Décoration du corps humains et risques pour la santé

Compte rendu et diapositives présentées lors de la séance thématique du 14 juin 2017
Introduction - Frédéric Bonté
« Aspects réglementaires » - Patrick Fallet
« Corps / décor : revue des complications dermatologiques des pratiques ornementales » - Nicolas Kluger
« Aspects physiologiques, toxicologiques et risques » - Hervé Ficheux
Études de cas et table ronde :
« Tatouages et détatouage » - Isabelle Catoni
« Éclaircissement des dents : effets secondaires et risques » - Claude Finelle
« Ongles artificiels : quels risques ? » - Édith Duhard
Conclusions et recommandations - Dominique Chulia-Clément et Monique Seiller

 

« Décoration du corps humain et risques pour la santé »

Séance thématique

Mercredi 14 juin 2017 de 14 h 00 à 17 h 00


Ouverture de la séance par Claude Vigneron, Président de l’Académie nationale de Pharmacie

 

Le Président Claude Vigneron ouvre la séance en rappelant les quelques points suivants :

 

  • le vote tout récent par l'Assemblée de la Compagnie, en faveur de la création de la 6ème section « Santé et Environnement » de l'Académie nationale de Pharmacie. Isabelle Momas et Yves Lévi ont été rencontrés pour la mise en place rapide de cette section ;
  • le Prix littéraire de l’AnP sera remis en décembre 2017 : quatre livres ont été présélectionnés ;
  • la séance thématique de ce jour sur le thème « Décoration du corps humain et risques pour la santé » est ouverte.

 

 Dominique Chulia-Clément et Monique Seiller introduisent la séance et adressent de sincères remerciements aux différentes personnes et acteurs qui ont soutenu le projet et contribué à la tenue de cette séance : la 2ème section de l’AnP, la commission Prospectives Scientifiques et Programmation, le Président Claude Vigneron, le Bureau, Frédéric Bonté et Hervé Ficheux, ainsi que l'ensemble des intervenants.


Introduction par Frédéric Bonté, membre de l’Académie nationale de Pharmacie

Diapositives présentées

La décoration du corps humain fait partie de notre humanité. L’homme, depuis des millénaires, a cherché à modifier ou décorer sa peau en vue de modifier ses rapports à la nature (le camouflage), affirmer sa force, son statut social ou son appartenance à un groupe. Plus récemment dans l’évolution, il a aussi décoré son corps pour séduire ou exprimer sa personnalité. Si le rouge, le noir et le blanc sont trois couleurs universelles, de par l’accès à de nouvelles couleurs synthétiques ou naturelles, il utilise aujourd’hui de nombreux et nouveaux moyens pour décorer son corps. Le support à cette décoration corporelle est sa peau et ses phanères. La peau, son enveloppe corporelle est un tissu différencié dont les couches supérieures se renouvellent tous les 24 jours par un processus de desquamation. La structure de la peau qui, chez un individu adulte, représente environ 2m2, varie assez fortement d’une région à une autre du corps, en épaisseur, en densité de follicules pileux et de glandes sébacées. Aussi, la fragilité de la peau et les capacités d’absorption de ce qui est appliqué dessus sont très variables.

Aujourd’hui nous ne traiterons pas des produits cosmétiques « traditionnels », de soin, de maquillage, qui relèvent de la réglementation cosmétique. Nous traiterons des produits et pratiques frontières qui peuvent poser question car peu contrôlés. Nous aborderons principalement :

  • les tatouages avec des produits très divers, peu contrôlés, injectés dans les couches profondes et de leur devenir dans une peau saine ou lésée ;
  • les pratiques de décoration sur des surfaces importantes du corps et la substantivité des produits ;
  • certains maquillages festifs vendus dans des circuits peu contrôlés ou « furtifs » ou « recettes maison » et qui peuvent toucher les enfants ;
  • les pratiques d’éclaircissement des dents et les risques pour l’émail ou la dent selon son état ;
  • les risques potentiels liés aux colles utilisées pour des poses de décoration et les nouveaux tatouages électroniques pour une beauté connectée.

