps, d’un microbiologiste, d’un praticien en hygiène.

Dans le cas de l’EOH de l’hôpital Foch, cette équipe est rattachée au service de biologie clinique.

L’hygiène dans un hôpital est une fonction transversale qui nous amène donc au quotidien à travailler avec de nombreux services : services de soins, infectiologue, qualité/gestion des risques, pharmacie, biomédical, travaux, logistique, santé au travail, communication…

Si les compétences de chacun sont évidemment indispensables, le sens du service et des qualités de communication le sont aussi au sein d’une EOH.

Questions-réponses-Commentaires

Fabien Squinazi (C) : je vous remercie beaucoup d’avoir présenté le vécu au sens réel d’une EOH. Votre travail est énorme et diversifié.

Jean Claude Chaumeil (Q) : en pratique, pouvez-vous m’indiquer quel est le laboratoire opérationnel selon les sujets à traiter ?

(R) : s’il s’agit d’une infection sur un dispositif médical ou sur un patient c’est le laboratoire de microbiologie qui prend en charge ; s’il s’agit de l’environnement, c’est le laboratoire de l’environnement. Les deux activités sont séparées.

Jean Claude Chaumeil (Q) : comment procéder pour effectuer une bonne surveillance des eaux ?

(R) : l’hôpital Foch est spécialisé en transplantation d’organes solides. L’immunodépression existe mais ne correspond pas à celle de services d’hématologie. Nous sommes en alerte bien en amont avec les services techniques sur la qualité des réseaux d’eau. Historiquement, ces réseaux étaient de très mauvaise qualité. Tous les réseaux d’eau ont subi une réfection et de ce fait, nous avons actuellement très peu de filtres (que pour le traitement des endoscopes).

Yves Lévi (Q) : avez-vous mis en évidence des infections par des bactéries multirésistantes (BMR) dont l’origine soit l’eau du réseau ?

(R) : nous savons que les sanitaires sont des lieux de transmission. Nous avons fait des prélèvements d’eau au niveau du robinet mais jamais au niveau des toilettes. Règlementairement, une fois par an, nous effectuerons un prélèvement à la source c’est-à-dire au niveau du compteur d’eau. Il est toujours négatif. Ce qui pourrait être contaminé, ce sont les surfaces.


« Rôle d’un laboratoire d’hygiène hospitalière : l’exemple de l’hôpital Saint-Antoine »

Dr Frédéric Barbut, Praticien hygiéniste, CHU Saint-Antoine

Diapositives présentées

La majorité des infections associées aux soins (IAS) est d’origine endogène (par les bactéries du patient) ou exogène (par les bactéries transmises par les mains des soignants). La part des IAS liées à la contamination de l'environnement hospitalier, à l'exception de celles liées à quelques micro-organismes d'origine environnementale comme Legionella pneumophila (eau), Aspergillus (air), Acinetobacter ou Clostridium difficile (surfaces) est encore mal appréhendée et beaucoup de connaissances restent à acquérir dans ce domaine. Malgré ces incertitudes, l’implication de l’environnement dans la transmission des infections nosocomiales doit être prise en compte. La maîtrise de l'environnement apparaît indispensable dans les établissements de santé, afin de protéger les patients, en particulier les plus fragiles, ainsi que le personnel.

Objectifs des contrôles microbiologiques d’environnement

La réalisation des contrôles d'environnement (air, eaux, surfaces pour l’essentiel) fait partie de la politique de lutte contre les IAS. Ce sont des indicateurs qui s’intègrent dans le plan d’action qualité de la gestion du risque infectieux. Sur la base de recommandations émises par la Société Française d’Hygiène Hospitalière et de textes normatifs ou réglementaires, chaque établissement de santé doit adapter la stratégie de contrôle de son environnement, en fonction de zones à risque qui auront été au préalable définies par le CLIN, l‘équipe opérationnelle d’hygiène (EOH) et les services techniques.

Les objectifs des contrôles d’environnement peuvent être de plusieurs ordres :

- contrôles réglementaires (légionelles, potabilité) ;

- contrôles dans le cadre d’une procédure de qualification d’une installation avant le démarrage des activités dans un nouvel environnement (ex : salles opératoires, enceinte de stockage des endoscopes thermo-sensibles) ;

- contrôles à visée de surveillance (dans le cadre du plan de maintenance d'une installation (ex.: flux laminaires) ou d'un plan d'action qualité (surveillance de points critiques) ;

- surveillance dans le cadre de travaux générant un risque (Aspergillus, Legionella..) : évaluation du niveau de ce risque ;

- contrôles à visée d’investigation dans le cadre d’une enquête épidémiologique si elle oriente vers une contamination environnementale : recherche de la source de contamination afin de la supprimer ;

-  éventuellement contrôles à titre pédagogique : motivation des équipes de bionettoyage.

