Conférence Hygia du 8 novembre 2017

compte rendu et diapositives présentées lors de la séance académique du 8 novembre 2017
"Miniaturisation des systèmes d'analyse,du patrimoine au médicament" - Pr Caroline Tokarski

 Séance académique

« Actualités thérapeutiques »
 Mercredi 8 novembre 2017

Conférence Hygia à 14 h 00

« Miniaturisation des systèmes d’analyses, du patrimoine au médicament »
Professeur Caroline Tokarski, Membre de l’Institut Universitaire de France, Directrice de l’USR CNRS 3290 Miniaturisation pour la Synthèse, l’Analyse et la Protoméique, Université de Lille 1 Sciences et Technologies

 

La caractérisation et l'étude de la matière organique dans les échantillons du patrimoine culturel représente un véritable défi analytique. Les composés organiques sont d’abord inclus dans des matrices diverses et complexes. Ils sont ensuite soumis à différents stress physicochimiques, d’origine environnementale, sont sujets au vieillissement sur de très longues périodes, et aussi soumis à des phénomènes de dénaturation et/ou transformation. Le dernier facteur défavorable réside dans les quantités très limitées d’échantillons à disposition pour ce type d’analyse. Considérant les œuvres d'art, la caractérisation des composés organiques est une source inestimable d'informations pour la connaissance de ces œuvres, la compréhension d'un processus de fabrication ou la maitrise de la technique d'un artiste. Ces informations sont également importantes dans un cadre de conservation et de restauration. Dans le domaine de l'archéologie et des échantillons paléontologiques, les informations relatives aux protéines peuvent être utiles pour des études de phylogénie.

 

Jusqu'à récemment, les composés organiques provenant d'échantillons du patrimoine culturel étaient étudiés par l’analyse de leurs composés constitutifs comme les acides aminés, les acides gras ou les monosaccharides, ces approches menant à des réponses structurales partielles doublées de pertes importantes d’informations. Au début des années 2000, nous avons adapté avec succès les méthodologies protéomique et lipidomique pour l'étude de peintures historiques ou d'échantillons archéologiques permettant pour la première fois l'identification structurale précise des protéines et des lipides ainsi que l'identification des espèces biologiques d’origine. Plus récemment, nous avons proposé une méthodologie permettant l’identification précise des gommes polysaccharidiques naturelles. Ces méthodologies sont actuellement utilisées dans les musées internationaux les plus prestigieux (par exemple le Metropolitan Museum of Art de New York, le Harvard Art Museum de Cambridge).

 

Les défis actuels résident maintenant dans la compréhension des contextes archéologiques et sociétaux liés à ces anciens modes de vie, incluant même les soins et les traitements médicamenteux. Ces derniers sont particulièrement difficiles à appréhender pour d’évidentes raisons de conservation d’échantillons ou d’évolution/dégradation des molécules ciblées. Nous démontrerons au cours de cette conférence comment les nouveaux systèmes d’analyses miniaturisés tendent à répondre aux questions soulevées par les sciences du patrimoine culturel ainsi qu’aux problématiques rencontrées dans les sciences du médicament ou dans les sciences pharmaceutiques.

 

Questions-Réponses-Commentaires

 

Jean Costentin (Q) : qu’est-ce qui vous permet de distinguer la substance native des appositions opérées à la faveur de manipulations multiples ultérieures et autres contaminations ?

(R) : s’agissant du patrimoine artistique, ce sont les modifications chimiques apportées à certains composés qui nous permettent de disposer d’informations intéressantes.

Concernant la partie archéologique le sujet est plus complexe ; la plupart du temps, le travail porte sur l’environnement, les sédiments etc. Nous avons travaillé sur les ossements de l’homme de Néandertal et nous nous sommes interrogés sur le fait que ces ossements aient été des ossements humains ou non. Nous avons trouvé que les ossements de l’homme de Néandertal comportaient trois substitutions sur sa séquence d’acides aminés et que nous ne retrouvions pas chez l’humain plus récent. Dans le même domaine nous avons travaillé sur des tessons et nous sommes interrogés sur l’origine de la fermentation : revient-elle d’une époque éloignée ou d’époques plus récentes ? Un des points clefs est l’analyse des macromolécules natives (exemple : caséine).

 

Christiane Garbay (Q) : avez-vous étudié des protéines modifiées par des saccharides (glycoprotéines) et obtenu des résultats ?

(R) : le sujet est effectivement très intéressant mais difficile à traiter. Nous observons que sur les matériaux anciens, les protéines sont dégradées. À titre d’exemple, sur la caséine des ‘amphores biberon’, nous avons retrouvé des phosphoprotéines. Cependant, nos spectres sont difficilement lisibles.