« Aspects réglementaires »

Patrick Fallet, membre de l’Académie nationale de Pharmacie

Tatouage, piercing, maquillage permanent, blanchiment, pose de faux ongles, épilation définitive, toutes ces pratiques obéissent à des tendances liées à la mode, à des repères identitaires et générationnels où l’art du paraître dépasse les simples codes vestimentaires. Mais ces pratiques sont loin d’être anodines : elles suscitent l’éclosion de marchés non négligeables avec des professions en plein essor parfois autoproclamées (« artiste tatoueur », « pierceur », « styliste ongulaire »).

La réglementation s’adapte à ces nouvelles pratiques, le plus souvent rapidement face aux dangers. Elle vise à protéger le consommateur : ainsi, il est interdit de tatouer ou de pratiquer un piercing sur un mineur sans l’accord de l’un de ses parents, cet accord écrit doit être conservé pendant trois ans après la réalisation du tatouage. Un pierceur doit refuser de réaliser un piercing des seins ou des parties génitales sur un mineur. Mais il n’existe pas d’âge minimum légal pour percer les oreilles d’un bébé. L’usage d’un pistolet perce-oreilles pour le body-piercing est interdit.

Il n’existe pas de diplôme spécifique pour la plupart de ces professions. En revanche, un tatoueur, un pierceur ou une personne effectuant un maquillage permanent doivent avoir suivi une formation aux conditions d’hygiène et de salubrité d’une durée minimale de 21 heures réparties en trois jours consécutifs en deux modules de formation (théorique et pratique). Cette formation ne peut être délivrée que par un organisme habilité à la dispenser. Mais cette formation « hygiène et salubrité » ne constitue pas une initiation ou un apprentissage aux techniques de tatouage. Ces professionnels doivent se déclarer à la préfecture et respecter les règles relatives aux déchets à risque infectieux (DASRI).

Chaque client (on ne peut parler de « patient ») doit être informé des risques auxquels il s’expose ; cette information est également affichée dans les locaux. Ces risques sont loin d’être anodins puisque, dans le cadre du don du sang, parmi les questions posées au donneur (de 18 à 70 ans) figure celle-ci : « avez-vous eu un piercing (boucle d’oreille compris) ou un tatouage dans les quatre derniers mois ? ». Si la réponse est « oui », le don de sang est refusé. Les produits de tatouage, dont ceux utilisés pour le maquillage permanent, font l’objet d’une réglementation spécifique dans le Code de la santé publique ; l’ANSM est particulièrement vigilante sur le respect de ces dispositions. Certains produits de tatouage sont destinés au « tatouage temporaire » ; ces produits relèvent alors de la réglementation des produits cosmétiques. Il existe certains produits à base de henné non conformes à cette réglementation (henné noir) pour lesquels chaque été des accidents surviennent ; la DGCCRF et l’ANSM attirent l’attention des consommateurs sur les risques encourus. Si les tatoueurs utilisent un dermographe, appareil pour tatouer, ils ne peuvent avoir recours à un électrodermographe pour « détatouer » car l’emploi de ce matériel est réservé aux médecins depuis un arrêté de 1962.

C’est le même arrêté qui permet aux médecins de revendiquer l’exclusivité de l’épilation à la lumière pulsée : le 14 décembre 2016, la Cour de cassation a confirmé la décision de la Cour d’appel de Douai selon laquelle « l’épilation à la pince et à la cire sont les seuls mode d’épilation qui peuvent être pratiqués par d’autres professionnels que les médecins ». Dans un récent rapport « Risques sanitaires liés à l’utilisation des appareils mettant en œuvre des agents physiques destinés à la pratique des actes à visée esthétique », l’ANSES préconise de revoir cet arrêté et de doter les appareils électriques utilisés (lasers, etc.) du statut de dispositif médical, ce qui serait possible compte tenu du « Recast » européen.

Le cas des « bars à sourire » permettant le blanchiment de la face externe des dents ne pose plus de problème particulier depuis le 31 octobre 2012. Les produits utilisés dans ces bars relèvent de la réglementation des produits cosmétiques et ne doivent pas dépasser 0,1 % de peroxyde d’hydrogène. Les produits d’éclaircissement dentaires utilisés par les chirurgiens-dentistes ne doivent pas dépasser 6 % de peroxyde d’hydrogène. En revanche, la composition des produits utilisés de façon presque clandestine pour le blanchiment de la peau continue de poser des problèmes sanitaires.