Limites aux contrôles microbiologiques d’environnement

Pour la majorité des contrôles d’environnement (air, eaux surfaces), il n'existe pas de seuils clairement démontrés au-delà desquels un risque infectieux peut être défini. Dans les différentes épidémies rapportées, la dose infectante n'est pas connue. L’interprétation des contrôles environnementaux est délicate car ils donnent une image instantanée qui reflète l’état à un instant «T» qui dépend de l’état physiologique des bactéries (stressées et parfois non cultivables) et de la présence d‘un biofilm (qui influence le rendement de prélèvement).

Les contrôles de l’environnement doivent être réalisés par des personnes compétentes et habilitées selon un cahier des charges (ou cahier des clauses techniques particulières (CCTP)) qui est défini par le client (souvent les EOH). Les contrôles relèvent de la norme d’accréditation COFRAC NF EN ISO/CEI 17025 (exigences générales concernant la compétence des laboratoires d’analyse et d’essai) qui est différente de celle de la biologie médicale (NF EN ISO/CEI 15189).  Ils différent également par :

- les techniques de prélèvements (biocollecteurs d’air, géloses « contacts », neutralisation des résidus de désinfectants) qui doivent être normalisées ou standardisées ;

-  les milieux d’ensemencement et les conditions d’incubation ;

- les critères d’interprétation à trois niveaux : niveaux cible, d’alerte et d’action. IL faut toujours se rappeler que les contrôles d'environnement ne sont ni des prévisions du risque infectieux, ni des certificats de bonne ou de mauvaise conduite.

Autres missions

Les laboratoires de « Microbiologie de l’environnement » peuvent être amenés à évaluer l’activité in vitro bactéricide de certains antiseptiques ou désinfectants selon des normes adaptées, et/ou réaliser le typage moléculaire rapide de bactéries dans le cadre de l’investigation d’épidémies.

Quelques exemples précis d’interventions du laboratoire de Microbiologie de l’environnement de l’hôpital Saint Antoine seront présentés au cours de l’intervention.

Conclusion

Si les contrôles microbiologiques de l'environnement sont un des outils de mesure qui permettent d'évaluer une situation de départ et l'efficacité de mesures correctives, ils doivent être mis en œuvre de façon pertinente et obéir à des objectifs très précis tout en évitant une inflation d'analyses inutiles, consommatrices de temps et de moyens financiers.

 

Table ronde sur les besoins et évolutions

              Coordinateur : Fabien Squinazi, membre de l’Académie nationale de Pharmacie

     Participants : les conférenciers et Bruno Grandbastien, Maître de conférence, Faculté de Médecine de Lille, Praticien Hospitalier CHU Vaudois à Lausanne ; Pascal Astagneau, Hôpital de la Pitié Salpêtrière, Professeur de Santé Publique à l’EHESP de Rennes ; Philippe Vanhems, Unité d’Hygiène, épidémiologie, prévention, Hospices Civils de Lyon ; Arnaud Fekkar, praticien hospitalier au service de parasitologie, Hôpital de la Pitié Salpêtrière, membre de l’Académie nationale de Pharmacie

Fabien Squinazi, s’adressant à Bruno Grandbastien (Q) : vous avez travaillé en France comme en Suisse, que pensez-vous de notre expérience française ?

Bruno Grandbastien (R) : en effet, j’ai eu la chance de travailler 25 ans au CHU de Lille, établissement de grande taille et j’exerce actuellement en Suisse dans un établissement de plus petite taille. Il s’agit donc de deux établissements qui ont des contextes de taille et d’organisation bien différents. Ceci m’amène à plusieurs constats :

1.      en Suisse, nous avons beaucoup plus de personnel dédié à l’hygiène hospitalière, notamment pour assurer les formations et obtenir une bonne participation des équipes. Dans un établissement de moins de 1000 lits, l’EOH est constituée de quatre équivalents temps plein (ETP) « médecins/pharmaciens » et huit ETP paramédicaux, soit des chiffres similaires à ceux des recommandations internationales, à savoir un praticien pour 250 lits et un cadre paramédical pour 150 lits.
2.      les liens entre les différents services impliqués dans la prévention des infections associées aux soins sont très développés : que ce soit entre les services de microbiologie, des maladies infectieuses, de la pharmacie ou avec les hygiénistes. Nous organisons une réunion par jour au cours de laquelle sont présentés les résultats microbiologiques, tant en terme de suivi que de résultats plus récents. Le laboratoire d’hygiène est très intégré à la problématique.
3.      les personnels paramédicaux ont une qualification spéciale : il s’agit d’infirmiers certifiés. On les nomme EPIAS : « expert dans la prévention des infections associées aux soins ».