Le succès des « ongleries » s’est traduit par le développement d’un nouveau marché, celui des faux ongles largement popularisé par des personnalités du show-biz. Mais cette pratique n’est pas sans inconvénient, à tel point que l’ANSM a informé le 2 août 2016 sur les risques et précautions à prendre. La pose et la dépose du faux ongle doivent être faites par un professionnel. Un courrier de la Secrétaire d’État chargée du Commerce, de l’Artisanat, de la Consommation et de l’Économie sociale et solidaire de janvier 2016 a défini les missions de la prothésiste ongulaire. Celle-ci (ce métier est majoritairement exercé par des femmes) se fait appeler « styliste ongulaire » et est notamment en charge de la pose et de la dépose de faux ongles. Selon l’ANSM, si la pose du faux ongles pose peu de problèmes, c’est surtout la durée et la dépose qui peuvent être sources de désagrément. Pour le moment, il ne s’agit que de recommandations, notamment d’attendre 16 ans ou de ne pas être enceinte pour en porter. Le port de faux ongles est incompatible avec une intervention chirurgicale ou si la personne fait partie du personnel soignant. En cas d’anomalies détectées, il est vivement recommandé non seulement de faire enlever les extensions mais aussi de consulter un médecin. Mais ce n’est qu’une recommandation sans caractère contraignant.

Enfin, une question reste en suspens : tous ces professionnels sont-ils assurés face aux risques encourus par leur clientèle ?

Questions/Réponses/commentaires

Jean-Claude Chaumeil (Q) : vous avez parlé de produits de décoloration qui sont interdits, tels que les corticoïdes, les phénols etc. Je voudrais ajouter que certains d’entre eux sont autorisés à des concentrations exonérées et interdits au delà d’une certaine concentration. Certaines préparations traitent une pathologie avec une indication bien spécifique. À titre d'exemple, la préparation magistrale dépigmentante de Kligman associant : acide rétinoique, hydrocortisone, hydroquinone et traitant des tâches solaires.

(R) : certes ; je voulais insister sur le fait que certains produits venant d’autres pays, Nigeria par exemple, ne comportent aucune information sur leur composition et qu’il faut absolument interdire.

Jean-Roger Claude (C) : je voudrais insister sur le risque gravissime des produits de blanchiment qui circulent tant au niveau national que international (Afrique Noire, Caraïbes, etc.). On observe un manque total d'appréciation de la sévérité de ces produits. Également, il faut citer l'emploi de produits utilisés comme défriseurs et conduisant à des accidents très graves pour le cuir chevelu. Ne font-ils pas l’objet de la séance de ce jour ?

Dominique Chulia-Clément (R) : ont été écartés de la thématique de cette séance les produits qui relèvent du champ de la cosmétique mais vous avez raison de souligner la dangerosité de ces produits.


 « Corps / décor : revue des complications dermatologiques des pratiques ornementales »

Nicolas Kluger, MD, PhD, Praticien hospitalier, service de dermatologie, Hôpital Universitaire d’Helsinki, Finlande.

Diapositives présentées

 

L’embellissement du corps a toujours été une recherche et un objectif pour l’homme et la femme. Les décorations corporelles peuvent être temporaires (maquillage, faux-ongles, bronzage, pseudo-tatouage temporaire…) ou permanentes. Le « body-modification » ou « body-alteration » peut être défini comme la modification de tout ou une partie du corps pour des raisons, non médicales, allant de l’esthétique à la spiritualité. Il comprend de nombreuses pratiques qui débutent par le simple « body-building », en font partie le maquillage permanent ou la chirurgie esthétique (prothèse mammaire, injections de produits de comblement), au body-piercing, les tatouages, voire des modifications encore plus extrêmes et marginales comme les implants intradermiques ou sous cutanés (anchoring), les brûlures volontaires (branding), des formes de mutilations (comme le « splitting », par exemple, se faire couper la langue pour obtenir une langue bifide comme un serpent) ou les scarifications… Toutes ces pratiques (même le maquillage !) peuvent s’accompagner de complications cutanées. Nous passerons en revue les risques de certaines pratiques, leurs possibles causes et la prévention possible.

 

Questions/Réponses/commentaires

 

Élias Fattal (Q) : quels sont les effets du tropisme vers les follicules pilosébacés des formes nano particulaires de pigments, sur les pathologies du follicule ?

 

(R) : à l’heure actuelle, on ne connaît pas bien les conséquences ; on ne dispose que de très peu d'études.

 

Monique Adolphe (Q) : du fait des risques aussi importants encourus par les patients avec l'utilisation de ces produits, ne devrait-on pas mieux informer le public? Et peut-être faudrait-il proposer le consentement éclairé de la personne avant tout acte ?

 

(R) : je participe à des interventions sur ce sujet depuis 10 ans. Il s'avère que l’information des individus ne les démotive pas quand ils sont réellement demandeurs. Le message doit venir des tatoueurs.

 

Daniel Vasmant (Q) : ce phénomène sociétal peut avoir des conséquences de santé publique en cas de complications. Comment expliquer l'engouement pour les tatouages et quelles sont les motivations des personnes qui les demandent ?

 

(R) : au-delà des raisons qui portent sur l'amélioration de l'image corporelle, l'estime de soi, etc., il y a bien sur d'autres problèmes qui peuvent être sous-jacents à la demande, tels que des problèmes psychologiques, et pour lesquels nous n'avons pas de solution immédiate lorsque les patients sont demandeurs.

 

Isabelle Catoni (R) : j'ai été plusieurs fois invitée à des interviews avec des tatoueurs ; il ne faut surtout pas les critiquer ! Il y a une réelle vénération pour les artistes et aussi beaucoup de difficultés pour proposer des consignes de sécurité.

 

Yves juillet (Q) : quelle est la réelle incidence de ces complications ?

 

(R) : en tant que praticien d’une consultation spécialisée, je rencontre un à deux cas de complications par semaine. Un dermatologue rencontre environ un cas de complication grave par an. Au sein des 7 millions d'habitants tatoués en France, 6 % ont fait l'expérience d'un effet secondaire, tous ordres de gravité confondus. Un registre de suivi entre 1950 et 2012 montre que 54 cancers de la peau dus au tatouage ont été déclarés, ce qui est considéré comme un bruit de fond. Le Conseil de l'Europe s’intéresse aux aspects économiques de ce sujet.

 

Catherine Regnault Roger (Q) : a-t-on une idée de ce que représente le marché du tatouage en France (en euros) et des dépenses de santé publique afférentes aux complications générées ?

 

(R) : sur ce sujet intéressant, des enquêtes sont en cours au niveau de l’Agence européenne de chimie à Helsinki ; à titre personnel, je m’intéresse à ce sujet dans le cadre de mes activités à l’hôpital Bichat.

 

Patrick Fallet (Q) : on entend parler de piercing au niveau des organes génitaux ; les médecins font-il du piercing et notamment ce genre de piercing ? Avez-vous des demandes ?

 

(R) : j’ai entendu parler de collègues pratiquant ces actes.

 

Dominique Duchêne (Q) : en faisant une recherche rapide, j’ai lu qu’il est proposé des tatouages changeant de couleurs ; en connaissez-vous ?

 

(R) : non, je n’ai pas connaissance de ceci.

 

René Ceolin (Q) : a-t-on une idée du chiffre d'affaires de l'industrie du tatouage en France ?

 

(R) : une séance coûte environ entre 100 et 150 €.

« Aspects physiologiques, toxicologiques et risques »

Hervé Ficheux, membre de l’Académie nationale de Pharmacie

Diapositives présentées

Les techniques de décoration du corps humain connaissent aujourd’hui un succès grandissant, exposant potentiellement les utilisateurs à plusieurs types de risques (allergie, toxicité systémique, infection…) qu’il convient d’évaluer précisément.

Quels que soient le type de produit et la technique de décoration mise en œuvre, la démarche générale de l’évaluation du risque pour l’homme est commune. Elle repose principalement sur l’identification du danger (« hazard », des anglo-saxons) qui correspond aux propriétés de toxicité intrinsèques de la molécule en cause et aux modalités d’exposition à la molécule étudiée.

L’exposition peut être systémique ou locale selon que la molécule, après application locale ou pénétration par effraction, parvienne ou non à rejoindre la circulation sanguine. Son éventuelle transformation métabolique doit être prise en compte. Cette dernière évaluation fait appel à des moyens analytiques performants en raison des faibles concentrations le plus souvent retrouvées et de la complexité des milieux. Cette aide indispensable de l’analyste, doit s’intégrer dès le début de l’analyse du risque, en fournissant des valeurs fiables sur les compositions des produits en particulier, impuretés et solvants résiduels.