Après ces commentaires témoignant d’une situation plutôt favorable de l’organisation suisse sur ce sujet, d’autres points sont moins optimistes et liés au fait que la Suisse est un État fédéral décentralisé, constitué de 26 cantons et d’autant de ministères de la santé. De ce fait, je fais le constat :

1.      d’une absence de fluidité entre les villes ;
2.      d’un consensus pas toujours facile à trouver pour établir des recommandations nationales ;
3.      d’une difficulté à mettre en place des mesures de prévention, même si le contexte épidémiologique est favorable ; le modèle de la chambre hospitalière dans les hôpitaux est celui de chambres à cinq lits !

En conclusion, je pense que le système suisse a des avantages concernant les moyens humains, des interfaces très fortes entre les acteurs et services, une « surspécialisation » des professionnels en matière d’hygiène hospitalière; en revanche, des difficultés sont générées en relation avec l’organisation fédérale du pays.

Fabien Squinazi, s’adressant à Philippe Vanhems (Q) : pouvez-vous nous apporter votre avis d’expert en ce qui concerne la prévention des infections virales ?

Philippe Vanhems (R) : les infections nosocomiales virales existent bien à l’hôpital et représentent à peu près 5 à 7 % du total des infections nosocomiales. Quelques remarques peuvent être apportées sur ces points :

1.      un certain nombre de mesures de prévention sont identiques à celles d’autres infections d’origine bactérienne par exemple ; on peut noter que s’agissant des infections virales, la vaccination (grippe, hépatite B) est une mesure bien particulière pour assurer la prévention ;
2.      nous pouvons constater des liens existant entre le risque communautaire et le risque hospitalier ;
3.      les diagnostics d’infections nosocomiales virales sont sous-estimés en raison d’une approche diagnostique et thérapeutique moins développée ;
4.      les infections nosocomiales virales peuvent constituer des facteurs favorisant au développement des infections nosocomiales bactériennes ;
5.      nous faisons également tous le constat de besoins de formation. Aux HCL, à Lyon, chaque EOH est encadrée par un binôme « pharmacien/médecin ». Pour nous, la complémentarité est extrêmement importante.

Fabien Squinazi, s’adressant à Arnaud Fekkar (Q) : pouvez-vous nous apporter votre avis d’expert en ce qui concerne la prévention des infections mycologiques ?

Arnaud Fekkar (R) : j’ai été très intéressé par la présentation de Frédéric Barbut sur la microbiologie environnementale, en effet son organisation est extrêmement variable d’un endroit à l’autre ; l’aéro-contamination fongique est un risque réel existant. Il existe toujours un débat sur le type de prélèvement d’air, le lieu etc.

Est-ce que la microbiologie de l’environnement est obligatoire ? Beaucoup de prélèvements sont réalisés par des prestataires de services, les EOH ne s’en occupent pas et nous ne pouvons pas intervenir ; il règne un flou en matière de surveillance fongique. Nous nous interrogeons sur la façon d’harmoniser les pratiques et les structures.

Frédéric Barbut (R) : il y a une grande hétérogénéité des structures existantes en terme d’organisation, de compétence, de plan d’échantillonnage. Il existe une réelle nécessité de création de services de microbiologie d’environnement. L’harmonisation des techniques est difficile. On retrouve une certaine incohérence de la part des sociétés savantes (Société française d’hygiène hospitalière, Société française de mycologie etc.). Un référentiel émerge et a été publié par l’ensemble des CClin (lieu, technique). Nous militons pour avoir un système d’accréditation - que nous avons déjà pour les légionelles. Nous nous heurtons souvent à des demandes dont les fondements sont difficiles à trouver (ex : saisine d’un service car il y a une « mauvaise odeur »). Le circuit de demande n’est pas toujours clair et nous avons besoin de l’aval de l’EOH.

Fabien Squinazi, s’adressant à Pascal Astagneau (Q) : pouvez-vous nous apporter votre point de vue concernant la formation des personnels des EOH ?