De plus, l’analyse toxicologique, pour les différentes méthodes de décoration, varie selon la physiologie du site atteint : épiderme (tatouages temporaires, rayonnements …), derme (tatouages permanents …), tissus cutanés et muqueux (piercings …), émail dentaire (blanchiment des dents), phanères (faux ongles, extensions capillaires …).

Cette présentation permet d’insister sur l’importance qu’il y a à trouver des réponses scientifiques à de nouvelles problématiques pour mieux appréhender le danger et ainsi mieux cerner le risque. Contrairement au domaine du médicament, il n’existe aucun bénéfice pour la santé ; le seul bénéfice attendu étant esthétique. Ce dernier point ouvre la discussion sur des éléments plus philosophiques et émotionnels qui sortent du cadre de cet exposé.

Questions/Réponses/commentaires

Monique Seiller (Q) : nous disposons d'une liste négative de produits à ne pas utiliser ; pensez-vous qu'une liste positive serait intéressante à élaborer ?

(R) : oui certainement ; mais un problème important réside dans l'analyse claire et précise de la composition des pigments, incluant les conservateurs. Une liste positive serait donc extrêmement intéressante mais pour l’instant, complexe à élaborer avec exactitude.

Études de cas et table ronde

En présence de tous les conférenciers et

  • « Tatouages et détatouage »

Isabelle Catoni, Dermatologue, Neuilly-sur-Seine, Chargée de cours auprès des universités

L’engouement actuel pour les tatouages entraine une demande grandissante de détatouage. Outre les déceptions d’ordre esthétique, les remords peuvent avoir des causes multiples. Nous rencontrons actuellement une recrudescence d’infections à mycobactéries atypiques survenant lors du tatouage, des allergies aux encres (en particulier rouges) qui peuvent prendre l’aspect d’un simple eczéma ou de granulomes devant faire rechercher une sarcoïdose. Le détatouage se pratique à l’aide de laser, avec plus ou moins de succès mais les nouvelles techniques de tatouage (sculpture de la peau, profondeur d’incrustation) et les nouvelles encres utilisées (couleurs, laques, plastiques) rendent de plus en plus souvent les interventions au laser inefficaces et plaident en faveur d’une collaboration avec les tatoueurs.

Les indications du détatouage par laser sont soumises à de nombreux paramètres dépendants de la technique (encres, profondeur, couleur) et du patient (réaction de la peau à l’onde de choc).

La meilleure indication est le tatouage noir ou bleu, amateur ou professionnel, de grande ou petite taille, mais dont le dessin est superficiel. Le tatouage s’efface alors en une à trois séances sans laisser de trace.

Si le tatouage est noir, monochrome, mais très profond ou trop dense, nous préférons refuser le traitement car il nécessite un trop grand nombre de séances, au résultat incertain.

Pour les tatouages polychromes, certaines couleurs ne s’effacent pas, comme le turquoise ou l’orangé par exemple.

Les tatouages rituels du Maghreb s’effacent en général en une à trois séances, en revanche, ceux d’Afrique Noire ne peuvent être traités qu’avec le laser QS 1064 nm et nécessitent cinq séances ou plus. On prévient l’œdème avec des antihistaminiques et l’hypochromie avec des fluences plus faibles et des délais entre chaque séance plus longs.

Pour les tatouages cosmétiques, nous utilisons le laser erbium seul ou associé au CO2 fractionné (cinq séances ou plus) car le pigment ferrique présent dans l’encre change de couleur sous l’impact du laser QS.

Ainsi, nous ne savons toujours pas prévoir le nombre exact de séances nécessaires pour effacer les tatouages, de même, nous ne savons pas non plus, même après un nombre suffisant de séances, si le résultat sera un effacement total ou seulement partiel. En effet, les encres utilisées pour les tatouages peuvent disparaitre complètement sous l’effet du laser QS ou s’atténuer en laissant alors une ombre que nous essayons de traiter actuellement en associant dans la même séance laser fractionné et laser QS.

Certaines encres résistent au laser QS soit parce que la couleur ne correspond pas à une longueur spécifique de laser (par exemple turquoise ou orangé) soit en raison de la qualité de l’encre (laques) ou de sa quantité (densité trop importante, sculpture de la peau …).