Pascal Astagneau (R) : en matière de formation, il n’y a pas vraiment de fondement académique en France. Il existe bien un DIU mais ce n’est pas un diplôme national qualifiant en hygiène, que ce soit pour les médecins, pharmaciens ou les infirmières. La réforme du 3ème cycle des études en santé est en cours. Les disciplines médicales concernées sont la santé publique, la microbiologie médicale et les maladies infectieuses auxquelles s’est adjointe la réanimation médicale. Notez également l’initiative de formation spécialisée transversale -FST- en hygiène qui traitera de « l’hygiène, prévention des infections et résistance ».

Ce sera une « sur spécialité » en hygiène (similaire à ex-DESC- diplôme d’études spécialisées complémentaire), intégrée à la formation de l’interne pendant deux semestres. Pour les pharmaciens, la réflexion est en cours pour harmoniser la formation avec celle des médecins. Au final, le but est d’obtenir une certaine attractivité pour la recherche, entre autres. Les nouveaux internes arrivant en novembre 2017 pourront dire, à la fin de la 1ère année, qu’ils font un vœu de FST au cours de leur formation.

Pierre Parneix (R) : la FST est une avancée majeure mais serait inachevée si les pharmaciens ne rejoignent pas ; il y a un vrai enjeu de formation.

Francoise Karnicheff (R) : je suis d’accord et ce, d’autant que lorsque les internes démarrent dans le domaine de l’hygiène, ils ont envie de poursuivre !

Jean-Christophe Lucet (R) : dans mon unité, j’ai un poste d’interne, de biologie médicale mais qui a aussi l’agrément pour la filière Innovation Pharmaceutique et Recherche -IPR- de pharmacie ; le poste est plus souvent choisi par des internes en IPR souhaitant faire de l’hygiène hospitalière que des internes de biologie médicale désirant seulement une expérience en hygiène mais qui se destineront à la microbiologie ultérieurement. Je voudrais ajouter qu’il est possible que les pharmaciens soient moins habitués  à communiquer avec les services cliniques par rapport aux internes en biologie médicale.

Yves Lévi (Q) : dans les hôpitaux, il y a souvent des ingénieurs qui s’intéressent à l’environnement. Le CNR de Lyon pour les légionelles, au début ne connaissait pas du tout l’écologie microbienne et c’est la collaboration avec des spécialistes d’écologie microbienne qui fait progresser les préventions. De toutes les expériences émergentes, où centralise t-on les données (ARS, tutelle, ministère ?) pour enrichir les bases de données ?

Pascal Astagneau (R) : ce serait à ces structures de répondre ; cependant, nous avons des réunions régulières avec les ministères et les structures régionales dans lesquelles les CPIAS (ex CClin) sont intégrés. Ceci est un vrai enjeu. Quelle sera la capacité des autorités administratives à impulser des dynamiques ? Cette question cependant n’est pas  spécifique à l’hygiène.

Isabelle Momas (C) : s’agissant de la formation des internes qui s’orienteront vers une carrière universitaire, je pense que l’hygiène hospitalière doit aussi être intégrée au niveau d’un master, master qui ne serait peut-être pas spécifique à l’hygiène, mais plus largement centré sur l’évaluation et la gestion des risques. Cette formation sous forme de master 3ème cycle devrait s’ajouter à la formation pour les internes.

Pascal Astagneau (R) : je suis d’accord si tant est que l’on considère que le DESC et le master sont deux choses bien différentes.

 

Conclusions

 

Fabien Squinazi

À l’issue de cette réunion, je remercie tous les intervenants d’avoir brossé un tableau sur des sujets si intéressants et d’avoir fait émerger des idées de pistes de réflexion en vue d’une amélioration de l’existant.

 

Clôture par Claude Vigneron, Président de l’Académie nationale de Pharmacie

Après la richesse de ces débats, il me semble que des recommandations pourraient être établies dans les domaines suivants :

  • une harmonisation dans le cadre de l’hétérogénéité des pratiques ;
  • une harmonisation des techniques et éventuellement une orientation vers l’accréditation ;
  • une évolution de la formation.

 

Il remercie très vivement les organisateurs de la réunion Yves Lévi, Isabelle Momas et Fabien Squinazi.

 

Le président Claude Vigneron clôt la séance à 17h.

 

 

 

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              Claude Vigneron                                                                              Agnès Artiges

                     Président                                                                                  Secrétaire Perpétuel