Nous ne savons pas prévoir le risque d’hyperpigmentation post inflammatoire après une séance ou plus de laser QS sur la peau. En cas de survenue d’une hyperpigmentation post inflammatoire, nous proposons une longue pause et nous conseillons d’exposer les lésions au soleil car le débronzage pourra entraîner la disparition de la couleur brunâtre. Nous prescrivons parfois une préparation dépigmentante à base d’hydroquinone.

  • « Éclaircissement des dents : effets secondaires et risques »

Claude Finelle, Docteur en chirurgie dentaire, Fellow de la société américaine de dentisterie esthétique. Attaché de consultation à l’hôpital Saint-Louis. Pratique privée Paris 7ème

Diapositives présentées

C’est la molécule de peroxyde d’hydrogène qui est utilisée pour répondre à la demande d’éclaircissement dentaire de nos patients. Cette molécule a déjà été utilisée par le passé sous divers protocoles et à diverses concentrations.

La prise en compte de ces deux dernières notions est essentielle dans la compréhension des effets secondaires et du degré des risques encourus par les patients.

Nous aborderons le protocole utilisé par le chirurgien-dentiste afin de le comparer aux méthodes utilisées dans les bars à sourire. Ceci permettra, sans occulter les effets secondaires de ce type de traitement réalisés au cabinet dentaire, de mieux comprendre les risques de l’éclaircissement des dents réalisé par des non-professionnels.

Nous tenterons de proposer des précautions pouvant être prises pour limiter ces risques et parlerons de la législation européenne en vigueur.

  • « Ongles artificiels : quels risques ? »

Édith Duhard, Dermatologue, Tours.

Diapositives présentées

Le métier de prothésiste ongulaire est en plein essor. L’exercice de ce métier concerne la pose d’ongles artificiels dans un but d’embellissement et de rallongement de l’ongle normal, les décorations d’ongles et la pose de vernis  semi- permanent.

Les ongles artificiels sont de trois types (1)

  • les ongles sculptés en résine acrylique faits d’un mélange polymère–monomère, qui polymérise à l’air libre ; ils peuvent être enlevés à l’acétone.
  • les gels photopolymérisés ou gels UV pour lesquels le mélange est déjà prêt et qui polymérisent sous l’action des UV; leur dépose se fait par ponçage.
  • les capsules collées à l’aide d’une colle cyano-acrylique sur l’extrémité de l’ongle ou sa totalité puis recouvertes de vernis ou de vernis-gel.

Le vernis semi-permanent ou vernis gel est un hybride du gel UV et du vernis classique ; il nécessite l’exposition aux UV pour durcir et présente les mêmes risques que les gels UV ; leur dépose nécessite un enveloppement de 15 mn dans l’acétone qui fragilise l’ongle (2).

Depuis leur apparition, plusieurs effets secondaires ont été signalés :

  • allergie : dermite de contact qui se manifeste par un eczéma périunguéal et un eczéma à distance des paupières et de la face
  • paresthésies parfois très douloureuses
  • décollement de la tablette unguéale
  • une altération de l’ongle du fait du ponçage préliminaire à la pose et /ou ponçage nécessaire à la dépose pour les gels UV
  • infection bactérienne ou mycosique
  • risques liés à l’exposition aux UV : brûlures, photosensibilisation, cancers du dos des mains (3) (4). La responsabilité des UV “en cas d’usage normal “ est remise en cause par plusieurs auteurs (5) (6).

Ces effets secondaires seraient en grande partie dus à une mauvaise technique ou à l’utilisation de produits non conformes à la réglementation européenne. Par ailleurs, il existe une grande variété de lampes UV et l’exposition à une lampe défectueuse ou mal paramétrée ne peut pas être écartée.

Actions à envisager

  • Un certificat de qualification professionnelle (CQP) devrait être exigé pour pouvoir exercer cette profession. Depuis des contrôles effectués par la DGCCRF en 2013 un CAP d’esthétique et un CQP de styliste ongulaire étaient requis pour s’inscrire à la chambre des métiers et de l’artisanat mais la nouvelle secrétaire d’état aurait supprimé cette obligation depuis janvier 2016 (Source : CNAIB) (7)
  • Information des consommatrices sur les risques de ces techniques, le choix du salon ou de la technicienne et sur les dangers à utiliser des kits vendus sur Internet.
  • Contrôle régulier des lampes UV et protection des mains des clientes lors des différents passages sous les lampes (linge ou gants sans doigts).

Bibliographie

1. Baran R, Gœttman S, Andre J. Cosmétiques unguéaux. EMC. 2013;

Cosmétologie et Dermatologie esthétique.

2. Chen AF, Chimento SM, Hu S, Sanchez M, Zaiac M, Tosti A. Nail damage from gel polish manicure. Journal of cosmetic dermatology. 2012;11(1):27-9.

3. MacFarlane DF, Alonso CA. Occurrence of nonmelanoma skin cancers on the hands after UV nail light exposure. Archives of dermatology. 2009;145(4):447-9.

4. Curtis J, Tanner P, Judd C, Childs B, Hull C, Leachman S. Acrylic nail curing UV lamps: high-intensity exposure warrants further research of skin cancer risk. J Am Acad Dermatol. 2013;69(6):1069-70.

5. Diffey BL. The risk of squamous cell carcinoma in women from exposure to UVA lamps used in cosmetic nail treatment. The British journal of dermatology. 2012;167(5):1175-8.

6. Markova A, Weinstock MA. Risk of skin cancer associated with the use of UV nail lamp. J Invest Dermatol. 2013;133(4):1097-9.

7. CNAIB http://www.nouvelles-esthetiques.com/medias/uploads/a-la-une/LETTRE-CNAIB-PROTHESIE-ONGULAIRE.pdf

Questions/Réponses/Commentaires

Yahya Bensouda (C) : les aspects philosophiques, anthropologiques, psycho-sociaux conduisant à des mutilations (ex : interdits par l’Islam) ou des effractions, la décoration et les modifications sont réellement à méditer et devraient être approfondis.

(Q) : y a-t-il des dermatologues artistes ?

(R) : je n'ai jamais fait de tatouage artistique ; ma pratique est tournée vers le détatouage.

Monique Adolphe (C) : les aspects psycho-sociologiques, anthropologiques sont réellement très importants à prendre en compte.

(Q) : s’agissant des ongles artificiels, et compte tenu des risques encourus, quel intérêt y a-t-il pour les individus à s’en faire poser en dehors de la réponse à un effet de mode ?

(R) : certaines femmes disent avoir besoin d’ongles plus résistants ; cela peut également servir d'outil de défense.

Christian Blot (Q) : existe-t-il des tests prédictifs à l'allergie au tatouage ?

(R) : il n’y a pas de tests prédictifs connus à ce jour.

Liliane Grangeot-Keros (Q) : au moment du tatouage, apportez-vous des informations sur la couleur à choisir sachant que certaines couleurs sont plus ou moins difficiles à enlever ?

(R) : la personne en demande de tatouage vient avec l’idée d’un tatouage définitif et n'est absolument pas dans la position de se faire détatouer. Ce n’est pas un sujet de préoccupation pour elle.

Catherine Regnault Roger (Q) : la comparaison du ratio efficacité/coût entre-t-elle en ligne de compte lorsqu'il s'agit pour une personne de choisir entre le « bar à sourire », la technique au fauteuil chez le dentiste ou la technique en ambulatoire ?

(R) : les coûts dans un « bar à sourire » ne sont pas élevés. Les coûts lorsque les actes sont réalisés par un dentiste homologué sont variables d'un professionnel à l'autre. La technique au fauteuil, d’une durée de une heure, donne des résultats moins durables que celle en ambulatoire car utilise des concentrations plus faibles et sur un temps plus long. Le coût moyen est de 600 à 800 €.

Monique Seiller (Q) : les ‘bars à sourire’ utilisent-ils le peroxyde de carbamide ?

(R) : non car la durée d’action du produit -7 à 8 h- est trop longue pour une utilisation dans ce cadre.



Conclusions et recommandations par Dominique Chulia-Clément et Monique Seiller, membres de l’Académie nationale de Pharmacie

Diapositives présentées

 

Dominique Chulia-Clément fait la présentation des recommandations qui seront diffusées à l’issue de la séance.

 

 

Le Président Claude Vigneron clôt la séance à 17h15.